La vingtième assemblée annuelle de l’IATA s’est tenue récemment à Bogota (Colombie). Les délégués de 93 compagnies aériennes – puisque la Libane International Airways et la compagnie canadienne Eastern Provintial viennent d’être agrées – y étaient les hôtes de la Aerovias Nacionales de Colombia, plus connue sous le nom d’Avianca. Sous la présidence de M. Gregorio Obregon, d’Avianca, qui a été appelé au poste de chairman pour un an, le Comité exécutif a accompli un excellent travail dont les fruits seront incontestablement bénéfiques pour l’avenir du transport aérien international.
Incidences.
La matinée du 15 septembre avait notamment été réservée à l’étude de la mise en service, au cours de la prochaine décennie, de l’avion de transport supersonique. Trois très intéressants exposés furent faits, successivement aux délégués : M.E Wells, vice-président de Boeing Company, par M. Satre, directeur technique de Sud Aviation, et par M.Mc Brearty, vice-président de Lockheed Aircraft Corporation, la coordination du symposium étant assurée par M. R. Shaw, directeur de la compagnie australienne Quantas, président du comité directeur du comité technique de l’IATA, dont il est membre depuis six ans.
Celui-ci devait tout d’abord définir avec précision le cadre de ce symposium, en insistant sur l’aspect économique de cette analyse du transport supersonique. Fondamentalement, les compagnies aériennes ne s’intéressent qu’aux répercussions du SST sur leur économie future. Le côté technologique, les capitaux requis, les frais d’exploitation, les exigences en matière d’installations et services, les conséquences sur le marché du transport aérien, tous ces facteurs sont importants ; mais ils ne veulent rien dire si on les prend séparément, à moins qu’on ne puisse les intégrer en un bilan final et net de frais totaux d’une partie de revenus totaux, de l’autre. Aujourd’hui, précisait le Dr Shaw, les compagnies aériennes sont encore loin de pouvoir le faire. Il précisait sa pensée en ces termes :
Si nous entrons dans le domaine de la technologie, c’est pour essayer d’en voir les incidences du point du vue économique. Nous devons étudier le rapport entre la sustentation et la consommation des réacteurs afin de comprendre les problèmes de charge payante – rayon d’action du SST et d’évaluer les dépenses de carburant. Nous devons étudier la détonation balistique, afin de nous assurer que notre exploitation ne subira aucune restriction. Nous devons connaître les qualités de vol des nouveaux avions, afin de veiller à atteindre le niveau de sécurité que le public exige et d’être certains que ces appareils peuvent être utilisés par nos pilotes actuels, de grande compétence, certes, mais dont l’habileté n’est pas illimitée. Ces questions, entre autres, doivent être étudiées et, s’il s’agit de problèmes techniques, nous les envisageons avant tout pour déterminer leurs aspects économiques, qui seront finalement intégrés dans l’appareil que nous mettrons en service.
Le docteur Shaw devait ensuite prévenir les trois orateurs invités de la qualité de leur public :
Il serait vain de prétendre que la perspective du transport supersonique réjouisse tous les délégués présents à cette Assemblée Générale annuelle. Nous savons tous que le SST viendra un jour ; certains d’entre nous croient qu’il s’agit d’une réelle nécessité commerciale ; de nombreux autres ressentent une certaine crainte et se remémorent ce qui a été dit ou écrit de la mise en service des jets subsoniques à propos des compagnies qui achètent des aéronefs dont elles ne veulent pas. Avec de l’argent qu’elles n’ont pas pour transporter des passagers inexistants. Aujourd’hui à propos du SST, il conviendrait d’ajouter, à un prix encore indéterminé, à une date incertaine et, dans un cas, devant être construit par des techniciens qui n’ont pas encore été choisis.
Mach 2,7.
Il faisait allusion au SST américain pour lequel deux constructeurs de cellules et deux motoristes restent encore en compétition pour l’attribution d’un contrat, dont la part qui sera subsidiée par le Gouvernement des Etats-Unis est encore en discussion.
C’est dans l’atmosphère que devait se lever MEC Wells pour fournir tout d’abord quelques indications générales sur le Boeing 737-197 pouvant emporter 150 passagers à Mach 2,7 et dont la voilure est à géométrie variable et la structure en titane. C’est un des deux projets qui fut retenu par la Federal Aviation Agency.
Il est surtout intéressant de comparer ce projet d’avion supersonique élaboré par la Boeing Company, avec le plus moderne des subsoniques intercontinentaux, actuellement en service. Les chiffres suivants montrent ce rapport grâce à des coefficients de référence : Poids : 1,3. Réserve de carburant : 1,5. Voilure : 1,7. Poussée maximum : 1,9. Temps maximum de structure 3,5. Charge payante : 0,7. Vitesse maximum : 3.
Restrictions.
Une lecture attentive de ces coefficients montre clairement à notre humble avis le problème – faut-il dire le drame ? – du SST américain à la vitesse au détriment du rapport charge payante poids total.
M.E.C Wells devait ensuite s’étendre longuement sur la comptabilité du Boeing 737 avec l’infrastructure aéroportuaire (pistes et matériels de service et d’entretien au sol) ; et avec les normes actuelles de la circulation aérienne, en insistant ici sur les avantages de la formule à géométrie variable.
Quant au problème du bruit l’orateur précise qu’au décollage il ne dépasse pas 118 PNdb, à une distance de 450 mètres de part et d’autre de la piste, et que le niveau sonore à 1600 mètres du seuil d’atterrissage s’établit également à 118 PNdb. Il estime qu’il ne sera plus possible de diminuer ces PNdb, mais qu’ils sont inférieurs à ceux produits par les subsoniques intercontinentaux.
S’attaquant ensuite à l’importante inconnue que constitue encore la détonation balistique, M.E..C Wells, un des rares avionneurs ayant participé aux expériences faites à Oklahoma City, s’est exprimé comme suit :
Ce phénomène impose de graves restrictions à la conception de l’aviation supersonique, du point de vue du poids et de l’économie des limites ont été fixées par la FAA. Elles sont de 9,765 kg/m2 soit 2 PSF pour le passage à Mach 1 à 40.000 pieds d’altitude en montée, et de 7,323 kg/m2 lorsque l’on revient à Mach 1, en préparation d’approche.
Optimisme.
Bien que cela implique des servitudes, nous pouvons réaliser un appareil compte tenu de cette limitation, si l’on s’en réfère aux tests pratiques à Oklahoma, on peut se montrer optimiste car un faible pourcentage de la population s’est insurgé, mais sur un autre plan. Les expériences ont démontré qu’une limite fixe n’avait guère de signification, en fonction d’une réaction prévisible du public. En effet, en raison de facteurs météorologiques, on a constaté de grandes variations dans les pressions relevées, en dépit des conditions rigoureuses avec lesquelles les niveaux de bruit ont été relevés. En conséquence, nous sommes très peu convaincus du bien-fondé de limites de conception arbitraire quoi qu’il en soit, il est peu probable que le boom sonique empêche l’exploitation supersonique transocéanique, mais il pourrait limiter l’exploitation au-dessus des régions habitées bien que les distances plus courtes, donc un poids total moindre qui caractérisent les liaisons intracontinentales, puissent alléger la difficulté. Cependant les suppressions engendrées par les ondes sonores ont tendance à limiter le poids total de l’avion supersonique, donc sa charge payante et son autonomie de vol. C’est ainsi que pour un poids total au décollage de 195.000 kilos et un rayon d’action de 6 400 kilomètres la charge payante varie de 15,3 tonnes. Pour un niveau de détonation balistique de 8,3 kg/m2. Alors qu’elle peut-être de 19,4 tonnes si la limite de suppression sonique est portée à 9,8 kg/m.2
Auto assurance.
