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LES ARTICLES DE PRESSE

Concorde et l’Airbus – Editorial de Jean-Marie RICHE

André Turcat, très modestement, a déclaré en commentaire au premier vol de Concorde que cet essai ne doit pas être considéré comme un achèvement ou un accomplissement.
C’est, a-t-il ajouté, le point de départ d’un nouveau travail de mise au point très complexe qui exigera beaucoup d’efforts avant que les premiers passagers soient invités à prendre place à bord du premier vol commercial.
Ce n’est guère avant de la fin de l’année prochaine que pourront commencer les essais supersoniques de Concorde.
De nombreux vols seront encore nécessaires avant que les constructeurs soient en mesure de fournir aux utilisateurs des spécifications et performances garanties sans lesquelles les inscriptions sur la liste d’attente pour Concorde ne pourront être transformées en commandes fermes.
Cette période capitale dans la carrière de Concorde se situera dans le courant du second semestre de l’année prochaine. Il faudra encore, pour parvenir à la phase opérationnelle, que les astreignantes épreuves de certification soient surmontées ainsi que les problèmes inhérents au démarrage de la série. Selon le président Henri Ziegler, ceci amènera au début de 1974.

Pour atteindre la consécration finale, c’est-à-dire la mise en ligne commerciale de Concorde, il faudra aussi répondre aux désidératas des utilisateurs des Constructeurs de cellules, de moteurs et d’équipements vont devoir mener dans les mois qui viennent une politique commerciale très souple contrastant avec les méthodes de la période antérieure durant laquelle le administrations – et non les clients – jugeaient en dernier ressort.
La masse des clients, c’est-à-dire des dizaines de millions de téléspectateurs du dimanche, a, en tout cas, grâce à un reportage qui restera l’un des plus grands moments de la télévision, pris conscience de Concorde, enfin concrétisée, dans son élément, au terme d’une longue attente.
De ce point de vue, le premier vol de Concorde a vraiment été l’évènement capital. L’attention que, dès lundi, lui a accordée la presse d’information a confirmé ce premier impact. Cette démonstration donne une idée des possibilités des constructeurs européens qui sont certainement capables – qui peut le plus peut le moins – de maîtriser les techniques associées à la création et au développement de l’Airbus supersonique.
Parce que la fabrication de Concorde ne peut immédiatement alimenter les ateliers de Sud Aviation et des constructions associés, la première consécration attendue de l’évènement est l’annonce de fabrication intérimaires et de l’Airbus A300B, sans lesquels ne peut être maintenu le potentiel industriel nécessaire pour réaliser la série des Concorde.

Concorde : ”La machine vole, et elle vole bien », Article de Jacques MORISSET

Le premier vol de Concorde aura été un évènement international : plus de 400 journalistes, les chaînes de radio et de télévision, avaient suivi heure par heure un compte à rebours qui s’éternisait. Lorsque ce dimanche 2 mars, à 15h38, André Turcat lâcha les freins de l’avion, des millions de français et de britanniques attendaient avec impatiente un décollage qui les surprit quand même un peu : sur les écrans de télévision, en effet, et la déformation due aux téléobjectifs aidant, Concorde sembla se cabrer de plusieurs dizaines de degrés, puis amorcer une montée impressionnante, tandis que des dizaines de milliers de Toulousains, massé aux alentours, voyaient enfin leur avion voler.
Vingt-sept minutes plus tard l’appareil se reposait sur cette même piste de Toulouse-Blagnac qui l’avait vu décoller. Là encore, les téléspectateurs eurent de quoi être impressionnés (les passionnés de l’aviation aussi d’ailleurs) : l’approche, puis l’atterrissage de Concorde furent en effet très spectaculaires, la formule aérodynamique de l’avion (aile delta) conduisant à une descente de l’appareil en position cabrée.
Tout s’était bien passé, tandis qu’à Bristol, à 1000 kilomètres de là, les ouvriers britanniques qui travaillaient sur le prototype 002 clamaient leur enthousiasme, André Turcat immobilisait Concorde 001 devant l’aérogare de Toulouse ; l’équipage de l’avion était alors félicité par M. Henri Ziegler, Président-Directeur Général de Sud Aviation et Sir George Edwards, Président de la British Aircraft Corporation. Quelques minutes après, André Turcat, Jacques Guignard (copilote), Henri Perrier (ingénieur navigant), Michel Rétif (mécanicien navigant) commentaient le vol, écourté par suite d’une météo pessimiste, mais qui s’était déroulé exactement comme l’espéraient les responsables de l’opération.
Une page était tournée dans l’histoire de l’aviation ; Concorde avait volé, et bien volé, malgré les prévisions, parfois fort sombres de ses détracteurs.
Avant de commenter ce vol, rappelons d’abord les exigences qui entraînèrent, deux jours durant des reports successifs : la nouvelle piste de Toulouse-Blagnac étant orientée Sud-Est/Nord-Ouest, et le survol de Toulouse étant exclu pour un vol d’essai, l’appareil devait décoller vers le Nord-Ouest ; mais le vent d’Autan soufflait, venant du Sud, c’est-à-dire fans le dos de l’appareil : position inconfortable pout tout avion, et à fortiori pour un prototype, même s’il ne décollait pas à sont poids maximal. On attendait donc une baisse de ce fameux vent d’Autan, la valeur maximale admissible étant d’une dizaine de noeuds (18 km/h).

