Béatrice Vialle seule femme pilote Française sur concorde

Interview réalisée le mercredi 3 octobre 2007 à bord du Fox Charlie

Octobre 2001 ! Première traversée Paris-New York pour Béatrice Vialle, avec en place gauche, le Commandant Henri-Gilles Fournier qui fut son instructeur et comme Officier Mécanicien Navigant, Daniel Casari.
Octobre 2007 ! Lorsque nous avons lancé les invitations, nous n’avions pas encore connaissance de cette anecdote. Donc sans y penser, nous avons réuni pour la circonstance, une nouvelle fois, cet équipage d’exception.
Inutile de vous dire combien les retrouvailles furent des plus sympathiques à bord de FC, mais aussi tout au long de la journée et la soirée qui ont suivi.
Nous retiendrons de Béatrice Vialle, en particulier, sa simplicité, sa gentillesse et sa disponibilité, pour le plus grand bonheur de toutes celles et tous ceux qui ont pu l’approcher.

Merci, Béatrice Vialle

Béatrice Vialle, bonjour !

CAC – Votre carrière aéronautique est plus récente puisqu’elle n’a démarré qu’en 1984 à la sortie de votre formation à l’ENAC. Après un bref passage auprès d’une compagnie régionale, hélas aujourd’hui disparue, vous intégrez la compagnie Air France en 1985. Pouvez-vous nous parler de votre parcours professionnel auprès d’Air France qui vous a conduit en mai 2000 à obtenir la qualification de pilote Concorde ?

Béatrice Vialle :
Je suis rentrée en 1985 à Air France sur Boeing 727, sur lequel je suis restée à peu près quatre ans. En 1989, j’ai fait un petit peu de 320 parce qu’à l’époque, il n’y avait pas beaucoup de personnes qui voulaient faire du 320 donc j’ai été désignée sur 320 sur lequel je ne suis restée que neuf mois. Ensuite, en 1990, je suis partie sur 747, j’y suis restée dix ans sur 747, comme j’ai eu des enfants, j’avais refusé un passage commandant de bord, pour pouvoir me mettre à mi-temps comme co-pilote sur 747, donc je fais six ans à mi-temps sur 747 jusqu’en 2000 où, en effet, on m’a proposé d’accéder au Concorde. Et donc, j’ai commencé ma qualification en mai 2000 et je l’ai fini qu’après septembre 2001 puisque entre temps, nous avons été interrompus par l’accident.

CAC – Vous souvenez-vous de votre 1er vol ?

Béatrice Vialle :
Oui, surtout que pour nous et pour moi en tout cas, et pour les gens qui avaient été arrêtés à cause de l’accident, le 1er vol a été le 11 septembre 2001 donc c’était d’autant plus impressionnant de reprendre un entraînement, pour nous c’était à Châteauroux et le problème aussi pour nous c’est que depuis l’arrêt du Concorde c’est-à-dire au mois de juillet 2000 donc pour nous encore avant puisqu’on avait commencé la qualif. en mai 2000, depuis début mai 2000 jusqu’au 11 septembre 2001, je n’avais plus piloté un vrai avion, donc que du simulateur, et par conséquent, j’avais quand même une certaine appréhension de savoir si j’étais encore capable de faire en vrai et non pas qu’au simulateur.

CAC – Hasard de la rencontre, aujourd’hui dans cette cabine du Fox Charlie, on retrouve l’équipage donc de votre 1ère traversée.

Béatrice Vialle :
Donc, après a commencé la 1ère traversée, je crois que c’était fin octobre 2001, on était tous les trois en effet. Pour moi, j’étais en instruction puisque c’était la première fois que je volais sur un Paris–New York, aller et retour : donc c’était Henri Gilles, mon instructeur et Daniel qui surveillait tout ça derrière.

CAC – Vous m’avez fait une petite confidence quand vous êtes arrivée à New York

Béatrice Vialle
En fait oui, pour le 1er vol, tout va très, très vite, on est pas du tout devant la machine, on est derrière la machine, c’est à dire qu’on est toujours un peu en retard pour faire tout ce qu’il faut faire surtout sur cet avion où tout va très vite. Et donc, entre le moment où on commence à préparer le vol et le moment où l’on arrive à New York, je dois avouer que je n’ai pas eu le temps de réaliser quoique ce soit et ce n’est qu’en sortant de l’avion à New York quand je suis arrivée dans la passerelle transparente, et où là, j’ai vu le Concorde à travers la passerelle transparente que j’ai réalisé que j’avais traversé en Concorde et non pas en 747 mais cela avait été tellement vite que je n’avais pas eu le temps d’avoir le recul de dire ça y est, je l’ai fait, c’est qu’à l’arrivée à New York que j’ai pu avoir ce recul mais je dois avouer que le 1er vol, je n’ai pas du tout eu le temps de savourer des instants de paix et de sérénité.
C’est vrai que tout va très vite sur cet avion, donc voilà. Et puis après au fur et à mesure qu’on acquiert une certaine expérience, alors là à partir de ce moment-là on profite de certains moments, on arrive à anticiper donc, là ça devient vraiment un vrai plaisir

CAC – Ça ne veut pas dire que se sont vos collègues qui vous ont mis ce jour la de la pression

Béatrice Vialle :
Avec humour ! Non, Non pas du tout….. La pression n’est pas du tout à ce niveau là, la pression est que : quand on fait les choses pour la première fois, on a quand même beaucoup de choses à apprendre et de l’avion et de tout ce qui est procédure. Et donc, l’environnement est différent par rapport au simulateur

CAC – Quelles sont les relations équipages techniques et commerciaux, et bien sûr les relations avec les passagers pour les visites du poste de pilotage ?