En ce qui concerne la rentabilité de l’appareil, M. Wells estime que le Boeing 737 doit avoir une rentabilité comparable, non seulement par rapport aux actuels Boeing 707 et Douglas DC 8, mais également vis-à-vis des extrapolations, à capacité plus grande, des actuels subsoniques. Cependant, il s’attend à une augmentation sensible des équipages, des assurances, de l’entretien et du taux d’amortissement, même si celui-ci s’étale sur quinze années. Ces augmentations devraient être compensées par une révision des horaires, de façon à dépasser les 3000 heures de vol par an afin que l’avion passe moins de temps au sol, par un autre système d’auto-assurance, qui permettrait un autre mode de calcul des primes entraînant leur diminution, par une rationalisation plus stricte des techniques d’exploitation et une réduction des frais indirects au siège-km, notamment en main-d’oeuvre.
En conclusion M. Wells estime que le programme du SST, est techniquement et économiquement réalisable, sur la base du projet présenté par Boeing, bien qu’il soit conscient des difficultés qui restent actuellement à surmonter et la possibilité de rencontrer d’autres problèmes au fur et à mesure du développement du projet.
Atout vitesse.
M. Mc. Brearty, vice-président de Lockheed Aicraft, devait tout d’abord justifier la mise en service prochaine d’un avion supersonique, en utilisant le thème bien connu – est-ce absolu ? – de la vitesse, atout principal du transport aérien. Il fournit ensuite une brève description technique du Lockheed 2000, en insistant sur le fait que c’est actuellement un avion papier, dont l’avenir dépend essentiellement de l’état actuel de la technique, augmenté du progrès prévu entre aujourd’hui et l’époque à laquelle le SST sera mis en exploitation non sans oublier les progrès ultérieurs. C’est réaliste si l’on considère l’amélioration qui s’est manifestée au cours de l’histoire des jets subsoniques, qui ont connu un doublement de la charge payante, depuis les premiers projets élaborés en 1953, auquel il convient d’ajouter une diminution considérable de la consommation spécifique des moteurs, malgré un accroissement sensible du rapport poussée-poids.
Cela dit, le Lockheed 2000 est d’une grande simplicité. Il se caractérise par une aile de très grande surface (8000 pieds carrés) et la faible charge alaire qui en résulte lui permet de voler en croisière, à des altitudes comprises entre 23 et 26.000 mètres. Son poids maximum au décollage est de 247,5 tonnes et de 126 à l’atterrissage. Le constructeur assure une charge payante maximale de 20,7 tonnes sans préciser le rayon d’action, et déclare projeter un rapport charge utile rayon d’action de 13,5 tonnes pour 6500 kilomètres. C’est donc identique à celui du Boeing 737 dont la contenance maximale est de 150 sièges classe touriste, alors que M. Mc Brearty a donné une configuration maximale pour 221 passagers. Faut-il en conclure que le Lockheed 2000 a été normalement conçu pour un “coast to coast” aux USA et qu’il est pénalisé en vol transatlantique ?
L’orateur explique ensuite que son avion sera compatible avec les moyens aéroportuaires, de circulation aérienne et de télécommunications, que l’on prévoit pour les années 1970. C’est ainsi que, comme son prédécesseur à la tribune de l’IATA, M. Mc. Brearty parle toujours de longueur de pistes actuelles et jamais de leur résistance, car actuellement elles ne peuvent supporter le poids d’aucun SST, ce qui revient à dire qu’il faudra en construire de nouvelles.
Détonation balistique.
Le Lockheed 2000 correspondra aux impératifs de bruit au décollage soit 118 PNdb à 500 mètres, de l’axe de la piste et 108 PNdb à 4800 mètres du commencement du roulement, ainsi qu’en approche, soit 118 PNdb à 1600 mètres du seuil de la piste. Quant à la détonation balistique, l’orateur reconnaît que le problème est aussi nouveau que complexe pour l’aviation commerciale et estime qu’il est souhaitable de faire mieux que les limites de niveau de bruit fixées par la FAA, et que nous avons indiquées dans le compte rendu de l’exposé de M. Wells. Il termine cette partie de son exposé comme suit :
Il reste beaucoup à apprendre sur la physique de la détonation balistique et sur les aspects de celle-ci, qui sont les plus gênants pour la population. Les essais d’Oklahoma montrent que les conditions de vol conçues pour produire des surpressions de 7,32 et 9,75 kg/m2 avaient pour résultat une dispersion considérable des pressions au-dessus et en dessous des points de contrôle, en partie à cause des effets réfraction atmosphérique. En outre, il n’est pas certain que ces critères soient acceptables sur le plan mondial. Les objectifs de conception de la FAA en ce qui concerne les suppressions de détonation balistique sont critiques au poids brut maximum pour l’autonomie de vol maximum. Pour les distances de vol inférieures à 6500 kilomètres, le poids de l’avion sera moindre et par conséquent, les surpressions moins élevées. On voit ici réapparaître cette notion de rayon d’action inférieur à 6500 kilomètres.
Après avoir abordé les notions de santé des équipages et des passagers (ozone, rayonnement cosmique, confort de cabine) et les problèmes relatifs au service au sol, aux révisions et à la compétence du personnel navigant M. Mc Brearty en vient aux aspects plus strictement économiques de son projet.
A son avis, si le coût initial de l’appareil risque d’être compris entre 30 et 40 millions de dollars, sa productivité par dollar d’immobilisation sera très comparable à celle des subsoniques d’aujourd’hui, ceci suppose cependant une durée d’amortissement calculée sur quinze années, un combustible d’un prix analogue à celui utilisé aujourd’hui (ceci reste pour l’orateur une supposition) et un coefficient d’utilisation journalière
d’environ 10 heures. Cette dernière condition est très restrictive, car il faut un réseau énorme et des droits d’escale nombreux pour utiliser à telle cadence un appareil comportant autant de sièges et dont la vitesse de croisière est ne l’oublions pas, de Mach 3.
Quant au coût d’exploitation au kilomètre, M. Mc Brearty précise que pour une longueur de vol moyenne de 2 000 miles (on voit réapparaître ici le “coast to coast” aux USA) il sera d’environ 3 dollars si on y ajoute les frais indirects. C’est plus élevé que les subsoniques, mais sur une telle distance – ce que ne précise pas l’orateur – c’est compensé par un nombre plus élevé de sièges. Quant au coût du siège-kilomètre pour un vol transatlantique, l’auteur le situe entre 1,13 et 1,25 cents, tous frais indirects compris.
Pour terminer, l’orateur estime que le SST sera rentable, qu’il reste encore des problèmes à résoudre avant de concevoir la production, et qu’en fait il y a moins de différence entre les appareils à réaction subsoniques et les SST, qu’il n’en a existé entre les avions classique à pistons et les jets.
L’avance européenne.
L’exposé de M. P. Satre, avait eu sa place entre les deux déclarations des orateurs américains. Si nous le mettons en dernier lieu, dans cet article, c’est parce qu’il en diffère fondamentalement car il est infiniment plus précis. Le directeur technique de Sud-Aviation bénéficie incontestablement de l’avance prise par les franco-britanniques. Concorde pose moins de problèmes nouveaux. Ceci ne veut pas dire qu’il n’en pose plus et M. Pierre Satre tint à souligner, notamment par les nombreux appels qu’il adressa aux dirigeants des compagnies aériennes en sollicitant leur collaboration. Son préambule se terminait notamment par ces mots :
Je voudrais maintenant examiner quelques-uns des problèmes qui inquiètent les futurs utilisateurs et qui ne sont pas sans causer, a nous, constructeurs, quelques soucis, certains de ces problèmes sont complexes, nous comptons fermement que vous voudrez bien vous associer à nous pour les résoudre. Nous attendons beaucoup de votre collaboration dans ce domaine et sommes persuadés, qu’avec votre aide, nous serons en mesure de vous donner, en 1971, un Concorde techniquement et économiquement opérationnel.
