Concorde ! Description générale (II)

Dans notre numéro du 12 septembre, nous avons publié la première partie de cette description générale de Concorde : structure, caractéristiques, installation hydraulique, système de dégivrage, commandes de vol, poste de pilotage, aménagements et performances ; voici maintenant les chapitres ayant trait aux réacteurs, au circuit de combustible, au conditionnement d’air, au système de navigation, au service aux escales et au bruit. Nos lecteurs auront pu ainsi se faire une première idée de ce que sera Concorde symbole de la coopération franco-britannique.

Réacteurs

– Le Concorde est propulsé par quatre réacteur Bristol Siddeley Olympus 593 munis d’entrée d’air à géométrie variable étudiées par BAC des tuyères d’éjection comportant des dispositifs de réchauffe et d’inversion de poussée étudiés et réalisés par la SNECMA.
L’optimisation des réacteurs correspondant à un compromis entre les différentes qualités requises durant le vol. Poussées élevées au décollage, en accélération et en croisière supersonique : faibles consommations spécifiques durant la même croisière, les vols subsoniques de déroutement et les attentes.
Le réacteur choisi est l’Olympus 593. Sa poussée dans les conditions, standard, au niveau de la mer, atteindra 15.500 kg dans sa version la plus avancée. Il dérive directement du réacteur supersonique très avancé pour le TSR2 avion d’attaque et de reconnaissance destiné à la RAF. Les compresseurs, haute et basse pression, sont mécaniquement semblables à ceux du moteur militaire, mais un débit d’air accru permet d’obtenir la poussée plus élevée requise par le Concorde. Comme sur les Olympus précédents, la chambre de combustion est composée de huit tubes à flammes placés dans un carter annulaire. L’ensemble turbine a été redessiné et le premier étage du stator et rotor sont maintenant pourvu de pales refroidies.
L’ensemble de la tuyère comprend une tuyère qui sera peut-être équipée d’un système de postcombustion, un convergent à section variable et volets multiples avec réchauffe et silencieux incorporés, suivi d’un divergent à section également variable incorporant l’inverseur. Le montage de la tuyère sur le réacteur se fait à l’aide d’un joint articulé et des soufflets assurant l’étanchéité des gaz et du carburant tout en permettant la dilatation indépendante du réacteur et de la tuyère. Le refroidissement des parois de la tuyère se fait au moyen d’air prélevé dans les pièges à couche limite.
Chaque réacteur est alimenté par une entrée d’air individuelle lui assurant débit et rendement optimal. Une rampe à inclinaison variable incorporée dans les parois supérieure de chaque entrée maintient le rendement des manches à leur niveau maximum dans toute la gamme des vitesses. La rampe ne règle pas seulement la
section du col, elle permet d’ajuster la compression produite par les ondes de choc créées par les lèvres d’entrée aux vitesses supersoniques.
Une soupape de décharge à action rapide placée dans le diffuseur permet de maintenir l’équilibre entre la masse d’air débitée par l’entrée et celle requise par le réacteur en évacuant à mesure les quantités d’air superflues. Un volet auxiliaire d’évacuation est également prévu dans la paroi inférieure de la manche afin d’éviter le refoulement d’air par les lèvres l’entrée lors du passage en réduit des réacteurs en vol supersonique. Ce volet s’ouvrant en sens contraire permet également un accroissement sensible de la section d’entrée d’air, c’est-à-dire une amélioration du rendement de la marche durant ses points fixes, le roulage, le décollage et le vol aux faibles vitesses.

 

1) Aile – 2) Turbines – 3) Grilles Inverseur de Poussée – 4) Tuyère Primaire – 5) Tuyère Secondaire
6) Demi-Coquille – 7) Anneau Stabilisateur de Réchauffe – 8) Volet Refroidissement Compartiment Réacteur – 9) Soupape de Décharge – 10) Trappe Auxiliaire.

 

Caractéristiques de l’Olympus 593

Diamètre de l’entrée d’air
121,54 cm
(47,85)
Longueur du moteur sec
351,08 cm (138,22)
Poussée nominale
15.890 g
(35.000 Ib)
Poussée initiale
(deux premières années)
14.800 kg (32.500 Ib)
Développement envisagé
Jusqu’à 18.000 kg (40.000 Ib)
Carburant utilisé
JP. 1.
Poids à sec
Environ 3500 kg
Consommation spécifique
0,85 à 0,90 kg.kgp.-h
Rapport de pression
Supérieur à 12

