Sciences et Avenir a rencontré Henri Ziegler, Président Directeur Général de Sud-Aviation
et Lucien Servanty, Directeur d’études “Avion » à Sud Aviation
Une interview de Lucien Servanty Directeur d’études “Avion » à Sud Aviation
par Jacques MORISSET et François de CLOSETS
– Vous avez beaucoup hésité avant de vous fixer sur le type d’avion qu’est Concorde. Comment en êtes-vous venu à ce choix ?
Il y a d’abord fallu définir le type qui convenait :
– Réacteur à flux direct avec ou sans post combustion.
– Réacteur à double flux, etc.
– Envisageait-on à l’époque l’utilisation d’un moteur français ?
Les moteurs français n’ont pas été exclus à priori et nous avons même étudié le mode de propulsion expérimenté sur le Griffon par Nord Aviation.
– Le deuxième choix à faire état celui de la vitesse ?
Nous avons examiné toutes les possibilités depuis le nombre de Mach de 1,2 jusqu’à des nombres de Mach aussi élevés que 3,5.
Notre conclusion fut que l’on devait choisir la vitesse la plus élevée compatible avec les matériaux et les méthodes de fabrication que nous pouvions utiliser.
Pour certifier un avion à un nombre de Mach de 2,2, par exemple, il est nécessaire de faire des démonstrations en vol à un nombre de Mach nettement plus élevé, de l’ordre de 2,4.
Le problème de l’avion de transport est différent de celui des avions militaires, Nous devons être en mesure de garantir l’utilisation des avions aux vitesses choisies pour l’exploitation pendant un nombre d’heures de vol très élevé, de l’ordre de 10 à 45.000.
Nous avons donc à tenir compte à la fois des possibilités des matériaux neufs et de leur résistance à la fatigue.
En définitive nous avons retenu :
– Une vitesse correspondant à un nombre de Mach de 2,2 ;
– Un système propulsif comportant des réacteurs à flux direct avec utilisation d’une postcombustion modérée pour le décollage et la montée.
– Il restait à déterminer le type d’appareil que vous alliez construire avec cette propulsion et dans cette gamme de vitesse ?
L’alternative était entre un appareil relativement classique à géométrie fixe, et un appareil à géométrie variable. La première solution constitue un compromis comportant une forme de voilure adaptée à la fois aux basses et hautes vitesses ; la deuxième comporte une voilure dont la configuration change lorsqu’on passe du vol subsonique au vol supersonique. Malgré son aspect séduisant, nous avons rejeté cette solution pour des raisons de complexité technologique, de fiabilité, de poids et de coût de réalisation. Après avoir choisi en principe la géométrie variable, Boeing s’est finalement rallié à la voilure fixe à cause des difficultés rencontrés dès le stade de l’étude.
Le choix final a été fait en collaboration avec les Services Officiels Français et nous avons retenu la solution du Concorde actuel car il ne paraissait pas possible de réaliser l’une des autres solutions pour la date prévue.
– Votre souci était d’arriver le plus tôt possible sur le marché ?
Le choix de la politique à suivre est plus complexe que votre question le laisse supposer.
Il est toujours possible d’envisager ou de réaliser un appareil plus perfectionné pour une date plus reculée.
L’art de la politique de vente consiste à choisir à la fois une date et un état de perfectionnement qui, ensemble, assurent un marché. Le devoir d’un bureau d’études est de dire, autant que possible sans se tromper, les matériels qu’il peut réaliser pour des dates déterminées, et c’est, en fait, le choix entre ces options qui constitue ce que je viens d’appeler l’art de vendre.
A ce moment-là vous n’étiez pas encore associés aux Britanniques ?
Non, nous en étions toujours à la préparation de l’opération. Il fallait encore déterminer la capacité et le rayon d’action de l’appareil à construire.
Nous avons à cette époque, proposé un appareil dit moyen-courrier supersonique. Il faut naturellement entendre que l’avion Moyen-courrier supersonique n’est pas destiné à Paris-Londres ou Paris-Zurich, mais être utilisé sur des étapes variant de 800 à 2000 miles nautiques, avec une capacité de l’ordre d’une centaine de passagers. Le projet qui a été présenté pour remplir cet objectif ressemblait beaucoup à celui qui est actuellement construit. C’est à ce moment qu’une coopération internationale a été envisagée.