Nous ne reviendrons pas sur les caractéristiques de l’appareil franco-britannique. Elles sont définitives et bien connues des lecteurs d’Aviation Magazine. Ses dimensions et son poids sont tels qu’il s’adapte parfaitement aux pistes actuelles. Toutefois, les procédures de contrôle et les aides à la navigation vont poser le choix d’un compromis. Le Concorde peut être équipé de systèmes permettant d’utiliser les moyens disponibles au sol aujourd’hui, mais, dans ce cas, le rendement économique de l’avion en souffrirait.
Le problème consiste à déterminer jusqu’à quel point il convient d’aller dans la voie de l’automaticité (plate-forme à inertie, astrotracker, atterrissage automatique, programmation automatique des vols, enregistreur de surveillance pour l’entretien, etc). C’est là le compromis qu’il convient d’examiner non seulement entre compagnies aériennes et constructeurs, mais également avec les autorités aéroportuaires et les responsables de la navigation aérienne, notamment Eurocontrol. Seul un accord général pourra déterminer exactement le meilleur rendement économique du Concorde en ce qui concerne ce problème, particulier peut être, mais néanmoins très important.
102 PNdb.
L’on sait déjà que pour l’appareil franco-britannique le problème du bruit dans le voisinage des zones terminales, est résolu. En particulier à 6500 mètres du point de lâcher des freins le bruit perçu sera de l’ordre de 102 PNdb, c’est-à-dire moins que les 104 PNdb autorisés aujourd’hui à Londres pour les décollages de nuit. De même, en configuration d’approche le bruit sur la trajectoire à 3000 mètres du point d’impact ne dépassera pas 105 PNdb.
En ce qui concerne la détonation balistique, M. Pierre Satre devait préciser : c’est probablement là, le plus gros problème de l’avion de transport supersonique. Nous sommes pleinement conscients de son importance et nous savons que des restrictions trop sévères de survol supersonique risquent d’avoir des conséquences très importantes sur l’utilisation de l’avion. Nous pensons que les dimensions et le poids raisonnables de Concorde sont dans ce domaine un avantage certain. Nous continuons à étudier le problème et cherchons à définir un critère valable pour le bang. Jusqu’à présent on a tenté de l’évaluer en termes de suppression DP. Nous pensons, et certains résultats d’expérimentation tendent à le montrer, que ce critère est trop simpliste et ne mesure pas réellement la réaction physiologique au bang. De même que l’on a été amené à passer des ”db » aux PNdb, pour évaluer le bruit des avions, nous essayons de définir le PNDP qu’il conviendrait f=de choisir pour
évaluer le bang. De plus, on estime généralement que la phase la plus critique du vol sera l’accélération transsonique. Nous pensons que sa procédure, et notamment la loi d’accélération en fonction du Mach aura une grande influence sur la détonation au sol, et nous étudions des lois d’accélération devant conduire à une moindre détonation.
Souplesse d’utilisation.
Quant au rayon d’action du Concorde, on sait que dans sa formule définitive, l’appareil est donné pour transporter sa charge marchande maximale de 11.700 kilos sur 6700 kilomètres avec des réserves de carburant prescrite par la FAA soit 17% du carburant bloc. Nous savons que certaines compagnies aériennes évaluent ces réserves à 21 ou même 24%. Dans ces conditions le rayon d’action de Concorde pour cette même charge marchande, s’établit respectivement à 6480 à 6160 kilomètres. Il est donc bien transatlantique. Précisons de plus que si son trajet se fait entièrement en régime subsonique, à Mach 0,93, la différence sur son rayon d’action n’est que de 475 kilomètres. Cette souplesse d’utilisation devrait notamment permettre de diminuer la hauteur des réserves.
Utilisation journalière de Concorde. La programmation des horaires sera plus difficile dans le sens nord-sud puisque, pour obtenir une rentabilité maximale, il faudra, en 24 heures, loger deux fois plus d’arrêts aux escales.
Alors que Concorde vient seulement d’entrer dans sa phase d’essais structuraux d’ensemble, qui seront poursuivis par des tests de résistance sur la structure complète en vue de justifier une durée minimale de vie en fatigue de 36.000 heures (soit plus que Caravelle), Il est peut-être prématuré de donner des assurances de coût d’exploitation. C’est ainsi que ces 36.000 heures justifient une utilisation annuelle de 3000 heures et une période d’amortissement de 12 années.
Utilisation journalière de Concorde. Le décalage de cinq à six heures permettra, dans le sens est-ouest, une utilisation quasi ininterrompue de l’appareil, pour peu que l’on évite les heures d’utilisation nocturne, donc de sommeil.
Cette utilisation de 3000 heures par an est-elle réaliste pour toutes les compagnies ? C’est à chacune d’elles de répondre selon la structure de son réseau, car si l’ATS semble remarquablement adapté à l’établissement d’horaires avantageux dans le sens est-ouest (le décalage de 5 à 6 heures permet d’utiliser l’avion de façon
quasi ininterrompue en évitant les heures de nuit), il est certain que la programmation est plus difficile dans le sens nord-sud, puisque dans une même journée utile il faudra loger deux fois plus d’arrêts aux escales
Comparaison
Quant à l’estimation des frais, on peut utiliser la méthode classique, dite ATAGO, mais il ne faut pas oublier qu’elle a été établie pour les avions à pistons et aménagée pour les appareils à réaction subsonique. Pour le supersonique, elle ne donne donc qu’une idée approchée, mais il n’existe actuellement aucune autre méthode de calcul. Les hypothèses choisies par Sud-BAC, sont tout à fait minimales et réalistes puisqu’elles ont choisi un potentiel entre révision de 1500 heures pour le réacteur, qui s’amortit en 7 années et la cellule en 10. En prenant une étape New York-Paris et un Concorde équipé de 118 sièges, on obtient un coût au siège-km de 0,9 cent, pour une utilisation de 3 heures par jour, 0,85 cent pour 10 heures et 0,80 pour 12 heures. Pour une étape de 2850 kilomètres les prix au siège-km varient de 0,95 à 1,1 cent selon l’utilisation. Nous avons gardé les prix en monnaie des Etats-Unis afin de permettre une meilleure comparaison entre le Concorde et les ATS américains.
Sur cette base, et en envisageant un trajet Paris-New York au prix actuel de la classe touriste, réduit d’un tiers pour tenir compte de l’aller et retour et de la réduction accordée aux groupes, le seuil de rentabilité de l’avion est atteint lorsqu’il transporte 75 passagers, soit un coefficient d’utilisation des sièges de 63,5%.
Terminant son brillant exposé, dont le réalisme fut hautement apprécié, M. Pierre Satre devait à nouveau faire appel à la collaboration des dirigeants des compagnies aériennes afin notamment : 1) d’établir des procédures d’exploitation compatibles avec les nouveaux profils de vol. 2) De choisir des systèmes de base tels que l’équipement de navigation et de communication étant donné les exigences apparemment contradictoires de la technologie évoluée et de la commodité opérationnelle. 3) De déterminer des réserves de carburant réalistes. 4) De définir des règlements de base sur la sécurité en vol.
Pour conclure.
1) L’exposé de M. Pierre Satre était nettement plus précis que celui des deux autres orateurs. Ceci tient moins à la valeur incontestable du directeur technique de Sud-Aviation, que dans le fait que les franco-britanniques sont beaucoup plus avancés que les Américains dans l’élaboration de leur projet. On constate une fois de plus que l’ATS made in USA est d’une technologie plus avancée et que, par conséquent, l’écart qu’il marque avec les avions subsoniques est nettement plus sensible. Les difficultés à résoudre notamment en ce qui concerne l’échauffement des réservoirs et de la cabine sont d’un autre ordre de grandeur. Inquiétude !