Béatrice Vialle :
En fait, nous, on est très, très occupé devant. Le commandant de bord, en général, faisait l’accueil des passagers, le copilote et le mécanicien étaient sagement devant entrain de faire les dernières vérifications. Donc nous, les passagers, on ne les voyait en général jamais, sauf de temps en temps, quelques passagers avaient le droit de venir visiter le cockpit mais bon la plupart du temps on était relativement occupé et on n’avait peu de loisirs pour discuter avec eux. Malgré le 11 septembre et tout ça, c’était tellement merveilleux de venir voir un poste de Concorde, que de temps en temps on se permettait de le faire pour certains passagers privilégiés

CAC – Vous m’avez parlé de la magie nouvelle à chaque vol, bien que la ligne soit toujours la même, Paris – New-York – Paris. Que voulez vous dire par magie ?

Béatrice Vialle :
A chaque fois je pense pour moi, qui n’ai pas fait de Tour du Monde je n’ai fais que du Paris-New York, il n’y avait aucune lassitude de faire toujours la même chose, c’est-à-dire de se dire je vais encore à New York, tout est pareil. A chaque fois c’était pour moi, c’était un émerveillement chaque fois et c’était une magie de se dire-on est arrivé à New York en trois heures et demi. De voler sur cet avion qui, pour moi, marchait très bien donc vraiment c’était magique d’arriver à réaliser ça à chaque fois.

CAC – Vous sembliez aussi attachée aux boucles, qu’avaient-elles de si particuliers pour vous ?

Béatrice Vialle :
Oui c’était des vols spéciaux donc ça changeait des vols ordinaires, en plus on avait à bord lors des boucles que des passagers qui étaient vraiment des acharnés du Concorde et qui n’étaient là que pour leur plaisir à l’inverse des hommes d’affaire et des gens qui étaient peut-être de temps en temps un peu blasés de monter dans le Concorde. Quand on faisait les boucles on avait que des passionnés qui étaient ravis d’être là et pour eux, c’était toute la réalisation de leurs rêves, pour certains de toute une vie donc c’était vraiment une autre ambiance encore.

CAC – Justement, vous avez fait la dernière boucle le 31 mai 2003, pouvez-vous-nous en parler et en particulier de la foule venue rendre un dernier hommage à Concorde ?

Béatrice Vialle :
Voilà, moi j’ai eu la chance d’être dans la dernière boucle et c’est vrai, c’était émouvant de voir tous ses gens qui s’étaient déplacés. On s’y attendait un petit peu, pour moi, c’était le dernier vol sur Concorde et donc c’était vraiment super de voir tous ces gens qui étaient venus là pour lui dire au revoir.

CAC – Avez-vous des anecdotes à nous raconter ?

Béatrice Vialle :
Moi, je n’en ai pas beaucoup parce que je ne suis pas resté très, très longtemps, que tout c’est toujours très bien passé avec moi et donc voilà, si ce n’est quelques déroutements à New York, mais je veux dire pour moi, j’ai pas eu de choses sensationnelles, si ce n’est le fait de voler sur Concorde.

CAC – A l’inverse de vos collègues, vous êtes toujours en activité comme commandant de bord sur Boeing 747. Cette reconversion a-t-elle était difficile sur un plan moral ?

Béatrice Vialle :
Non, non, pas du tout, parce que bon, moi j’étais copilote sur cet avion, je suis passé commandant de bord sur un avion que j’aime beaucoup qui était le Boeing 747-300, non moralement l’avion s’arrêtait, on tourne la page et en plus, très contente de passer Commandant de Bord et c’était autre chose.

CAC – Pensez-vous que le métier de pilote de ligne fait encore rêver ?

Béatrice Vialle :
Ah oui, je pense que le métier de Pilote de ligne, est un des rares métiers encore à faire rêver les jeunes et je pense que malgré l’évolution de l’aviation, il ne faut pas banaliser du tout notre métier et je pense qu’il faut continuer à les faire rêver et continuer à ce qu’il y ait des vocations pour ce métier qui, de toutes façons, à mon avis, est un métier d’avenir qui perd peut-être, les anciens disent toujours c’est moins bien qu’avant, ça on l’entendra toute notre vie et les générations d’après aussi, mais je veux dire ça reste un métier absolument génial.

CAC – Cette question n’est pas anodine on avait organisé une conférence sur Concorde à l’ENAC et au cours d’une question au responsable de la communication, je lui posais la question en lui demandant les jeunes qui arrivent aujourd’hui à l’ENAC, ont la passion de l’aviation.
Il m’a dit, hélas non, il n’y a que 25% de jeunes qui viennent à l’ENAC qui sont des passionnés d’aviation, tous les autres c’est parce que c’est une filière porteuse

Béatrice Vialle :
Oui, alors ce n’est pas parce que les gens rentrent dans l’aviation, moi par exemple je n’avais jamais piloté avant d’entrer à L’ENAC, ce n’est pas parce qu’on ne lit pas des bouquins d’aviation depuis l’age de 3 ans qu’on ne sera pas passionné par la suite. Je pense qu’un bon professeur chirurgie,n’a pas forcément lu des bouquins d’anatomie depuis l’âge de 4 ans
Après, c’est un plaisir qu’on peut avoir, qu’on peut découvrir et qu’on peut faire grandir par la suite, pour moi, depuis 20-22 ans que je pilote, c’est pour moi un émerveillement à chaque vol, je suis toujours contente de partir travailler.
Je pense que même si au départ, ce ne sont pas des passionnés, le métier est tellement super que les gens l’adorent forcément.

Merci Béatrice Vialle.
Propos recueillis le 3 octobre 2007, à Toulouse à bord du Fox-Charlie, par Louis & Yann.