Nous sommes entrés en relation avec la British Aircraft Corporation qui, en poursuivant un objectif sensiblement différent, c’est-à-dire la réalisation d’un avion supersonique transatlantique, était arrivé à des conclusions générales identiques aux nôtres.
– La volonté de coopérer qui supposait la fusion des 2 projets venait-elle des industriels et cette volonté a-t-elle posé des problèmes sur le plan technique ?
Les industriels ont noué des contacts sur les conseils et avis de leurs gouvernements respectifs. L’établissement d’un projet commun a été moins difficile qu’on ne pouvait le craindre, car étant parvenu à des conclusions techniques presque identiques, il nous a suffi d’arriver à un accord sur les caractéristiques générales de l’appareil, ainsi que sur le partage du travail et des responsabilités.
Nous avons pu rapidement proposer en commun un projet qui est celui de l’avion actuel.
– Quel était l’état des techniques et des besoins. Sur le plan des moteurs ?
Le problème qui était posé aux motoristes est, à mon avis, très difficile. Il existe des difficultés liées aux combinaisons de température, vitesse de rotation, diamètre, etc, qui limitent pratiquement la poussée unitaire des moteurs.
Vers 1957 les ingénieurs de Rolls-Royce nous avaient déclaré qu’ils pensaient pouvoir réaliser dans les 10 ans à venir, un moteur civil dont la poussée au décollage atteindrait 35.000 livres ; la suite des évènements a montré que cette estimation était correcte.
– Telles étaient donc les données au départ, comment l’avion a-t-il évolué, entre la maquette d’origine et le prototype ? Il a pris du poids ?
Il faut comprendre que lorsque vous présentez un projet à des compagnies clientes, le droit et le devoir de celles-ci est d’exiger un peu mieux. C’est cette pression permanente qui détermine l’évolution de l’appareil. Par exemple, en 1964, après avoir avancé leurs études, les motoristes ont pu offrir des moteurs légèrement plus puissants. Cette offre a naturellement été acceptée, car elle permettait, en reculant la cloison étanche arrière de l’appareil, d’augmenter la capacité de 118 à environ 136 passagers.
Les compagnies clientes ont formé un consortium pour définir l’avion de base dans ses détails, notre objectif commun étant que cet avion de base puisse permettre de réaliser, avec un minimum de modifications individuelles, la version particulière à chaque compagnie. En d’autres termes nous avons ainsi défini une sorte de tronc commun à toutes les versions.
– Quelles compagnies participent à ce consortium ?
Toutes les compagnies ayant pris des options d’achat. En fait ce consortium comprend 2 groupes qui travaillent en collaboration, le premier comprend les 3 premiers clients : Air France, BOAC et Pan Am, et le second tous les autres clients.
– Ces exigences ne se sont pas révélées trop gênantes en ce qui concerne le poids ?
En présentant aux compagnies clientes les premières propositions, nous avons indiqué qu’une marge de l’ordre de 2000 livres était disponible pour introduire des modifications désirées par les compagnies. Une déclaration de ce genre était nécessaire pour préciser les limites du possible. Les modifications demandées pour l’appareil de base sont sensiblement restées à l’intérieur de la provision qui avait été indiquée.
– Un avion s’alourdit généralement entre la planche à dessin et le prototype ? Comment avez-vous contrôlé le poids de Concorde ?
Il faut d’abord comprendre le mécanisme de la prévision des poids.
A l’origine du projet vous êtes obligé de répondre de manière fine à une question qui comporte une marge irréductible d’aléas : quel sera le poids des différents éléments de l’avion que vous projetez et qui n’existent pas encore à l’état de dessin détaillé ?
Ensuite au fur et à mesure que l’avion se dessine et se construit, il faut établir pièce par pièce, d’abord les poids calculés sur dessins et ensuite les confirmer par pesée individuelle. Ce travail continu est très important car il permet de suivre la situation pas à pas et de rectifier, si besoin est, les premières sensations. Mais tant que l’appareil n’est pas entièrement terminé, il reste des éléments dont le poids reste estimé.