2) Avant la séance, l’inquiétude des représentants des 93 compagnies aériennes membres de l’IATA, se manifestait surtout vis-à-vis de la détonation balistique. Disons franchement qu’ils s’inquiétaient moins des désagréments qu’ils apporteraient aux populations, qu’aux restrictions inévitables de trafic que ces désagréments leur apporteraient. Or, s’il subit des restrictions l’avion de transport supersonique ne peut être économiquement rentable, et l’on remarquera que les trois orateurs ont insisté pour une utilisation minimale de 3000 heures par an, ce qui est quasi irréalisable sans vol de nuit.
On remarquera aussi que ce problème ne laisse pas les constructeurs indifférents. Ils reconnaissent même tous les trois qu’il est majeur. On constatera aussi si les paramètres de taille et de poids facilitent quelque peu !, M. Pierre Satre admet que le problème reste entier.
L’on peut même craindre qu’il retarde quelque peu la mise en service commercial de l’ATS franco-britannique et beaucoup plus, l’ATS américain.
Zéro zéro.
3) Nous avons constaté que ce retard, les dirigeants de nombreuses compagnies aériennes – même parmi celles ayant passé des options pour l’un ou l’autre type de supersonique – l’appellent de tous leurs voeux, car le spectre de la surcapacité se profile à l’horizon.
En effet, chacun des constructeurs américains estime que si son projet est retenu par la FAA, il lui faudra vendre 200 appareils pour atteindre le zéro-zéro de la rentabilité de l’opération. De leur côté, après des études de marchés similaires, Sud Aviation et British Aircraft ont fixé ce nombre à 140. S’ils atteignaient leur but d’ici douze ans, les paramètres de vitesse, de nombreux sièges et d’utilisation annuelle permettent
de déterminer que ces 340 avions supersoniques représenteraient une production annuelle de 216 (pour l’ATS américain) + 88 (Concorde) soit 304 milliards de passagers-kilomètres.
Ce total laisse rêveur si l’on sait que les compagnies des états membres de l’OACI ont transporté en service international régulier au cours de l’année 1963, 33 millions de passagers qui ont réalisé 64 milliards de passagers-kilomètres en vol subsonique. On ne peut imaginer que lorsque les avions supersoniques seront en service, tous les jets subsoniques seront retirés du trafic international. La production offerte sera donc très supérieure à 300 milliards de passagers-kilomètres et la vente des billets devra avoir atteint un niveau vertigineux, si les compagnies désirent seulement maintenir ce coefficient d’occupation de 51,9% qui fut insuffisant en 1963 pour leur assurer une rentabilité raisonnable. On comprend donc très bien l’effroi des dirigeants des compagnies aériennes qui voient se profiler devant eux de longues années de vaches maigres si de cette immense flotte n’est pas très étalée dans le temps, ou se produit trop vite au gré du potentiel du marché.
Un progrès indiscutable.
Bien sur nous n’ignorons pas ce raisonnement facile qu’utilisent les constructeurs de part et d’autre de l’Atlantique : la vitesse est le facteur essentiel qui conditionne le progrès. N’est-on pas en droit de se demander de quel progrès il s’agit. Au point de vue technologique l’avion de transport supersonique représente un progrès indiscutable ; au point de vue humain il semble qu’il soit prématuré du moins si l’on se fie aux dates de mise en service annoncées. A Bogota : 1971 pour Concorde, 1972 pour le Boeing 737 ou le Lockheed 2000.
Concorde : On sait maintenant ou l’on va ! Par Jean PICKEN
Après bien des mois de rumeurs diverses, nous avons quelques détails sur Concorde. Bien entendu, ce que nous allons dire n’est pas définitif, car certaines caractéristiques sont encore susceptibles d’évolution. Par ailleurs, plusieurs projets d’équipements ne sont pas plus que ce que leur nom indique. Il y aurait matières à discussion si nous savions que ces projets sont le résultat d’une doctrine quelconque des compagnies. Or, officiellement du moins, il n’en est rien Les compagnies n’ont pas encore fait connaître leurs desiderata ni leurs doctrines. On peut raisonnablement supposer que le coût élevé des équipements, représentant un pourcentage important du prix global de la machine, les amène à quelque prudence en ce domaine. La petite boite noire que d’aucuns pensent être la panacée vaut plus exactement, coûte bientôt son poids en diamant et si l’on en juge par les exemples actuels, ne fait que déplacer les problèmes sans les résoudre d’une manière entièrement satisfaisante. Mais là n’est pas notre propos qui se veut une description technique faite des derniers renseignements dont nous disposons. Nous n’insisterons pas, par ailleurs sur les nombreux problèmes relatifs aux ATS en général. Nous ne pouvons qu’inviter nos lecteurs à se reporter, éventuellement aux études précédentes qui ont paru dans “Aviation Magazine”.
Graphique montrant la variation du foyer aérodynamique Concorde en fonction du nombre de Mach
Le projet de Sud Aviation et British Aircraft Corporation Concorde est nous le savons, la concrétisation de la mise en commun d’études menées séparément pendant presque dix ans par la BAC et Sud Aviation. Ces études furent menées sur divers appareils militaires supersoniques ainsi que sur des modèles expérimentaux. Elles aboutirent aux projets Bristol 198 et 223 et Super-Caravelle. Ces projets comportaient bien des points communs, ce qui n’est pas surprenant, le nombre de solutions étaient assez limité en ce domaine. L’aventure technique et financière que représente la réalisation d’un ATS comporte des risques très grands et des charges économiques très lourdes. Ce qui nécessita la mise en commun des projets. On peut admettre qu’il s’agit là d’une décision judicieuse qui groupe les techniques de pointe ou se sont illustrés les Français, dans le domaine des cellules et les Britanniques dans le domaine des propulseurs.
Voici la situation des températures subies par les revêtements aux très grandes vitesses du vol
Le choix d’un Mach de croisière de 2,2 est guidé on le sait, par des considérations multiples dont en particulier, le prix de revient. Concorde sera construit en alliage d’aluminium en majeure partie. Ce qui au départ assure une économie considérable sur un Mach 3, qui sera obligatoirement en aciers spéciaux et titane. Le prix de la cellule seule de Concorde ne devrait pas s’éloigner beaucoup du coût d’un quadrijet subsonique et être en tout cas inférieur de deux à trois fois au prix de revient d’une cellule de Mach 3.
Concorde “Contre Mach 3”
Concorde étant plus petit et surtout moins lourd que le futur Mach 3, qui soit dit en passant volera en début d’exploitation vers Mach 2,6 ou 2,7, pourra accélérer en supersonique à une altitude inférieure. Ce qui laisse prévoir que l’augmentation de vitesse ne sera pas un facteur décisif dans les temps bloc à bloc. Obligé de monter plus haut en subsonique pour accomplir sa transition et en conséquence de décélérer et descendre plus tôt, le Mach 3 n’apportera pas un gain de temps important. Un bref calcul permet de se rendre compte que sur une étape comme Paris-New York la différence est de l’ordre de quelques minutes. C’est un résultat disproportionné si l’on considère la différence de prix d’achat.
Le seul avantage du Mach 3 est qu’il permettra un rayon d’action plus grand que celui de Concorde qui nous semble un peu juste, du moins actuellement. Rappelons que le rayon d’action de Concorde est d’environ 3200 miles nautiques, avec ou sans vent, soit environ 50 minutes de plus que l’orthodromie Paris-New York. Le tout avec les réservoirs réglementaires à l’arrivée et pour une charge marchande de 9 tonnes. L’altitude de croisière normale étant comprise entre 18 et 22.000 mètres.