Le 2 mars au matin, le brouillard régnait en maître : c’était plutôt bon signe. Mais le vent d’Autan, en le chassant, s’établissait à un niveau trop élevé. Vers le milieu de la journée, il faiblissait, mais les nuages apparaissaient. Son Président en tête, l’état-major de Sud Aviation suivait avec attention l’évolution de la situation météorologique, à partir d’indications fournies en bonne partie par la station météo de la Montagne Noire. A tout hasard, l’appareil était cependant préparé, un créneau s’annonçant possible.
A 14h40, un des moteurs est mis en route : le vent est tombé à 4 noeuds, la visibilité horizontale atteint 15 km, la nébulosité est de 3/8. Puis le vent se lève et la décision est reportée.

Décollage vent dans le dos.

A 15h35, nouveau feu vert : les quatre turboréacteurs sont démarrés successivement et l’équipage commence la lecture de la dernière check list. A 15h35, Concorde est aligné en bout de piste et un ultime contrôle est effectué, freins et moteurs en particulier. Dernier point fixe : l’appareil commence à rouler à 15h39 ; il pèse alors 110 tonnes environ (plus de trois tonnes de kérosène ont été consommées au sol) et accélère rapidement sous la poussée de ses quatre moteurs, post combustion en marche. Le vent arrière (à 220°) atteint 4 noeuds, la nébulosité est toujours de 3/8, et les couches nuageuses sont à 750 et 12.000 mètres : un temps très acceptable pour ce premier décollage. Après 22 secondes de roulage, 1500 mètres ayant été parcourus, Turcat déclenche la rotation en incidence : celle-ci atteint les 10° nécessaire et l’appareil décolle franchement, à la vitesse de 175 noeuds (323 km/h), puis amorce une montée rapide, à plus de 3000 pieds/minutes. L’angle de montée, impressionnant, s’élève à 22° et le nouvel avion atteint les 500 mètres en 25 secondes.

Le vol se déroule alors selon un schéma très simple : quatre minutes après son départ, Concorde vole à 220 noeuds (407 km/h) à 2800 mètres d’altitude en direction d’Agen. A 15h45, l’appareil est en pallier, à poussée réduite, à 3000 mètres d’altitude et vole à 250 noeuds (462 km/h). Il est alors près de Castelsarrasin, à 45 kilomètres au nord-ouest de Toulouse et amorce un très large virage sur sa gauche.
A 15h48, il se dirige vers Toulouse, tandis qu’André Turcat modifie la vitesse, l’assiette et l’altitude de l’avion en jouant sur la poussée. La vitesse maximale atteinte sera de 540 km/h, l’altitude de 12.000 pieds (4000 mètres). Vers 16 heures, à une trentaine de kilomètres au sud-est de Toulouse, Concorde effectue un deuxième virage à 180° et se trouve ainsi à nouveau dans l’axe de la piste.
L’appareil survole Toulouse pendant l’approche, la fin de celle-ci s’effectuant à 170 noeuds (314 km/h) : Concorde va-t-il, comme prévu, effectuer une approche simulée, puis après un deuxième tour, plus court, se poser enfin après 35 à 40 minutes de vol. C’était sans compter sur la météo : pendant le vol, les conditions se sont légèrement dégradées et André Turcat a décidé de se poser : l’atterrissage s’effectue donc, impeccablement, à 16h07, avec l’utilisation du parachute de freinage.