Prenons un exemple : la peinture. Grossièrement il y a sur Concorde 1000 m2 de surface extérieure peinte. Pour faire des prévisions il faut réaliser des échantillons de tôle qui sont peints suivant le procédé utilisé pour la peinture de l’avion. Ces éléments sont pesés avant et après peinture. En établissant la moyenne des poids observés on en déduit une estimation du poids de peinture à prévoir pour l’ensemble de l’avion.
– Mais pourquoi de telles acrobaties pour tenir le poids ?
Parce que la marge acceptable est beaucoup plus réduite que dans d’autres domaines industriels, en raison de l’effet important, sur la charge marchande, et donc l’économie d’exploitation d’augmentations de poids même modérés en valeur absolue.
Nous devons dans les contrats de vente garantir un poids avec une tolérance relativement faible.
– Où en est-on actuellement dans la dispersion des poids ?
Pour les avions classiques il est d’usage de fixer les poids avec une tolérance de 2%. La dispersion réelle observée sur Caravelle a été de l’ordre de 1%.
– Parce que chaque avion est pesé avant d’être livré ?
Chaque avion est pesé par pièce en cours de fabrication et bien entendu l’ensemble est pesé avant livraison.
– Qu’en est-il pour Concorde ?
Les 2 prototypes déjà construits permettent de se faire une première idée des dispersions possibles.
Nous prévoyons de garantir les poids avec une tolérance de 1%. Il faut pour pouvoir faire cela être assuré que la possibilité d’avoir sur la série totale un écart maximum de 1% est suffisamment faible.
– Quelle est la différence de consommation au kilomètre entre le vol subsonique et supersonique sur Concorde ?
Si vous considérez un avion transatlantique vous ne pouvez pas exclure la possibilité d’ennuis ou d’incidents qui vous obligent à poursuivre le parcours en vol subsonique.
Si la consommation kilométrique en vol subsonique était très supérieure à la consommation en vol supersonique il serait nécessaire d’emporter une énorme réserve de combustible pour être assuré de pouvoir terminer une étape en vol subsonique.
Un avion supersonique n’est donc pas viable que pour autant qu’il existe un régime de vol subsonique dont la consommation kilométrique est voisine de celle prévue en vol supersonique.
Dans ces conditions un incident obligeant à terminer le parcours en vol subsonique se traduit par un retard pouvant être important à l’arrivée mais ne met pas en cause la possibilité d’arriver.
– C’est ce que vous avez obtenu avec Concorde ?
Il existe des régimes de vols subsoniques dont la consommation kilométrique est pratiquement identique à celle prévue pour le vol supersonique.
– C’est essentiellement une question de voilure ?
Oui
– Autrement dit l’avion n’est pas optimisé pour le vol supersonique ?
Il est adapté à la mission qu’il doit accomplir.
– Si un moteur tombe en panne, devez-vous redescendre en vol subsonique ?
Pas automatiquement, cela dépend d’un grand nombre de conditions.
– Ce que vous dites là est très intéressant en ce qui concerne le problème du bang. Autrement dit Concorde pourrait, à consommation égale survoler les régions habitées en vol subsonique sans provoquer ce phénomène ?
Oui mais il serait pénalisé par la durée du trajet. Un avion supersonique n’est pas rentable s’il fait de trop longs parcours à des vitesses subsoniques.
– Venons-en à ce fameux problème du bang, comment se pose-t-il pour Concorde ?
Le problème se divise en deux : d’une part le bang de croisière et d’autre part le bang de montée et d’accélération. En croisière les surpressions au sol dépendent essentiellement de la taille de l’avion et de l’altitude du vol. Il y a intérêt à avoir un avion aussi petit que possible et à le faire voler aussi haut que possible. C’est une des raisons qui nous a conduit à limiter la capacité et par conséquent la dimension de l’avion. L’autre effort à faire pour réduire les pressions au sol consiste à réduire autant que possible la traînée de l’avion ce qui est un souci constant pour les constructeurs d’avions indépendamment des problèmes de bang.
– Reste le problème du bang d’accélération ?
Dans ce cas je pense que la procédure du vol a une importance déterminante. Il est possible de limiter les suppressions au sol en choisissant convenablement les lois de montée et d’accélération. On ne peut éviter la focalisation, mais on peut choisir le plan de vol pour que les surpressions au sol soient aussi faibles que possible. Il faut produire la localisation à l’altitude la plus élevée possible et à la vitesse la plus basse possible.