Circuit combustible

– Le combustible utilisé pour l’alimentation des réacteurs du Concorde sert également comme source froide et peut assurer le ballastage de l’avion. Le système de répartition est automatique. Le
trim durant l’accélération et la décélération supersonique est obtenu simplement en effectuant un transfert de combustible. Les données nécessaires sont fournies par les jauges de combustible et l’indicateur de centrage. Le circuit a été étudié pour fonctionner normalement jusqu’aux altitudes de 20.000 mètres avec un combustible courant du genre kérosène, sans que la température de ce dernier excède 80°C quelles que soient les conditions de vol. Les réservoirs sont divisés en deux groupes : réservoirs principaux et réservoirs de ballastage. La capacité utilisable se monte à 99.500 lires environ.
Durant la croisière les variations de centrage sont maintenues automatiquement dans des limites étroites. Le groupe principal comprend les quatre réservoirs d’alimentation parmi lesquels tout le combustible doit passer avant d’être acheminé vers les réacteurs, ce qui permet de réduire au maximum la quantité de combustible inutilisable. Un répartiteur permet, en cas d’urgence, d’alimenter n’importe quel réacteur à l’aide de n’importe quelle combinaison de nourrices.
Le groupe des réservoirs de ballastage permet de maintenir un écart correct entre les centres de poussée et de gravité en transférant le combustible vers l’arrière durant l’accélération et vers l’avant durant le retour aux vitesses subsoniques. Le groupe de ballastage comprend les réservoirs extrêmes avant et le réservoir arrière. Le réservoir arrière contient 9500 litres, sa vitesse de remplissage est de 1820 litres/minute et sa vitesse de vidange 2300 litres/ minute.
Tous les réservoirs font partie intégrale de la structure de l’aile ou celle du fuselage. Les raidisseurs intermédiaires longitudinaux et transversaux ont été conçus de façon à réduire le va-et-vient du combustible. L’étanchéité des réservoirs est assurée par des produits de base, de caoutchouc synthétique et les surfaces intérieures sont protégées contre les effets du développement de micro-organismes.
Toutes les pompes sont démontables sans qu’il soit nécessaire de vidanger les réservoirs.
Le remplissage s’effectue à l’aide de quatre prises, deux dans chaque logement de train principal, communiquant avec le système de transfert de combustible de chaque côté de l’avion. La vitesse normale de remplissage est de 4550 litres/minutes sous pression de 3,5 bars. La vidange se fait à travers les mêmes prises, la succion appliquée étant de 0,76 bars.
Deux systèmes indépendants de mise à l’air libre et de pressurisation assurent l’arrivée et la sortie de l’air de chaque réservoir dans toutes les conditions de vol ou de fonctionnement au sol.

Le problème de l’inflammation spontanée

Etant donné l’échauffement cinétique des avions subsoniques et la température maximale des parois (150° C en certains points), le programme de recherches sur les problèmes posés par l’inflammation spontanée du carburant à pris en Grande-Bretagne une certaine ampleur ; y collaborent les universités, l’industrie aéronautique, l’industrie pétrolière et le RAE de Farnborough.
Ce programme a pour objet l’étude des circonstances dans lesquelles le produit l’inflammation spontanée, de l’importance des augmentations de pression qui en résultent, et les réactions chimiques qui la provoquent. Diverses solutions ont déjà été proposées par le RAE.
L’air des réservoirs est maintenu à la pression ambiante jusqu’à une altitude de 13.400 mètres et à une pression absolue de 155 mb, au-dessus de cette altitude.
Le carburant est utilisé comme source froide pour absorber l’excédent de chaleur de l’air de conditionnement de la cabine pour refroidir le fluide hydraulique, l’huile de lubrification des ”constant speed drives », des réacteurs et des alternateurs.

Le conditionnement d’air

– Le conditionnement d’air de Concorde est basé sur la séparation des systèmes d’alimentation, les prélèvements d’air s’effectuant au dernier étage des compresseurs hautes pressions. L’air prélevé traverse des échangeurs, refroidit par de l’air et par le carburant, il est ensuite comprimé, puis détendu dans une turbine après passage dans un troisième échangeur. (Ce système a été décrit dans le détail de notre numéro 69 du 5 septembre).

Schéma de principe du conditionnement d’air

Navigation

– Le Concorde devra être équipé en prévision de conditions qui, aussi bien en route que dans les zones terminales, seront plus sévères quelles ne le sont actuellement.
Dans les zones terminales, le Contrôle exigera une heure estimée d’arrivée avec une précision de 3 minutes à partir d’un point situé à 30 minutes de l’arrivée. Pour obtenir cette précision, l’erreur de position ne doit pas dépasser les limites d’une ellipse de 20 M.N en travers de la route. En fait, l’erreur latérale doit être inférieure à 30 M.N pour satisfaire aux séparations du trafic à plus basse altitude.
Etant donné les progrès prévus pour les installations de Contrôle du trafic aérien, tels que le radar à liaisons discriminées, le système de navigation du Concorde sera capable de recevoir et d’envoyer des signaux dans une forme qui soit compatible avec ces systèmes. De même, à bord de l’avion, les écrans des appareils de navigation seront susceptibles d’une interprétation facile par les pilotes et comprendront une représentation cartographique.
Le système de navigation pourra de jouer et de nuit dans tous les points du globe, et sera compatible avec les procédures en usage sur les différentes routes.