Conception aérodynamique: “l’Aile Gothique”
La solution retenue pour Concorde a l’avantage d’être très simple. Elle permet l’élimination de la plupart des dispositifs usuels de gouvernes et d’hypersustentation Donc pas de spoilers, de volets de bord d’attaque et de fuite, etc. Les avantages de l’aile delta sont connus, faible allongement, faible épaisseur relative, forte flèche qui permet des bords d’attaque subsoniques même à fort Mach et variation continue et dans le même sens du centre de poussée en transsonique et supersonique. Elle possède une finesse acceptable et sa maniabilité et sa stabilité sont très bonnes. Par contre, le coefficient moyen de portance est médiocre. On peut tourner la difficulté en surdimensionnant la voilure, ce qui est de peu d’inconvénient et en outre réduit
la charge alaire chose intéressante. Laissons de côté cet embryon de cours et revenons à Concorde. Nous avons dans un précédent article examiné les raisons qui ont conduit à l’abandon des solutions telles que le Delta-Canard et la géométrie variable au profit d’une aile Delta à flèche évolutive dite aile gothique. L’aile de Concorde a pour avantage de posséder des finesses acceptables, tant en supersonique 7,5 à 8 qu’en subsonique 13 à 14. Ces dernières valeurs étant assez proches des jets subsoniques actuels dont la finesse en croisière est de l’ordre de 16 à 18 environ (les finesses de l’ordre de 20 ou 21 données pour des avions comme le Boeing 707 et la Caravelle en particulier sont des finesses en descente).
La géométrie choisie permet d’obtenir des vitesses de décollage et d’atterrissage comparable aux avions actuels. L’aile gothique est caractérisée par une nappe tourbillonnaire accrochée au bord d’attaque (tourbillons d’apex) qui se produit aux grandes incidences et persiste bien au-delà des limites d’utilisation sans tendance au décrochage. Ces tourbillons ont pour effet de créer une hypersustentation naturelle qui accroît la portance d’environ 30% par rapport à une aile “Delta ”normale Si l’on ajoute qu’au surplus l’appareil bénéficie d’un effet de sol extrêmement favorable qui augmente encore la portance de 60% environ, on conçoit que l’on ait pu se passer sans difficultés des dispositifs hypersustentateurs usuels. L’aile est cambrée et vrillée, en particulier pour réduire la traînée d’équilibrage, la résolution de ce problème est complétée par la présence d’un réservoir de transfert dont nous reparlerons.
Ainsi qu’il est de règle pour un appareil supersonique de cette taille, les réacteurs sont placés sous la voilure d’une part, pour bénéficier d’une suralimentation naturelle et d’autre part pour accroître la portance de la voilure par utilisation du train d’ondes de choc d’entrée d’air.
Le Fuselage
Venons-en au fuselage qui fut souvent le parent pauvre aérodynamiquement parlant. On vit souvent et on voit encore des voilures peaufinées attachées à un fuselage peu aérodynamique, ce qui est assez peu logique en soit. L’ennui dans un avion de transport, c’est bien le passager. Il faut le loger assez confortablement sans pour cela trop altérer la finesse de forme. Problème très important sur un Avion de Transport Supersonique. Le fuselage de Concorde est de section moins importante que celui des quadri-jets, puisqu’il ne permet que
trois sièges en première classe et quatre en touriste de front contre cinq et six habituellement. Le diamètre intérieur est de 2,63 mètres et la hauteur au centre du couloir est de 1,95 mètre.
Le nez est à géométrie variable, ceci pour assurer une faible traînée en croisière et une bonne visibilité au décollage, en approche et à l’atterrissage Dans ces derniers cas, le nez bascule de 10,5° environ et la visière est escamotée, tandis qu’en croisière le nez est relevé et la visière recouvre le pare-brise en entier, à l’exception de deux panneaux latéraux de vision directe.
Les commandes de vol comprennent trois élevons de chaque côté de la voilure et un gouvernail de direction classique en deux éléments. La disposition des réacteurs a été faite de manière à ne pas amener de difficultés de contrôle particulières en cas de panne d’un GTR. On doit noter l’utilisation systématique de stabilisateurs et d’amortisseurs montés suivant le concept de base qu’une mise hors service de système n’entraîne pas de difficultés insurmontables dans le contrôle de l’appareil quel que soit le régime de vol.
La structure
Il y aurait théoriquement peu de chose à dire étant donné qu’à bien des égards la construction de Concorde est classique. L’alliage utilisé est de L’AU2GN qui est un alliage de cuivre et d’aluminium avec une trace de silicone. Les élevons sont en nid d’abeille en acier ou titane pour des questions de rigidité Dans les zones de températures élevées des nacelles-réacteurs on trouve des tôles d’acier inoxydable ou de titane. Les facteurs de charge limites sont les mêmes que pour les avions actuels (2,5 à –1) et le programme d’essais de fatigue a pour but de garantir au moins 30.000 heures de vol sans remplacement d’un élément majeur de structure. La voilure qui est extrêmement simple ainsi que nous le savon est presque entièrement consacrée à un rôle de réservoir de combustible. Elle est du type caisson à multilongerons. Les panneaux de revêtement sont fraisés et à raidissement intégral. Dans la partie centrale les longerons sont continus à travers le fuselage. Il est prévu de construire le bord d’attaque en AU2GN, toutefois il n’est pas impossible qu’il soit réalisé en AU6MGT matériau plus résistant à l’érosion à chaud. Bien que ce ne soit pas compris dans les calculs de structure, on envisage de protéger certaines parties de la structure et le bord d’attaque par une peinture spéciale assurant un coefficient d’émissivité élevé. Les réservoirs sont, pressurisés à une valeur comprise entre 150 et 210 g/cm² absolus par piquage d’air dans l’entrée des réacteurs. L’étanchéité des réservoirs et du fuselage est assurée par un produit appelé “Viton”.
Une cellule classique
Le fuselage de section constante dans la majeure partie de la zone pressurisée, est du type classique cadres-lisses. Le pas des cadres courants est de 520 millimètres. Les panneaux d’encadrement des hublots sont du type fraisé à raidissage intégral et comportent tous plusieurs hublots. Les hublots possèdent quatre couches transparentes : un panneau double intérieur, qui supporte la pression différentielle et un panneau double extérieur subissant les contraintes thermiques. Entre chaque lame de verre est une couche de “Silastic K”.
L’épaisseur des lames est de 4,75 millimètres pour les intérieurs et 3,8 millimètres pour les extérieurs. L’espace entre les panneaux est desséché et du côté du passager, un panneau en matière plastique transparente est monté. L’espace entre ce panneau en plastique et le panneau intérieur du hublot est conditionné par la ventilation cabine. La cabine est pressurisée à une pression différentielle maximale de 750 g/cm². Ce qui correspond environ à une altitude cabine de 2000 mètres pour une altitude de croisière de 20 000 mètres.
Ajoutons que les vitres du poste de pilotage protégées par la visière en vol supersonique, sont calculées pour résister à l’impact, à la vitesse de croisière, d’un oiseau de 2 kilos, à une altitude de 2450 mètres Bien entendu, elles comportent un système de dégivrage et de désembuage, sans oublier les essuie glaces L’épaisseur des panneaux de fuselage est variable, mais n’est jamais inférieur à 1,4 millimètres La partie arrière du fuselage est calculée en tenant compte de la fatigue acoustique. Le niveau de bruit engendré par la couche limite est de l’ordre de 120 à 130 décibels. Presque tous les panneaux sont non travaillants. Les portes de cabine sont du type habituel dit “Plug” et s’ouvrent vers l’extérieur.
La dérive est constituée d’un caisson classique multi-longerons. Ce qui autorise son utilisation éventuelle comme réservoir ou soute structurale. Les panneaux sont du type fraisés à raidissage intégral. La gouverne de direction est, de même que les élevons, en matériau nid d’abeille. Elle est divisée, ainsi qu’il est de règle pour ce type d’appareil en deux parties mues par des vérins hydrauliques irréversibles.