– Il faut donc respecter les plans de vol extrêmement précis. De quels aides à la navigation va disposer le pilote pour le respecter ?
Le pilote doit disposer des indications pour régler son assiette de montée en fonction de son attitude et de sa vitesse. Définir la trajectoire à suivre, c’est assez facile, mais ce qui l’est moins c’est de donner au pilote le moyen de contrôler effectivement sa trajectoire avec la précision voulue. Nous pensons qu’il faudra construire des instruments spéciaux à cet effet.
Il n’est pas inutile de dire ici que le problème des avions civils est très différent de celui qui se pose aux avions militaires.
Les avions civils peuvent être astreints à des règles d’emploi qui ne peuvent, pour des raisons évidentes, être imposées aux avions militaires.
– Mais cette optimisation de la trajectoire de montée en fonction du bruit va pénaliser l’avion sur le plan de la consommation ?
La pénalisation n’est pas très importante.
– Quelle sera l’intensité du bang de croisière de Concorde ?
Entre 1,3 et 1,8 livre par pied (1) puisque c’est l’unité de mesure utilisée, ce qui correspond à un bang assez faible.
(1) 1 livre par pied carré est sensiblement égale à 4,8 kg/cm2.
– Ainsi Concorde fera du bruit. Savez-vous si vous aurez l’autorisation de survoler les régions habitées ?
Le fait est que des compagnies achètent l’avion et pas seulement pour survoler les océans.
Quelle est l’étape minimale que vous conservez pour Concorde ?
La question ne se pose pas ainsi. C’est un problème de réseau et d’exploitation. Pour que l’avion soit rentable il est nécessaire qu’il soit utilisé suffisamment souvent sur des étapes suffisamment longues. Lorsqu’il en est ainsi il peut être plus rentable d’utiliser parfois ce même avion sur des étapes courtes plutôt que d’avoir recours à un avion spécialisé.
– Quelle est donc l’étape minimale pour qu’il ait le temps d’atteindre sa vitesse de croisière ?
Si vous prenez par exemple une étape comme Paris-Rome, vous atteignez la vitesse de croisière vers Lyon et il convient de commencer le ralentissement.
– Si les performances des moteurs s’améliorent, avez-vous plusieurs possibilités d’évolution pour Concorde ?
Un progrès se traduit par la possibilité de dépenser moins de pétrole pour parcourir une étape déterminée. Ce progrès réalisé, deux possibilités sont ouvertes : conserver la même charge de pétrole et pouvoir utiliser l’avion sur des étapes plus longues, ou au contraire utiliser l’appareil sur les mêmes étapes avec une charge marchande plus élevée. Les deux solutions sont envisagées et les désirs et les besoins des compagnies dicteront la ou les solutions à retenir.
– Si vous aviez à refaire l’opération Concorde, vous y prendriez-vous autrement ou reprendriez-vous les mêmes solutions ?
Nous reprendrions les mêmes solutions. Les études étrangères, tant en Union Soviétique qu’aux Etats-Unis, sont d’ailleurs orientées dans le même sens sans qu’il y ait eu concertation.
– Est-il plus agréable pour un ingénieur aéronautique de travailler sur un avion d’avant-garde comme Concorde ou sur un avion plus classique comme l’Airbus ?
En ce qui me concerne cela m’est indifférent. L’intérêt du problème technique est toujours le même.
– Mais une entreprise comme Concorde ne comporte-t-elle pas une part d’aventure ?
L’aventure c’est le risque et le problème de l’aviation civile consiste justement à éliminer le risque
Une déclaration de Henri Ziegler Président Directeur Général de Sud Aviation
Les grandes réalisations aéronautiques demandent un ensemble de moyens techniques et industriels et, par conséquent, financiers qui peuvent difficilement, depuis ces dernières années, se trouver réunis dans des ensembles économiques à la dimension de tel ou tel Etat européen.
C’est la raison pour laquelle la France et la Grande-Bretagne en particulier, toutes deux disposant d’industries aéronautiques compétentes et dynamiques, ont recherché les moyens et les occasions d’associer leurs efforts pour renforcer leur position dans le marché mondial.
