Concorde 001 reprend ses essais incessamment

C’est finalement avec quelques jours de retard, dus à une défaillance mineure dans le système hydraulique de manoeuvre des entrées d’air que le prototype n° 2 de Concorde a repris ses essais en vol, le 12 août, à Fairford.

Auparavant, l’appareil avait subi, rappelons-le, depuis avril, un long chantier (prolongé par des difficultés d’ordre social), au cours duquel les travaux avaient porté sur trois points essentiels :
– L’installation de turboréacteurs plus puissants : des Olympus 593-3B de 15.700 kg de poussée. Ce type de moteur, capable de vols prolongés à Mach 2, avait été longuement essayé au banc et en vol grâce au banc d’essais volant “Vulcan”. Les Olympus 593 de divers types totalisaient alors 7735 heures d’essais.

– Le montage d’un système de régulation des entrées d’air entièrement automatique, fonctionnant à partir des informations fournies par divers capteurs mesurant les caractéristiques fournies par divers capteurs mesurant les caractéristiques de l’écoulement en amont et dans la manche d’entrée d’air.

-L’introduction d’un système automatique de commande des gouvernes de direction en cas de panne de moteur aux vitesses supersoniques élevées (Mach 1,7).

La nouvelle série d’essais est prévue de telle sorte qu’après 25 à 30 vols, Mach 2 devra être atteint fin septembre-début octobre. Entre temps, Concorde 001, qui bénéficie des mêmes modifications, aura repris lui aussi ses essais, ce qui permettra en particulier d’obtenir des informations comparées et plus exactement sur les performances (vitesse et consommation). Ces vols supersoniques se dérouleront à plus de 35.000 pieds, le plus souvent entre 40.000 et 50.000 pieds (12.000 et 15.000 mètres).

Fin août, Concorde 002 avait déjà effectué sept vols, à savoir :

– Le 12 août en fin d’après-midi : premier vol de la nouvelle série avec Brian Trubshaw aux commandes. Ce vol dure 87 minutes, dont 17 en régime supersonique ; à la surprise générale, le pilote britannique passe en effet Mach 1 dès ce premier vol et atteint Mach 1,18 vers 11.000 mètres.

– Le 14 août, deuxième vol de 107 minutes (123 minutes cale à cale), dont 11 en régime supersonique. Mach 1,35 est atteint au-dessus de la mer du Nord vers 40.000 pieds (12.000 mètres) d’altitude.

– Le 17 août, troisième vol de 105 minutes (dont 18 en régime supersonique) ; l’appareil vole à Mach 1,38 (environ 1460 km/h) à 37.000 pieds

– Le 22 août, quatrième vol de 107 minutes, dont 56 en régime supersonique, avec John Cochrane ; vitesse atteinte : Mach 1,48.

– Le 25 août, cinquième vol de 100 minutes, dont 52 en régime supersonique ; Mach 1,52 est atteint par Brian Trubshaw et Baker, qui soulignent le fonctionnement satisfaisant du système de contrôle des entrées d’air.

– Le 26 août, le sixième vol est écourté et ne comprend pas de phase supersonique : un instrument de bord aurait été défaillant.

– Le 30 août, septième vol de 116 minutes dont 60 en régime supersonique. Mach 1,54 est atteint au-dessus de la mer du Nord, soit environ 1.800 hm/h à 14.000 mètres d’altitude. Concorde 002 a rejoint ainsi le niveau de Mach atteint cette année par Concorde 001.
Au moment ou nous mettons sous presse, on s’attend à la reprise imminente des essais en vol, à Toulouse, du Concorde 001 après une conférence et une présentation de l’appareil qui devaient se tenir jeudi dernier.

Par ailleurs, on apprenait, quelques jours avant l’ouverture du “Display” de Farnborough (7-13 septembre) que, dans la mesure du possible, Concorde 002, effectuera chaque jour un passage au-dessus de l’aérodrome.

Pendant ce temps, une véritable campagne se dessine aux Etats-Unis contre l’avion de transport supersonique américain (SST), étudié par Boeing et General Electric. Les arguments, bien connus, sont en général d’ordre économique, voire politique, mais il s’y ajoute depuis quelques mois une argumentation de type “anti-pollution » ; les futurs SST sont chargés de tous les maux, puisqu’on va jusqu’à les accuser de modifier l’équilibre de l’atmosphère ; cette argumentation, bien entend, risque aussi d’être opposée à Concorde.

Nous reproduiront ci-après les remarques faites sur ce problème de l’environnement et du SST par des ingénieurs américains.

Vapeur d’eau

Certains ont affirmé que les avions de transport supersonique provoqueraient des condensations nuageuses à haute altitude et en ont déduit qu’un écran nuageux permanent pourrait se former ; de ce fait les températures à la surface du globe terrestre pourraient être modifiées.

En réalité, à l’altitude de croisière de l’appareil de transport supersonique américain – entre 18.000 et 21.000 mètres – il est douteux que des condensations puissent se produire. Ces condensations ne se forment en effet que dans des conditions de température et d’humidité relative bien déterminées et normalement à des altitudes plus basses que l’altitude de croisière des appareils supersoniques. Depuis dix ans, les pilotes militaires ont effectué des centaines de milliers d’heures de vol sur des avions supersonique à haute altitude. Les condensations au-dessus de 18.000 mètres sont rares, la plupart se produisant entre 9000 et 11.000 mètres à l’altitude ou volent aujourd’hui les avions subsoniques.

Tout laisse penser que les effets du transport supersonique sur la haute atmosphère seront négligeables. Le Conseil National de la Recherche de l’Académie des Sciences et l’Office de Recherches Météorologique ont étudié cette question et ont conclu qu’une flotte d’avions de transport supersoniques effectuant 1600 vols quotidiens ne causera pas de modifications mesurables de l’équilibre normal de l’atmosphère terrestre. (Rapport NAS 1350 de 1966).

L’étude de l’Académie Nationale de Sciences a montré que 400 avions de transport supersoniques effectuant chacun quatre vols quotidiens produiraient 100.000 tonnes d’eau. Bien que ce chiffre soit impressionnant, il est du même ordre de grandeur que celui injecté dans la stratosphère par un seul gros cumulo-nimbus sous les Tropiques.

Emissions nocives

Les turboréacteurs ne produisent, par kg de carburant consommé, que la moitié de l’oxyde de carbone émis par un moteur d’automobile. Les émissions d’hydrocarbures (fumée noire) sont dues à une mauvaise combustion. On est en droit d’espérer que lorsque le SST entrera en service, vers la fin de cette décennie, le réacteur qui équipera l’appareil ne produira pas d’émission visible.

Le réacteur du SST avec ses chambres de combustion haute température aura un rendement plus élevé que toutes les turbines à gaz réalisées jusqu’ici. L’échappement sans fumée contiendra quelques particules solides et quelques oxydes ; cependant, la quantité de gaz toxiques, tel que l’oxyde de carbone, devrait être plus faible que celle engendrée par les moteurs à combustion interne des autobus et des automobiles. Des mesures sont d’ailleurs faites systématiquement sur la composition des gaz d’échappement du réacteur du SST et les résultats seront comparés avec les calculs pour les réacteurs subsoniques et les moteurs automobiles.

Le SST sera ainsi, et de loin, moins nocif pour ce qui touche à la qualité de l’environnement que les moyens de transports utilisés jusqu’à présent. Une étude du professeur R. F. Sawyer, de l’Université de Californie, à Berkeley, a montré que les émissions d’oxyde de carbone et d’hydrocarbure des réacteurs actuels, pendant le régime de croisière, représenteront moins de 1% de l’émission moyenne des automobiles.