Interview réalisée le mercredi 3 octobre 2007 à bord du Fox Charlie
Préface Henri-Gilles Fournier.
L’avion de transport franco-britannique Concorde a sans nul doute marqué la deuxième moitié du vingtième siècle. Son avance technologique était telle qu’il est devenu le symbole du savoir aéronautique européen avant l’heure
Adulé, jalousé, ne laissant personne indifférent, cet « Archange » né de l’intelligence humaine a suscité de nombreuses polémiques venant en particulier de ceux n’ayant su le réaliser.
Que ce soit dans l’ombre des hangars, sur les planches à dessin ou au soleil des cockpits, les Turcat, Servanty et leurs équipes ont permis aux ailes françaises de se hisser au plus haut niveau.
A notre époque de banalisation ou l’élitisme n’est plus de mise, n’oublions pas cet avion que « Monsieur Economie » lui a momentanément coupé ses ailes, il renaîtra un jour, servant de trait d’union entre l’aviation classique et la conquête spatiale.
Il à ouvert une parenthèse dans l’ère du transport supersonique et j’ai eu l’honneur de ramener à Toulouse sa terre natale le dernier CONCORDE français « Fox Charlie« .
Par ces quelques lignes, j’ai voulu remercier Xavier Massé d’avoir redonné la vie celui qui restera à jamais dans l’imaginaire des hommes.
Au revoir CONCORDE. Henri-Gilles Fournier
++++++++++++++++++
Henri-Gilles Fournier, bonjour !
CAC – Vous avez eu une longue carrière aéronautique avant d’entrer chez Air France, pouvez-vous-nous en parler ?
Henri-Gilles Fournier :
En quelques mots, oui, effectivement je peux rapidement brosser ma carrière aéronautique.
J’ai débuté d’abord à l’armée comme pilote militaire et au préalable un petit peu pilote dans les aéroclubs et pilote de planeur également. Ensuite, je suis entré à Air France en stage sur Mystère 20 et Caravelle en 1967.
Après pratiquement 18 mois de stage, je me suis retrouvé qualifié pour co-pilote Caravelle. A l’issue de ce stage, j’ai volontairement permuté pour aller à la compagnie aérienne UTA où j’ai fait un stage sur un avion qui s’appelle le DC-8, quadriréacteur long courrier, qui était l’équivalent du Boeing 707 Air France. Et, j’ai été copilote sur DC-8 puis ensuite sur DC10, puisqu’on a touché le DC-10. Je suis revenu ensuite sur DC-8 comme commandant de bord sur long-courriers. Ensuite j’ai progressé sur les différentes machines de la Compagnie : DC10, 747-300, 747-400. Lorsque nous avons eu la fusion avec Air France, je suis revenu sur la machine initiale c’est-à-dire le Boeing 747-400. Et enfin en 1996, j’ai accédé au Concorde mon stage s’est situé en 1996 et jusqu’au dernier vol le 27 juin 2003, vol sur lequel nous avons ramené sur sa terre natale, Concorde Fox Charlie dans lequel nous sommes actuellement
CAC – Vous avez anticipé un petit peu donc vous avez intégré la compagnie Air France, à quel moment avez-vous pensé devenir pilote de Concorde ? Pour vous c’était un rêve, un défi, un aboutissement ?
Henri-Gilles Fournier :
Je dirai tout simplement que tout pilote de ligne a rêvé de voler un jour sur Concorde, ce rêve s’est réalisé pour nous tout simplement. Je n’ai pas autre chose à dire.
CAC – Vous souvenez-vous de votre premier vol ?
Henri-Gilles Fournier :
1er vol à l’entraînement ou 1er vol en ligne
CAC – Parlez nous des deux.
Henri-Gilles Fournier :
Le 1er vol, celui qui compte beaucoup à mon avis, c’est la 1ère fois que l’on se retrouve aux commandes de cet avion supersonique où le décollage se faisait…, pour moi personnellement nous étions à l’entraînement à Casablanca, la 1ère fois que l’on prend après le simulateur, les commandes de Concorde, on s’aperçoit que l’accélération est assez fulgurante et l’on se retrouve assez rapidement à des vitesses importantes et c’est toute la différence avec les avions conventionnels
CAC – Vous n’avez pas fait que du vol régulier, pouvez-vous-nous en parler, il y en a-t-il un en particulier qui vous a marqué ?
