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LES ARTICLES DE PRESSE

Article de Jacques GAMBU

Il vole ! Pour la première fois, ce dimanche 2 mars 1969, sur l’aéroport de Toulouse-Blagnac, le premier prototype du BAC-Sud Aviation “Concorde” prend possession de son élément. Le décollage fut franc et cette grande première souleva l’enthousiasme des milliers de spectateurs.

L’équipage du premier vol. De gauche à droite, Michel Rétif, mécanicien navigant ; André Turcat, Directeur des essais en vol de Sud Aviation, copilote commandant de bord ; Henri Perrier, ingénieur d’essais navigant, et Jacques Guignard, copilote. Une fameuse équipe bien entraînée.

André Turcat : ”La machine vole bien ».

Les ingénieurs et les ouvriers avaient attendu de nombreuses années, les journalistes pouvaient attendre quelques jours. Du 28 février au 2 mars 1969, un suspense s’établit à Toulouse, ponctué par des conférences de presse venant entretenir la patience des quelques 500 journalistes, photographes, cinéastes, chroniqueurs venus pour assister à l’évènement. On devait compter, en fait, des milliers de spectateurs supplémentaires maintenus péniblement en dehors des limites du terrain par un cordon de mille gendarmes et policiers.

L’avion était prêt. Le beau temps n’était pas au rendez-vous. Il se fit attendre trois jours. Au matin du 2 mars, un brouillard épais recouvrait l’aéroport et la région toulousaine. Les voiles se déchirèrent à l’heure du déjeuner, sous l’action du vent d’Autan. Le brouillard évanoui, on craignit le vent ! « Concorde” devant nécessairement décoller vers le nord-ouest, soit dos à la ville de Toulouse et face à la barrière d’arrêt, ce maudit vent arrière ne pouvait dépasser 8 noeuds sans provoquer l’annulation de l’essai. En fait, Turcat décollera l’avion sous un vent de 10 noeuds.
A bord depuis longtemps, André Turcat, pilote, flanqué de Jacques Guignard, co-pilote, se trouvait à l’avant. Dans la cabine transformée en salle électronique bourrée de calculateurs, enregistreurs et autres boîtes noires, on avait trouvé la place pour Henri Perrier, ingénieurs d’essais navigant et Michel Rétif, mécanicien d’essais navigant.

Concorde en plein vol, a légèrement relevé son nez

L’avion pesait 113,5 tonnes à la mise en route. Il n’afficha plus que 110 tonnes à 15h40, lorsque ses roues quittèrent le sol en un décollage franc comme l’or. L’essor n’avait demandé que 1500 des 3500 mètres de la piste et le tout s’était passé en 23 secondes. Parvenu à 325 km/h, l’appareil se cabra de 10° et s’élança.

Le vol dura 28 minutes et Concorde, pour sa première sortie, atteignit une altitude maximale de 2800 mètres. Sa vitesse oscilla entre 315 et 540 km/h, l’équipage voulant expérimenter les qualités de vol aux basses vitesses et préfigurer en vol les conditions d’atterrissage. André Turcat alla même jusqu’à réduire à fond un des quatre réacteurs. A aucun moment du vol, l’avion ne fut perdu de vue des journalistes installés sur une estrade astucieusement disposée en hauteur et à proximité de la piste d’envol.
L’atterrissage eut lieu à 16h08 et l’avion pesait alors 98,5 tonnes, soit le poids auquel se présentera, dans quelques années, un Concorde venant de New York et se posant à Paris. En tout, 15 tonnes de combustible avaient été consommées dans cette demi-heure.

A sa descente d’avion, André Turcat avait été accueilli par MM. Giusta et Ziegler. Sur le podium, de gauche à droite : Le Président Henri Ziegler, bras croisés, écoute André Turcat expliquant son vol. A droite, MM. Giusta, Directeur Général de Sud Aviation et Servanty, responsable « Concorde ».
Concorde fut suivi constamment par l’avion d’accompagnement, un “Meteor” du CEV piloté par le commandant Gilbert Defer et par l’avion emportant les cameramen de la télévision, un ”MS 760 Paris II”, piloté par Jean Dabos.
Ce vol mémorable fut suivi par des milliers d’yeux. Sur les terrains de sports survolés, de près ou de loin, les arbitres interrompirent les matchs en cours, mais André Turcat et son équipage ne purent entendre les applaudissements des spectateurs. A sa descente d’avion, André Turcat déclara simplement : “la machine vole bien….”.

Ce premier décollage ouvre une série de vols d’essais dont le terme se situe au cours de l’année 1973…

Cette première n’est qu’un début. Il y aura encore des milliers de représentations dans le grand décor du ciel qui s’étendra progressivement de la côte nord du Portugal à la côte sud anglaise. Si 28 minutes ont déjà été mangées, par le premier vol, c’est près de 4500 heures de vol qui seront nécessaires avant d’atteindre à la certification.
Terminons en soulignant l’excellente organisation de ce premier vol public et en remerciant Sud Aviation et son service des Relations Extérieures dont l’efficacité fut parfaite.