Le train principal, réalisé par Hispano-Suiza, est équipé de boggies à quatre roues,. Construit en acier à 18 300 kilos cm². Le train se rétracte partiellement par diminution de la course du relevage. Précisons que le contrat relatif à la roulette avant n’a pas encore été attribué. Un déverrouillage mécanique de secours est
prévu et il existe un contrôle visuel des logements de train en vol. Ces derniers sont refroidis par un circuit de conditionnement de manière à ce que la température des pneus n’excède pas 80°C en fin de croisière supersonique.
Bien des problèmes nouveaux sont apparus, notamment les dilatations thermiques différentielles. Afin de les minimiser, plusieurs solutions ont été adoptées dont celles de nervures de voilure treillis ou triangulées qui sont librement dilatables. Le fluage du métal qui est un phénomène nouveau dans le cas d’un avion, n’est pas à de rares exceptions près un problème sur Concorde. En plus des limitations de vitesse et de Mach en opération Vmo et Mmo (Vne et Mme ainsi que Vno et Mno) sont morts : paix à leurs cendres !), une nouvelle notion intervient : celle Tmo température à ne pas dépasser en opération Un système d’alarme prévient l’équipage en cas de dépassement. Bien entendu, cette limite est inférieure à la température associée à la vitesse maximale en piqué, autrement dit “Vd”.
Aménagements intérieurs
A tout seigneur tout honneur, commençons par le poste de pilotage. C’est un poste à quatre places, prévu pour une exploitation à équipage de trois personnes : pilote, co-pilote et mécanicien La quatrième place est dite de l’observateur. On pourra s’étonner de l’absence prévue du navigateur, alors que les réalisations d’avions supersoniques les plus récentes voient, au contraire s’affirmer et se développer le rôle de celui-ci Mais ce n’est pas nouveau, à chaque arrivée d’un nouvel avion, on essaie de réduire les équipages. Ce projet doit être donc considéré comme habituel et ne reflétant pas la position des compagnies et, surtout, des navigants dont on ne connaît pas encore les idées sur le sujet.
On sait que la pointe avant bascule de 10,5° grâce à un système hydraulique double : normal, un de secours. En outre, le nez peut être déverrouillé mécaniquement et se baisser par gravité. La visière mobile qui protège le pare-brise et diminue la traînée en vol supersonique comporte deux parties. La partie arrière recouvre entièrement le pare-brise, à l’exception des panneaux latéraux. Elle comprend des panneaux transparents qui permettent la vision directe vers l’avant pendant le vol supersonique. La visière est commandée hydrauliquement avec un dispositif de secours mécanique.
A l’arrière
Au point de vue passagers, Concorde est prévu en deux aménagements types. L’un mixte : 1ère classe et classe touriste à 96 passagers et l’autre entièrement en classe touriste avec “galley” réduit, à 118 places. La cabine comporte 42 hublots de chaque côté, de dimensions 25 sur 19 cm Quel que soit l’aménagement toutes les rangées de sièges sont à proximité d’un hublot. Ajoutons qu’il existe deux portes-passagers l’une à l’avant, l’autre à la racine de l’aile. Sur le côté droit du fuselage, une porte de service. A l’arrière de la cabine, la soute à bagages accessible par une porte de chargement inférieure.
Instruments de bord et équipements:
Il y a peu de différence entre le poste de Concorde et celui d’un quadri-jet actuel, du moins en apparence Les différences les plus sensibles portent sur la présence d’un système d’atterrissage tous temps, d’un système de représentation topographique et les commandes des circuits de combustible y compris le transfert. Ceci en principe, car aucune décision n’est encore prise en ce qui concerne les deux premiers points. Le panneau de commande des circuits de carburant sont au poste mécanicien et sont analogues en leur présentation à celle d’un Boeing 707 par exemple. C’est-à-dire que le circuit carburant est représenté schématiquement sur le tableau avec tous ses éléments de fonction, de contrôle et de commande.
En outre, on trouve aussi la commande et le contrôle du réservoir de transfert avec son système de secours de transfert vers l’avant ou de vidange rapide. Un indicateur de centrage est monté pour le contrôle des opérations de transfert.
Tous les instruments sont à éclairage intégré avec les panneaux munis de plaquettes électroluminescentes. L’éclairage direct ainsi que l’éclairage d’ambiance sont blancs. Un panneau principal d’alarme est situé sur le déflecteur anti-éblouissant dans le champ de vision directe des pilotes. Il est envisagé l’installation d’un système de “check-list” automatique ainsi que d’enregistreurs d’entretien.
Les commandes de vol
Les organes de pilotage s’intègrent dans l’ensemble des commandes de vol. On trouve un système de stabilisation artificielle autour de trois axes et le pilote automatique. Dans le premier système se trouve l’automanette ou stabilisateur de vitesse. C’est un dispositif qui permet, par exemple, de voler à Mach constant en croisière et surtout d’assurer une vitesse indiquée constante. Pareil système est nécessaire car l’aile Delta possède l’inconvénient d’une instabilité de vitesse aux grands angles. On aurait pu se passer du système de stabilisation autour des trois axes, mais pour faciliter les manoeuvres et augmenter le confort, il a été décidé de l’employer. Il s’agit d’un système très classique dont le fonctionnement est analogue à celui des amortisseurs de lacet des jets actuels. La compensation (trim) se fait autour de trois axes au moyen des gouvernes par l’intermédiaire du dispositif de restitution d’effort. Les commandes en sont classiques. Précisons que les commandes de vol possèdent des butées mécaniques qui empêchent la mise en butées des servocommandes de gouvernes Afin d’obtenir un temps de réponse aussi cours que possible, on emploie un
système électro-hydraulique Chacun des six élevons et des deux gouvernes de direction est actionné par une servocommande irréversible à double corps en tandem commandée par une chaîne électrique d’asservissement. Chaque gouverne est indépendante mécaniquement et liée par le système de commande à la gouverne symétrique. Les servocommandes sont mises en puissance par n’importe lequel des quatre circuits hydrauliques. En secours, une timonerie mécano-hydraulique permet de pallier une panne double des chaînes d’asservissement. Il existe bien entendu un système de restitution d’efforts. Les sensations artificielles sont introduites sur les trois axes par une bielle à ressort qui restitue un effort proportionnel au braquage de la gouverne et par deux vérins hydrauliques commandés par la centrale aérodynamique qui restituent un effort proportionnel au carré de la vitesse.
Les ordres du pilote automatique, par l’intermédiaire de servo-relais double corps, sont transmis aux chaînes d’asservissement. Une bielle à ressort, située entre les servo-relais et les sensations artificielles protège le système des commandes en cas d’à-coups du “PA”. Le système de secours mécanique possède un régulateur de tension des câbles de manière à maintenir la tension entre 20 et 30 kg, quel que soit le gradient de température. Faute de place, nous ne rentrerons pas dans le détail des circuits de commandes Précisons toutefois, que la sécurité du système est particulièrement poussée.
L’atterrissage tous temps
Disons quelques mots au sujet du système d’atterrissage tous temps. On sait qu’il existe plusieurs conceptions de pareil système ainsi que des réalisations différentes. Il n’a pas été encore pris de décision à ce sujet. Ne serait-ce parce que BAC et Sud Aviation ont, en l’occurrence, des philosophies divergentes. On pourrait peut-être, c’est une simple suggestion, demandé aux futurs utilisateurs de donner leur avis car il est probable en pareil cas que la discussion dérive vers des considérations assez éloignées du but originel. Nous pensons personnellement que le système Sud Aviation est préférable, car le pilote fait partie de la chaîne de commandes. En conséquence, sans mentionner d’autres avantages, cette conception est beaucoup plus simple et de ce fait, beaucoup plus sûre.