Henri-Gilles Fournier :
Je pense que le vol particulier auquel vous faites allusion, c’est bien sûr le tour du monde que j’ai fait en 1997, tour du monde, qui était un vol à bien des égards chargé d’émotions car sur le plan humain et professionnel, c’est une expérience inoubliable : partir 27 jours aux commandes de Concorde avec 100 passagers pour faire le tour de la terre, nous nous retrouvions dans des escales très particulières que nous ne pratiquions pas tout le temps bien sûr et c’est là que l’on s’est aperçu de l’engouement du public vis à vis de cet avion, et nous étions toujours surpris de voir les foules se déplacer autour de cet avion qui dans le fond est assez particulier.
CAC – Avez-vous quelques anecdotes à nous raconter ?
Henri-Gilles Fournier :
Oui je peux en citer une amusante, j’ai personnellement fait le vol inaugural sur le terrain IVAGO, c’est au Nord en Laponie après avoir transporté des enfants que nous avions pris à bord à Londres en Angleterre : On se pose entre chien et loup vers 13 heures, c’était le 14 décembre, donc c’est pratiquement la nuit à toute heure du jour. Et ce vol était particulier. Parce que c’était émouvant de voir les enfants aller mettre leur lettre au Père Noël, partant du Concorde en supersonique de Londres et une heure trente après se retrouver sur ce terrain qui est très au Nord de l’Europe.
CAC – Avez-vous eu des passagers qui avaient peur en Concorde ?
Henri-Gilles Fournier :
Quelques-uns uns oui, mais pas plus que sur un avion normal, quelques-uns que nous avons dû rassurer pendant le décollage.
CAC – Vous avez fait le convoyage du Fox Charlie de Roissy à Toulouse le 27/06/2003. Accepteriez-vous de nous faire-part de quelques réflexions ?
Henri-Gilles Fournier :
Réflexion, c’est un vol très particulier : c’était le dernier vol d’un Concorde français entre Paris, bien sûr, et Toulouse. Concorde, tout un chacun le sait, est le fils de Toulouse puisqu’il est né à Toulouse. On ramenait à sa terre natale, le dernier Concorde français et c’était un vol aussi chargé d’émotions, puisque il se terminait lorsque j’ai mis le frein de parc c’était aussi mon dernier vol, je prenais ma retraite tout de suite après.
CAC – Vous attendiez-vous à voir autant de monde au départ de Roissy et peut-être encore plus à Toulouse ?
Henri-Gilles Fournier :
Nous nous attendions à voir du monde, c’est sûr mais autant non, On n’était pas surpris parce que le Concorde a fait déplacer quelques foules mais à la fois émus de voir toute la compagnie Air France, des gens du sol d’Air France qui descendait de leur poste de travail pour nous saluer au départ de Roissy, et lorsque nous sommes arrivés à Toulouse : eh bien, après avoir fait une remise de gaz pour montrer un petit peu une dernière fois le Concorde aux habitants de Toulouse, nous nous sommes aperçus qu’autour de 20 000 personnes nous attendaient autour de l’aéroport.
CAC – Vous avez mi-fin à votre carrière aéronautique à l’occasion de ce dernier vol, Avez-vous eu le sentiment d’avoir fait une carrière peu ordinaire et une fin de carrière exceptionnelle ?
Henri-Gilles Fournier :
Toute la carrière de pilote de ligne est toujours exceptionnelle, parce que lorsque l’on fait de sa passion un métier, c’est quand même exceptionnel et je peux dire que je me suis amusé toute ma carrière.
CAC – Que diriez-vous aux jeunes qui souhaitent choisir cette filière aéronautique ?
Henri-Gilles Fournier :
Non mais écoutez, l’aviation évolue, le vol supersonique je pense reprendra dans quelques années. Car pour la première fois, il y a une régression de l’histoire, on traverse de Paris à New York en 7½, 8 heures au lieu de traverser en 3½ h. Mais, j’encourage les jeunes à persévérer car cela restera encore un métier merveilleux. On a privilégié actuellement le transport de masse pourquoi pas, C’est une option actuelle
Votre conclusion, Henri-Gilles Fournier :
Par une petite phrase du sociologue Gustave Lebon » ce sont toujours les côtés merveilleux des évènements qui frappent le plus les foules »
Merci Henri-Gilles Fournier.