L’avion, qui ne pèse plus que 99 tonnes (Concorde emportait au décollage assez de carburant (40 tonnes) pour voler une heure et quart et disposer ensuite des réserves réglementaires), roule moins de 2000 mètres et rejoint le parking devant l’aérogare au milieu des applaudissements. Sur les routes alentour la circulation reprend, car les automobilistes prévenus par la radio, avaient arrêté leur voiture pour contempler ce spectacle unique : le premier vol de Concorde.

Bruit acceptable.

Techniquement, ce premier vol aura permis à André Turcat, à son équipage et aux ingénieurs de Sud Aviation de vérifier le bon comportement de l’avion dans un domaine de vol encore restreint, mais essentiel puisqu’il concerne la gamme des vitesses lentes, celles auxquelles, précisément, il est difficile de faire voler un avion d’abord conçu pour croiser à 2300 km/h.
Lors de la conférence de presse qui s’ensuivit, André Turcat déclara :
– Vous voyez que la machine vole, et je peux ajouter qu’elle vole bien. Ce premier essai, nous l’avions répété de nombreuses fois sur un simulateur (près de milles heures), puis à bord d’un Mirage IV et d’un Boeing. Nous connaissions fort bien le circuit.
– Ce premier vol, a dit encore André Turcat, n’est pas un achèvement, mais le départ de notre travail pour la mise au point de cette machine, qui nous demandera encore beaucoup d’efforts. Il faudra des mois et des années avant de pouvoir annoncer que les passagers peuvent prendre place à bord. Nos méthodes de travail, dont a souvent critiqué la lenteur, nous ont permis de réaliser un avion qui répond à ce que nous attendions.

Le niveau sonore enregistré n’a pas semblé inquiétant aux spectateurs. Les moteurs n’étaient d’ailleurs pas sollicités à leur poussée maximale (13,6 tonnes), mais les dispositifs de postcombustion étaient allumés (taux de réchauffe : 12%). Précisons que ces moteurs avaient été livrés par Rolls Royce/Bristol Siddeley et la SNECMA avec un potentiel (durée de vie avant révision) de 100 heures. Avant le vol, sur ces 100 heures, plus de 45 avaient été dépensées lors des essais au sol.
Les ennuis rencontrés pendant le vol furent négligeables : citons le système de comparaison entre les deux pilotes automatiques, qui déclencha, à tort, une alarme ; et la panne momentanée, après le décollage, de l’un des deux radioaltimètres.

Les prochains Vols.

Le deuxième vol était prévu pour le milieu de cette semaine. Les résultats du premier vol ont été suffisamment satisfaisants pour qu’il soit décidé que le train d’atterrissage, lors du deuxième vol, serait escamoté et la pointe avant relevée. Ensuite, commencera l’ouverture progressive du domaine de vol en régime subsonique (phase 1 des essais), à l’intérieur des limites débloquées à la suite des essais de vibrations déjà effectués au sol par l’ONERA. Dès les premiers vols, de légères variations du centrage (par transfert de carburant) seront également expérimentées et la maniabilité sans autostabilisation des commandes sera contrôlée. Ces essais, classiques, seront effectués parallèlement à des études sur simulateur pour l’optimisation des divers systèmes.
La seconde phase d’essais en vol débutera ensuite avec les premiers essais de vibration (excitation en vol) jusqu’à la vitesse de Mach 0,93, selon une progression qui dépendra du nombre de modes structuraux à étudier en vol.
Ces deux phases d’essais demanderont probablement quatre mois. Le prototype 001 subira alors un chantier de trois mois environ, enfin de subir des modifications déjà envisagées ou décidées à la suite des résultats des essais en vol, essentiellement dans le domaine des équipements.
La phase 3 (exploration du domaine transsonique, puis supersonique, jusqu’à Mach 1,3) commencera dès que l’appareil aura reçu les moteurs nécessaires. On peut raisonnablement estimer que Concorde sera supersonique fin 1969, début 1970.

La phase 4 sera celle de l’extension du domaine de vol jusqu’à Mach 2. Pendant cette phase, l’avion 001 ouvrira le domaine au point de vue de la maniabilité et des phénomènes d’aéroélasticité, tandis que l’avion 002 procédera, aux régimes déjà explorés, à des études plus détaillées, incluant les propulseurs et les performances.
La phase 5 sera celle de vol continu à Mach 2 (c’est-à-dire pendant des périodes d’au moins trente minutes) et des premières évaluations de la consommation spécifique.
La phase 6 sera celle de l’exploration des fortes incidences de vol (jusqu’à plus de 20°) et de la mesure des performances de décollage et d’atterrissage, conformément aux règles TSS.