Circuits et systèmes
Commençons par le circuit hydraulique. Système devrions nous dire, car il y a quatre circuits indépendants Chaque circuit possède sa propre bâche pressurisée alimentant deux pompes entraînées par deux réacteurs
différents. Les circuits fonctionnent à 4000 PSI (Pound Per Suare Inch), soit environ 280 kg/cm2, le liquide actuellement prévu est de l’Oronite M 2 qui peut fonctionner dans une gamme de température allant de – 600C à 2500C. D’autres liquides sont actuellement à l’étude y compris des liquides ininflammables. A l’instar de “Caravelle”, les circuits sont identifiés par un code de couleur. Le vert principal alimente les commandes de vol, la restitution d’efforts, le train d’atterrissage, les portes de train l’orientation, les freins, le transfert de carburant, la visière et le nez basculant. Le bleu principal alimente les commandes de vol, la restitution d’efforts et le transfert de carburant Le rouge est le circuit de secours du vert. Le jaune est le circuit de secours du bleu et des circuits de train et de freinage. Toutes les tuyauteries sont en acier inoxydable à haute résistance codées en couleur et en sens de cheminement du liquide. Les filtres prévus sont à 10 microns avec indicateurs de colmatage. On envisage de monter des filtres à 3 microns sur les drains de pompe des filtres. Les circuits principaux possèdent deux pompes auto-régulatrices entraînées par un réacteur droit et un régulateur gauche. Leur débit est de 150 1/mn à 3750 tr/mn. Les circuits de secours sont alimentés de la même façon par des pompes débitant 75 1/mn à 3750 tr/mn. En outre, le circuit rouge peut être alimenté par une pompe à main. Le type des pompes n’est pas encore déterminé. Ajoutons que les réacteurs possèdent chacun son propre circuit hydraulique indépendant assurant le fonctionnement de la géométrie variable d’entrée d’air. Le secours est assuré, en cas de panne, par le circuit du réacteur voisin.
Pour terminer, en dernier secours des circuits, il est prévu l’installation d’une turbine qui descendrait dans le lit du vent et entraînerait une pompe hydraulique. Ceci permettrait le fonctionnement des commandes de vol au cas où il se produirait une panne des quatre réacteurs.
Le circuit électrique
Pour exposer brièvement les choses, disons que la génération électrique primaire est en courant alternatif de 115 V monophasé, 200V triphasé fourni par quatre alternateurs de 40KVA entraînés à 8000 tours constants, chacun par réacteur. Les sorties se combinent en deux sous-systèmes composés chacun par deux alternateurs groupés en parallèle. Chaque sous-système alimente deux transfo-redresseurs de 28V et 150A qui sont eux-mêmes connectés en parallèle de manière à fournir deux circuits indépendants en courant continu. Passons sur les connections et la distribution. En secours, il existe deux batteries de secours 24 V à convertisseurs statiques monophasés 115V – 400Hz. Chaque alternateur fournit par sa bus, les charges correspondant aux différents besoins de bord. Le dégivrage (entrées d’air, bord d’attaque et pare-brise) est réparti entre deux alternateurs pris chacun dans un sous-système. En cas de panne d’un alternateur, les charges normales sont absorbées par l’autre alternateur du sous-système, tandis que le dégivrage est alors fourni par les deux alternateurs de l’autre sous-système. Les alternateurs sont groupés comme suit : 1 et 3 sous-système A – 2 et 4 sous système B. En cas de panne de deux réacteurs du même côté, on conserve ainsi un alternateur dans chaque sous-système.
Les systèmes électroniques nav-com
Dans l’état actuel des choses, l’équipage de Concorde est ainsi prévu : en communication de bord un interphone, un public adresse et un interphone sol-bord. En communications en route, 2 E/R VHF 2 Selcal (système d’appel automatique évitant la veille de fréquences de route). Les équipements de navigation proposés comprennent : 2 directeurs de vol, 2 récepteurs de pente (glide slope), 1 récepteur de marqueur 1 radar météorologique, 2 transpondeurs ATC, 2 DME, 2 VOR, 2 ADF, 2 sondes radio-altimètriques (basse altitude et haute altitude probablement), 2 plates-formes inertielles et 2 calculateurs digitaux de navigation. L’équipage proposé étant de 3 personnes il est alors obligatoire de fournir les renseignements de navigation aux pilotes qui disposeront d’un indicateur topographique ou l’on pourra présenter des cartes à différentes échelles. En outre, de manière permanente, on aura les informations suivantes : position géographique et par rapport à la route de base ainsi que la distance restant à parcourir, heure d’arrivée estimée, carburant à l’arrivée et à la verticale du dégagement et, enfin les indications VOR-DME, à proximité des côtes. On ne sait pas encore si les plates-formes seront associées ou non à des radars Doppler. Le choix du système complémentaire destiné à recaler les ensembles n’est pas encore fait. On hésite entre un Star Tracker ou un Loran C. Il serait prématuré d’entamer la discussion sur pareil ensemble, ne serait-ce que parce que l’on ne sait pas encore de quoi ils seront faits. Toutefois, en considérant ce qui nous est annoncé ici, il semble que la notion d’équipage à trois, prônée par les constructeurs, soit pour le moins optimiste. Il semble que la surveillance et le recalage du système de navigation soient difficilement réalisables par l’un des trois
membres d’équipage déjà en possession d’une charge de travail importante. C’est du moins ce que l’expérience des vols supersoniques aux USA et maintenant en France nous enseigne.
Le pilote automatique
Le pilote automatique assurera les fonctions suivantes : stabilisation automatique en assiette et en cap commande d’altitude constante, contrôle du Mach et de la vitesse corrigée, virage coordonné, changement d’altitude pré-affiché, présélection du cap, approche automatique sur axe VOR et faisceau ILS et asservissement au calculateur de navigation. Le “PA” est prévu en fonction de développements permettant l’atterrissage automatique. Citons, pour mémoire, le système doublé d’auto-manettes assurant la stabilité de vitesse.
Conditionnement d’air et pressurisation
Volant à des altitudes ou toute dépressurisation signifie la mort presque instantanée des occupants et la destruction probable de l’appareil, il est superflu de dire que le système de conditionnement d’air et de pressurisation de Concorde se trouve être particulièrement soigné. L’avion est équipé de trois ensembles de conditionnement et de génération d’air entièrement distincts. Le prélèvement d’air se fait au dernier étage du compresseur haute pression des GTR 1, 2 et 3. Chaque ensemble peut fournir la totalité de l’air au conditionnement et à la pressurisation. L’air est prélevé à une température de 580°C en croisière. Un échangeur primaire air-air abaisse la température de l’air à 200°C environ. Un premier échangeur air kérosène refroidit encore cet air qui peut être à des températures inférieures à 0°C par un second échangeur air-kérosène. Cet air est mélangé avec de l’air de re-circulation et atteint le circuit de cabine à la température désirée. Précisons que les échangeurs air-kérosène sont situés sur les canalisations d’alimentation des réacteurs. De cette manière le pétrole des réservoirs reste à sa température d’ambiance (environ 80°C), tandis qu’il arrive aux pompes à 150°C. La température de la paroi intérieure de cabine est maintenue à un maximum de 30°C, par circulation entre la double paroi. La température de cabine ne devrait pas dépasser 24°C en croisière supersonique Après passage en cabine l’air est utilisé pour refroidir les soutes à bagages. En outre, des piquages d’air sont effectués pour refroidir les logements de train, le radar, les circuits hydrauliques et les équipements électriques et électroniques. Quant au circuit d’oxygène de secours, il n’existe pas encore de réglementation à ce sujet On peut penser qu’il sera analogue à celui des quadri-jets actuels. C’est du moins ce que pensent les constructeurs. En outre le dégivrage électrique des entrées d’air, des bords d’attaque et du pare-brise, la face avant des rampes d’entrées d’air, le nez des GTR, et les aubes directrices des compresseurs sont dégivrés par air chaud. Le tout en subsonique, car en supersonique le problème ne se pose pas.