Le Concorde, par l’ampleur des problèmes qu’il posait et des moyens qu’il exigeait, était un domaine évident pour une telle coopération. C’est la raison pour laquelle les deux gouvernements, français et britanniques, ont conclu en novembre 1962 un accord aux termes duquel les industries des deux pays se trouveraient associées pour l’étude, le développement, la production et la vente du premier avion de transport supersonique : le Concorde.
On sait que les industriels responsables de ce projet sont Sud Aviation et British Aircraft Corporation et, depuis maintenant six ans, leur coopération se poursuit d’une façon extrêmement intime.
En ce qui concerne les moteurs, Bristol Engines – maintenant reprise par Rolls Royce – pour la Grande-Bretagne, et la SNECMA pour la France, collaborent à la réalisation du propulseur.
La collaboration des deux industries s’étend bien entendu également au domaine des équipements =, et cette considérable entreprise a été l’occasion d’un grand nombre de rapprochements entre les industries des deux pays qui ont eu déjà, et auront dans l’avenir, des conséquences importantes.
De leur côté, les administrations responsables des deux pays ont constitué des comités communs qui exercent vis-à-vis des groupes industriels les responsabilités qui incombent aux autorités de tutelle, tant techniques que financières.
On sait que le budget global des investissements, c’est-à-dire des frais d’études, de développement, d’essais et d’outillages, est actuellement de l’ordre de 8 milliards de francs, également réparti entre les deux pays associés. Sans doute est-ce un budget considérable. Il donne la mesure de l’importance des problèmes techniques et industriels que soulevait une réalisation aussi nouvelle.
Il convient d’ailleurs, à cet égard, d’apprécier l’importance des résultats dans toutes les recherches entreprises à l’occasion de Concorde dans de très nombreux domaines de la technologie et de l’industrie.
S’il est un cas où la notion de retombées technologiques s’applique avec particulièrement de réalité, c’est bien celui du programme Concorde
Dans la métallurgie, les constructeurs ont provoqué le développement d’alliages nouveaux dont les propriétés particulières et les conditions d’emploi ont nécessité la mise en place d’importants moyens de recherche et d’essais, dont les applications dépassent largement le seul Concorde.
Il serait trop long d’énumérer tous les secteurs dans lesquels des retombées se sont produites, et tous les spécialistes sont convaincus des conséquences d’un tel effort pour aider les secteurs industriels très larges à progresser pour rester au niveau de la compétition internationale la plus évoluée.
En ce qui concerne l’impact de Concorde sur le marché du transport aérien, il convient de dire que les vols à grande vitesse représentent un des secteurs de développement de cette branche de l’économie, notamment pour les vols long-courriers. Il est bien évident que les possibilités de traverser l’Atlantique en trois heures, ou le Pacifique en cinq ou six, constitueront un nouvel élément de rapprochement entre les activités des grandes régions du monde.
Cette perspective n’a pas échappé aux grands transporteurs aériens mondiaux qui, dans leur large majorité, n’ont pas hésité à prendre dès le lancement du programme des options sur Concorde.
Sans doute le transport supersonique ne supplantera-t-il pas du jour au lendemain les transports subsoniques, mais il n’est pas douteux qu’il prendra progressivement sur les transports longues-distances une part croissante du marché.
Sans doute également, l’Europe ne restera-t-elle pas seule sur ce marché. D’ores et déjà, l’industrie soviétique a réalisé un prototype – le Tu-144 – qui semble être à peu près au même stade de développement que Concorde, et l’industrie américaine se penche très activement sur ce problème pour lequel elle dispose de moyens considérables. Le pari économique européen du Concorde, démontre donc la vitalité de nos industries, le désir qu’elles ont, de rester concurremment avec les autres grandes industries mondiales dans le domaine des réalisations les plus avancées.
Il convient que l’opération soit conduite à son plein succès, c’est-à-dire que les industriels britanniques et français associés poursuivent sans désemparer les tâches – sans doute difficiles, mais clairement connues – qui séparent le montage final d’un prototype de la certification de cet appareil.
Pour le transport commercial, bientôt vont commencer les essais en vol qui seront, comme dans toutes les grandes entreprises aéronautiques, la période des dernières mises au point qui transforment en réalité économiques les efforts techniques des bureaux d’études.