Un marché mondial.

On a toujours prêté la plus grande attention au coût du projet Concorde, mais on a beaucoup moins parlé du revenu considérable de cet investissement que l’on est en droit d’escompter des ventes Concorde sur le marché mondial
Selon l’estimation de BAC et de Sud Aviation, les ventes initiales de Concorde peuvent atteindre le chiffre de 250 appareils. Cette opinion est basée sur l’hypothèse raisonnable en vertu de laquelle l’avion de série proposé aux compagnies aériennes sera capable de transporter sa pleine charge de passagers à deux fois la vitesse du son, sans escale, entre Paris ou Londres et New York.

Influence du bang sonique.

Cette estimation prudente chiffrant à 250 appareils les ventes initiales de Concorde correspond à l’hypothèse d’une interdiction mondiale du bang sonique au-dessus des terres habitées. Il n’est pas encore possible de se faire une opinion définitive d’une telle interdiction. L’effet perçu au sol du bang sonique d’un avion supersonique quelconque varie en fonction de l’altitude de vol, de l’altitude de l’appareil et de sa masse ; il varie également d’un avion à l’autre en fonctions des dimensions, du poids, de la configuration générale de l’aérodynamique : chaque TSS aura ainsi sa signature propre et caractéristique, qui variera elle-même en fonction des autres facteurs énumérés, ci-dessus.
On ne disposera donc de renseignements précis sur le bang sonique de Concorde que lorsque celui-ci aura volé en supersonique à son Mach de croisière, à des altitudes et avec des charges entrant dans le cadre d’un vol régulier type. Le problème du bang sonique en cours de croisière ne se pose pas avant que l’avion ait dépassé le seuil de Mach 1, ce qui se produit normalement à une altitude d’environ 40.000 pieds (12.200 mètres) et à une distance d’environ 150 milles (240 kilomètres) du point de départ. Cette distance peut d’ailleurs évidemment être modifiée dans des limites asses larges en fonction de la topographie locale, puisque le rayon d’action de Concorde en vol subsonique est comparable à son rayon d’action en supersonique. Le fait de retarder l’accélération supersonique de 80 kilomètres par exemple, n’entraîne donc qu’une pénalité de quelques minutes, il en est de même pour la trajectoire d’approche ; cependant, le problème de l’approche sera plus facile, car Concorde sera moins lourd et son bang sonique devrait être beaucoup moins intense en fin de voyage qu’au départ.
En outre, la vitesse même de Concorde engendrera un accroissement du trafic aérien. Un tel accroissement lié aux temps de voyage à toujours été constaté depuis l’époque des diligences. Dans le domaine des long-courriers, le réseau de l’Atlantique Nord représente à cet égard plus de 40% du trafic aérien mondial
Mais l’augmentation la plus spectaculaire du volume de trafic sur ces routes ne s’est produite que lorsque l’apparition des “Jets” a permis de réduire à 6 ou 7 heures la durée du voyage Europe-Amérique. Il est certain que la vitesse de Concorde provoquera un accroissement semblable du trafic sur beaucoup de réseaux qui n’ont encore qu’une faible densité. Ce sera le cas, notamment, sur les routes du Pacifique auxquelles échoit actuellement moins de 10% du trafic long-courrier mondial, bien que ces routes relient la côte occidentale des Etats-Unis à des régions en aussi forte expansion industrielle que le Japon l’Australasie. Un accroissement comparable du trafic aérien sera à prévoir sur les lignes de l’Europe à l’Extrême-Orient et à l’Australasie.

Il est courant d’entendre reprocher à l’avion de transport supersonique – comme ce fut le cas déjà avec les premiers avions à réaction – d’être un mode de transport de luxe pour vedettes de cinéma, et par conséquent d’un intérêt si limité qu’il ne peut qu’entraîner un gaspillage des ressources nationales et internationales.
Toute l’histoire du transport aérien est en contradiction avec cette appréciation superficielle. La réalité, c’est que l’exploitation de Concorde peut être bénéficiaire même aux tarifs actuels, car dans ce cas et dans la mesure de sa capacité, Concorde écrémé tout le trafic des jets subsoniques, qui mettent deux fois plus de temps pour effectuer le même voyage. Par exemple, pour un vol Paris-New York au même tarif qu’un avion de transport mettant deux fois plus de temps.

Marché mondial.