Ozone, radiations et radioactivité
En ce qui concerne l’ozone, on pense qu’il n’y aura pas de danger pour l’équipage et les passagers. On sait qu’aux altitudes de croisière considérées on s’expose à la traversée de couches d’ozone. Or, à la température de prélèvement de l’air (580°C) l’ozone est dissocié en oxygène. Par ailleurs, si cela se révélait nécessaire, l’ozone résiduel pourrait être éliminé par un filtre catalytique. Par contre, certains matériaux comme le caoutchouc naturel et se dérivés sont détériorés par ce gaz. Il a été donc mis au point un certain nombre de matériaux à base de néoprène et de caoutchouc ou silicone pour pallier cet inconvénient.
Le plus grand danger en croisière semble provenir des radiations associées aux éruptions solaires. Des instruments de détection sont montés sur le Concorde pour avertir l’équipage de l’imminence de ces éruptions. Celles-ci se développant très rapidement, les réserves de combustible permettent une descente d’altitude de 15 000 mètres, considérée comme absolument sûre en cas d’urgence. Par ailleurs des stations au sol feront des prévisions de manière à pouvoir choisir un plan de vol approprié. Ainsi qu’il a été déjà dit on voit que les limitations en exploitation sont très nombreuses. Les sources de radiation telles que les débris radio-actifs de l’atmosphère nécessiterons le lavage de l’avion à l’arrivée et le port de vêtements spéciaux par les équipages d’entretien. Bien que l’on ne considère pas ceci comme un danger pour les personnes à bord, il est envisagé, si cela se révèle nécessaire, de monter des filtres sur les gaines de conditionnement d’air.
Circuits de combustible
S’il sera peut-être nécessaire de refroidir le combustible pour un Mach 3 avant remplissage et d’isoler les réservoirs, cette précaution ne semble pas devoir l’être sur Concorde. Pour éviter l’ébullition en altitude le
réservoir de Concorde sont, nous le savons, pressurisés à partir de 13.500 mètres. La capacité maximale de carburant est approximativement 95.000 tonnes (soit 76 tonnes à la densité de 0,8). La distribution des réservoirs est montrée sur la figure. Ils sont groupés en trois parties. Le groupe principal gauche, le groupe principal droit et les réservoirs d’équilibrage de partie avant du fuselage et de la voilure et de fuselage extrême arrière. Passons sur les circuits principaux qui sont classiques et voyons le fonctionnement des réservoirs d’équilibrage. Le carburant des réservoirs avant est, pendant l’accélération subsonique-supersonique, porté à haute température. Il est alors transféré dans les réservoirs principaux et dans les réservoirs d’équilibrage arrière ou l’échauffement est bien moindre. Ce qui a pour effet de reculer le centre de gravité de l’avion vers sa position optimale de croisière supersonique. Dans la phase de décélération subsonique, le carburant du réservoir arrière est transféré dans les principaux de manière à ramener le centre de gravité vers l’avant. Les tuyauteries de transfert sont doubles et courent de chaque côté du fuselage. On peut utiliser simultanément les deux circuits ou l’un ou l’autre, chaque circuit étant muni de robinets d’isolement. Le transfert vers l’avant se fait au moyen de pompes hydrauliques et, vers l’arrière, au moyen de pompes électriques. De cette manière, le retour en subsonique est toujours possible même en cas de panne totale électrique, au surplus, il existe en dernier recours un système de vidange rapide du réservoir arrière.
Groupes turboréacteurs
Les GTR équipant Concorde sont des Rolls-Royce/Snecma Olympus 593. Leurs caractéristiques sont connues et ont été déjà publiées dans “Aviation Magazine”. Brièvement disons que la poussée brute sera de l’ordre de 15 à 16 tonnes pour un débit d’air de 230 kg/sec (niveau 0 standard) avec un rapport de compression de 14,75 et une température devant turbine de 1410°C (1137°C), le poids à sec étant de 2470 kilos. Les réacteurs sont installés par paires sous la voilure. On a recherché, bien entendu, la facilité de changement ainsi que l’accès aisé pour l’entretien. Chaque GTR, forme une zone de feu individuelle ventilée et drainée avec ses propres systèmes de détection. Les extincteurs, chargés au fréon, communs à deux réacteurs sont installés entre les deux GTR adjacents. Bien qu’il soit obligatoire de posséder pareil système, il est très rare d’avoir constaté en exploitation des incendies réacteurs. Sur chaque réacteurs sont montés des relais d’accessoires qui entraînent, par l’intermédiaire d’un dispositif à vitesse constante un alternateur et trois pompes hydrauliques (deux du circuit avion et la troisième du circuit réacteur) N’oublions pas les pompes de carburant haute pression qui sont également entraînées par le réacteur. On ne connaît pas la perte de poussée qui en résulte. Par exemple, on estime que sur un Boeing 707 (c’est très difficile de le savoir exactement) la perte est d’environ une tonne de poussée par réacteur..
Les entrées d’air
Les entrées d’air, ont leur géométrie variable, commandée par le circuit hydraulique GTR, avec une disposition de secours que nous connaissons. La section d’entrée est pratiquement rectangulaire avec un piège à couche limite pour récupérer la pression maximale. On sait que le diamètre du col est réglable, qu’il a un clapet de décharge pour équilibrage du débit entrée d’air-réacteur et qu’un volet inférieur permet de conserver la position géométrique de l’onde de choc droite en cas de variation rapide de débit. Le même volet augmente en subsonique la section d’entrée qui, autrement serait sous-dimensionnée.
L’ensemble comprend un volet pare-feu et un ensemble de trappes permettant la ventilation en roulage au sol. Le système de géométrie variable est entièrement automatique. Pour pallier le risque d’extinction d’un GTR par interaction aérodynamique due à l’arrêt du GTR voisin, on a soigné particulièrement le dessin et le circuit du volet inférieur. Le rôle principal de ce dernier étant de maintenir une onde de choc droite à l’entrée. Ce problème, de l’aveu des constructeurs, n’est pas entièrement résolu. Des essais sont en cours pour aboutir à une solution satisfaisante.
Concorde en exploitation en 1970 !
Nous manquons de place pour développer d’autres aspects des caractéristiques de Concorde, notamment en ce qui concerne les parties arrière de GTR, les évolutions de l’appareil au sol, le démarrage, etc. Il a été accordé un soin tout particulier à la rapidité de rotation, en particulier en ce qui concerne l’embarquement des passagers et des bagages (prévu en 15 mn) et les facilités de ravitaillement et de visites d’entretien Ce qui devrait assurer une durée d’escale de 45 mn au maximum. Il semble d’ailleurs difficile de descendre en dessous de ce laps de temps ainsi que le prouve l’exploitation des quadri-jets actuels.
Terminons en disant que la sortie du premier prototype est prévue pour fin 1967, le second arrivera vers la mi-1968. La présérie sortira au début de 1969 et les premiers appareils de série verront le jour fin 1969, début 1970. L’obtention de CDN est prévue pour la fin de l’année 1970. Ces chiffres avancés par le constructeur sont peut-être légèrement optimistes. Sans vouloir préjuger de la réalité ni se montrer pessimiste par esprit de contradiction, il semble qu’il faille compter sur des délais supérieurs d’environ un an. De toute manière Concorde dispose et, sans nul doute, disposera, d’une avance de deux années au moins sur le Mach 3 américain.
Article de Albert Yan BUYLAERE