Service en escale

Le Concorde a été conçu de façon que le temps qui sépare le moment où l’on coupe les gaz et celui ou les réacteurs sont remis en marche soit le plus court possible : 30 minutes pour une escale intermédiaire, une heure en bout de ligne.
Presque tous les accès aux servitudes ont été localisés sur le côté droit de l’avion. Ainsi, l’entrée des passagers reste libre durant toutes les escales. En particulier, il est possible de mener parallèlement toutes les activités susceptibles d’influencer la durée des escales. La manutention des bagages et du fret, les pleins de carburant, le ravitaillement du galley et de toutes les servitudes sont indépendants.
L’entrée et la sortie des passagers peuvent se faire au moyen de rampes d’accès télescopiques.
Les manipulations du fret et des bagages des différentes soutes sont indépendantes. L’accès de la soute principale située à l’arrière du fuselage se fait par une porte ventrale.
L’accès au galley se fait par une porte spéciale située sur le côté droit de l’avion. Les dimensions de cette entrée, 120 cm par 30 cm, permettent le chargement de tous les containers – repas et boissons – susceptibles d’être utilisés sur Concorde.
Vingt minutes suffisent pour assurer le ravitaillement en combustible durant une escale intermédiaire normale. Les citernes normales à double raccords dont le débit se fait sous 3,5 bars conviennent parfaitement pour cette opération.

1 – Conditionnement d’air au sol, 2 – Service toilettes, 3 – Alimentation électrique, 4 – Eau potable, 5- Oxygène, 6 – Prise de remplissage carburant, 7 – Démarreur, 8 – Fret, 9 – Panneaux servitudes hydrauliques, 10 – Entrée des passagers

Toutes les prises de terrain, électricité, air conditionné, hydraulique, eau et vidange sont de types courants.
Les procédures, destinées à faciliter les inspections, l’entretien et les réparations ont été établies avec beaucoup d’attention. L’équipement a été groupé par systèmes pour faciliter la recherche des pannes et l’entretien, les différents accessoires ont été étiquetés et placés de façon à rendre plus rapides l’identification et le démontage. Les parties de la structure les plus exposées aux détériorations ont été étudiées de façon que leurs opérations ou leur remplacement, prennent le minimum de temps.
Les calculateurs de bord seront utilisés pour les check-lists d’avant et après vol, y compris celles concernant les réacteurs et les systèmes dans le cas de révisions rapides.

Un bruit tolérable

Le bruit du Concorde affectera deux catégories de la population : les voisins des aéroports (bruits des réacteurs) et les habitants des régions survolées (ondes de choc dont l’intensité dépend de la configuration de l’avion et de la technique adoptée pour le vol).

Bruit de réacteur.

La façon dont la poussée est obtenue et la manière dont les réacteurs sont installés peuvent, dans une certaine mesure, pallier l’accroissement du bruit lié aux puissances plus grandes exigées des réacteurs supersoniques.
L’installation sur Concorde des réacteurs Bristol Siddeley Olympus deux par deux permet une réduction du niveau de bruit de 7 PNdb à la poussée maximum grâce à l’effet de groupage. De plus, les lobes du silencieux installé sur la tuyère primaire à section variable donnent une réduction supplémentaire de 5 à 6 PNdb.
Le niveau de bruit à prévoir au moment du survol du point de référence dépend des caractéristiques de la montée initiale et de la réduction de bruit obtenue en adaptant le régime des réacteurs. En ajustant la section des tuyères d’éjection des Olympus, il est possible de réduire la vitesse d’éjection des gaz correspondant à une poussée donnée et de minimiser ainsi le bruit produit.
En résumé, le bruit du Concorde, au voisinage des aéroports, sera tolérable sans qu’il soit nécessaire d’installer de silencieux supplémentaires.

Détonation balistique.

Les ondes de choc engendrées par le vol de l’avion supersonique se traduisent par des variations brusques de la pression et produisent un bruit caractéristique qui se propage le long des régions survolées.
Suivant les estimations actuelles, le Concorde croisant à Mach 2,2 au-dessus de 18.000 mètres produira un saut de pression ne dépassant pas 105 millibars, compte tenu du coefficient de réflexion.
Le niveau des ondes de choc tolérable beaucoup avec les individus, toutefois les données statistiques concernant ce problème accumulées dans au moins trois pays semblant indiquer que le bruit du Concorde se maintient dans des limites acceptables.
Le bruit critique de survol correspond à l’accélération transsonique pendant laquelle les surpressions pourront atteindre 140 millibars et entraîner éventuellement des limitations d’emploi, spécialement au-dessus des régions peuplées. En modifiant la loi de montée de façon à commencer plus haut l’accélération transsonique, il sera possible de réduire les surpressions atteintes au détriment d’une consommation de carburant légèrement supérieure.

Normalair choisi pour équiper « CONCORDE”

C’est la société britannique Normalair, du groupe Westland, qui fournira le système de pressurisation de Concorde ; ce système sera à commande électropneumatique, avec indicateurs électriques entre les instruments de mesure de pression et les valves d’évacuations. Normalair, qui a dû soutenir la concurrence de nombreux autres fournisseurs britanniques, français et américains, a déjà monté un système analogue sur le VC-10 et le BAC 111 ; quatre-vingts types d’appareils sont déjà dotés d’équipements Normalair.