Concorde ferait vraisemblablement le plein de ses passagers. Les tarifs différentiels sont du ressort des compagnies aériennes, et il est probable que le billet de transport en supersonique sera majoré d’une surtaxe, imposée autant pour protéger de la dépréciation les investissements considérables de capitaux que représentent les matériels subsoniques en service, que pour compenser les coûts d’exploitation plus élevés de Concorde. L’effet d’une telle surtaxe serait de réduire à 55 ou 60% le coefficient de remplissage de Concorde et dans ce cas, l’exploitation de l’appareil resterait largement bénéficiaire, en raison de l’augmentation de tarif.
Les passagers ne seraient pas seulement des vedettes de cinéma mais également et surtout des hommes d’affaires et autres représentants de sociétés pour lesquelles le temps vaut de l’argent – or, c’est précisément ce temps précieux que Concorde leur permettrait de gagner.

Concorde et le Ministère des Armées.

Le programme Concorde bénéficie à part entière de l’appui du ministère des Armées et tout particulièrement des services de la Direction Technique des Constructions Aéronautiques (DTCA). Cette direction supervise sur le plan technique et sur le plan financier lorsque les programmes sont financés par l’Etat, les programmes aussi bien civils que militaires. Cette organisation présente l’avantage d’assurer l’osmose des progrès techniques réalisés chez les divers constructeurs.
Les moyens importants développés après la dernière guerre pour répondre aux besoins des programmes aéronautiques, principalement militaires, ont été mis au service du programme “Concorde”. Ces moyens collectifs sont, pour les plus importants, le Centre d’Essai en Vol, le Centre d’Essais Aéronautiques de Toulouse (CEAT) et le Centre d’Essais des propulseurs (CEP)

Le Centre d’Essais en vol participe à l’expérimentation de nombreux équipements de Concorde : au sol et en vol. Il dirige, en collaboration avec le service Technique de l’Aéronautique et les services officiels britanniques, les essais en vol et il y participera directement jusqu’au stade de la certification. D’une façon générale, le Centre d’Essais en Vol joue le rôle de conseiller et d’experts.
Le Centre d‘Essais Aéronautique de Toulouse a reçu un complément important d’équipements à l’occasion du programme “Concorde”. Il conduit principalement les essais de résistance et d’endurance dans des conditions d’environnement aussi voisines que possible de la réalité.
Le Centre d’Essais des Propulseurs effectue des essais du moteur Olympus dans des caissons spéciaux simulant les conditions de vol en température et en pression.
A ces moyens d’essais, il faut ajouter l’ONERA, qui ne dépend pas de la DTCA, a une personnalité juridique particulière et une certaine autonomie ; L’ONERA est cependant placé sous la tutelle du ministère des Armées par l’intermédiaire de la Délégation Ministérielle pour l’Armement. L’apport de l’ONERA au programme “Concorde” s’est matérialisé dans de nombreux domaines de recherche de base et de recherche appliquée. Citons : les études sur les ailes “Delta”, les calculs de vrillage et de cambrure de l’aile, l’étude et l’expérimentation des prises d’air supersoniques et des tuyères d’éjection, l’étude du flutter, et, bien entendu de très nombreux essais en soufflerie. En 1968, l’ONERA a consacré ainsi 9% de son activité à Concorde.
De même un concours direct a été apporté au programme Concorde par l’utilisation d’avions militaires.

Un Mirage III B biplace a été équipé d’un dispositif de contrôle à stabilité variable et permet ainsi de simuler les réactions d’un autre avion aux commandes de pilotage. Il a servi à la mise au point des équipements de commande de vol de Concorde ainsi qu’à l’entrainement des pilotes.
Le Mirage IV est particulièrement intéressant en raison de la similitude de certaines de ses performances. Il a servi à conduire des essais ou des expérimentations en vol, dont on peut citer les suivants : essais du nouveau standard relatif à la sécurité au décollage et à l’atterrissage, mise au point de la procédure de mesure du bang sonique “Concorde” et étude de la focalisation en accélération ou virage, premiers essais réels d’introduction d’un avion supersonique dans les Contrôles aériens civils, emport de matériel “Concorde” comme les systèmes d’auto-stabilisation et l’horizon artificiel à grande sensibilité, étalonnage de ma perche anémométrique “Concorde”. Le Mirage IV a servi également à la mise au point technique des vols d’essais à l’entrainement des futurs pilotes de Concorde. Neuf pilotes dont trois britanniques, avaient effectué 93 vols fin août 1968.
Il convient de noter que les moyens militaires de circulation aérienne sont mis à contribution pour l’exécution des vols d’essais de Concorde.

Olympus-593 près de quarante moteurs déjà construits

Quatre ans après le premier essai au banc du premier moteur, le turboréacteur Olympus 593 de Concorde a atteint un stade avancé de développement ; il est maintenant prêt pour le programme de développement de 54.000 heures qui conduira à l’obtention du Certificat de Navigabilité de l’avion supersonique. Au cours de ce programme, 44 moteurs de développement en vol effectueront un total de 16.000 heures de fonctionnement.
Le développement d’un moteur civil tel que l’Olympus 593 exige un programme continu de 20 ans ou plus dont les quatre premières étapes sont :
– Livraisons du premier moteur au banc d’essais
– Livraison du premier moteur de vol à l’avionneur
– Programme de développement en vol aboutissant au Certificat de Navigabilité
– Développement au cours de la mise en service initiale conduisant généralement à une deuxième version du moteur
La deuxième phase de ce programme a été constituée par l’essai au banc en juillet 1964 de la première version du moteur Olympus 593, suivi en novembre 1965 par l’essai d’une version plus puissante de l’Olympus 593 nécessitée par une modification de l’avion dans le but d’augmenter le rayon d’action et la charge payante de Concorde.

A la date de livraison des premiers moteurs de vol à Sud Aviation et à BAC, en 1968, le programme d’essais du moteur Olympus 593 comptait 4000 heures environ et plusieurs installations importantes d’expérimentation avaient été crées et fonctionnaient de manière satisfaisante.
Trois bancs d’essais spécialement construits, deux à Bristol et un, au centre d’essais de la SNECMA, à Villaroche, ont permis d’effectuer la plus grande partie des essais de développement de l’Olympus 593. Ces bancs d’essais sont équipés de système de préchauffe, ce qui permet au moteur de fonctionner à des températures d’entrée d’air élevées afin de simuler les conditions de croisière supersonique.
Les essais supersoniques de l’Olympus 593 ont été faits, en totalité au sol dans les installations du Centre d’Essais des Propulseurs de Saclay et de son homologue britannique le British National Gas Turbine Establishment de Pyestock (NG.T.E.).
A Pyestock, une installation d’essais en veine libre permet de réaliser des essais sur un moteur Olympus 593 grandeur réelle, équipé de son entrée d’air à géométrie variable. C’est ainsi que le moteur a pu être expérimenté aux conditions de croisière exactement simulées en ce qui concerne la température, la pression et la vitesse d’air.
Aux cours des deux dernières années Rolls-Royce (Bristol Engine Division) a procédé à des essais en vol subsonique sur un bombardier “Vulcan” modifié avec une nacelle Concorde simple, équipée d’un Olympus 593 et d’un système d’éjection SNECMA.

A ce jour, le Vulcan a volé, avec l’Olympus 593 en fonctionnement environ 150 heures afin d’étudier la pilotabilité et les performances dans tout le domaine de vol subsonique de Concorde, y compris le rallumage et la réchauffe. Une autre série d’essais aura pour but d’étudier le dégivrage à l’aide d’une grille de pulvérisation d’eau montée devant l’entrée, pour injecter de l’eau dans le moteur et dans l’entrée à haute altitude. En outre, le ”Vulcan » a grandement contribué au développement des commandes électroniques de la régulation du moteur de base et de la réchauffe.
Par ailleurs, la fiabilité du moteur Olympus 593 s’est révélée supérieure à ce qui avait été initialement prévu. En conséquence, le nombre de moteurs qui ont dû être démontés et remontés après les essais a été nettement inférieur aux estimations initiales. Ainsi, après un essai d’endurance de 170 heures, les éléments du moteur ont été trouvés dans un état exceptionnellement satisfaisant.
Le système d’éjection SNECMA de l’Olympus 593, ensemble hautement intégré comprenant une tuyère primaire à géométrie variable, un système de réchauffe, un système d’inversion de poussée, un dispositif de silencieux escamotable et une tuyère secondaire à géométrie variable, fonctionne correctement, comme le démontrent plus de 1500 heures d’essais au banc : son efficacité a été prouvée au cours d’un programme intensif d’essais en soufflerie.
A la fin de 1968, 37 moteurs de développement avaient été construits au titre du programme, dont 17 pour les travaux de développement en, vol et le reste pour des essais au banc. A ce stade, le moteur comptait 5000 heures d’essais effectuées en Grande Bretagne et en France. Avant la mise en service commercial de Concorde, les Olympus 593 auront effectué plus de 30.000 heures d’essais au sol et en vol.