Article de Jean de GALARD

La presse s’est fait l’écho, récemment, de bruits selon lesquels le programme « Concorde” aurait pris du retard et la date prévue pour le premier vol du premier prototype, le 28 février 1968, ne pourrait pas être tenue. Cette conclusion hâtive et qui ne correspond pas à la réalité du moment semble avoir été tirée à la suite d’une interprétation erronée d’une situation de fait : la fourniture de certains équipements n’a pas été assurée dans les délais prévus. En conséquence, la marge de sécurité dont avaient tenu à disposer les constructeurs français et britannique pour empêcher tout retard dans la sortie fut premier prototype est devenue très faible – ce qui ne signifie pas pour autant que la partie soit perdue. Comme l’a déclaré récemment le Directeur des usines de Sud Aviation à Toulouse, à la date annoncée aura tenue sous réserve qu’il n’apparaisse pas tout à coup une difficulté supplémentaire.
Certes, annoncer il y a plus de deux ans que le prototype du ”Concorde » volerait pour la première fois le 28 février 1968 représentait déjà une gageure, car même si la construction de l’appareil ne fait pas appel à des techniques révolutionnaires, elle implique tout de même un certain nombre de dispositions nouvelles qui n’ont pas leur équivalent sur les avions subsoniques. Prévoir une marge de sécurité en fixant cette date était donc très sage. Ce sont les fabricants d’équipements qui ont un peu grignoté cette marge, par suite sans doute de la sévérité des spécifications qui leur étaient imposées.
Jusqu’à nouvel ordre donc, et ceci a bien été confirmé par l’état-major de Sud Aviation réuni à Paris à l’occasion du Salon du Bourget, la date du 28 février 1968 est maintenue ; en serait-il différemment que ce retard ne mettrait toutefois pas en cause le déroulement ultérieur du programme.

Les visiteurs du Salon du Bourget peuvent admirer une maquette en vraie grandeur du « Concorde” et, tout au long de la journée, la cabine de désemplit pas. A l’heure actuelle, le programme en est au point suivant pour ce qui concerne le prototype 001 assemblé à Toulouse ; le train principal d’Hispano-Suiza et l’atterrisseur avant de Messier ont été fixés. La pointe avant est en cours d’installation, A la fin de l’été auront lieu des essais de vibrations de l’appareil. Puis ce sera la sortie d’usine à la fin de cette année. 25 mai 1967, aéroport du Bourget, sous une pluie battante, la maquette du transport supersonique ”Concorde » quitte les hangars de Dugny où elle a été montée et va prendre place sur l’aire d’exposition statique. Depuis l’ouverture du Salon, sa présence suscite un intérêt et, le dimanche 28 mai, plus de 9000 visiteurs ont fait la queue, bravant le mauvais temps, pour venir visiter l’appareil et se rendre compte de l’aménagement de la cabine.
Le programme des essais en vol se déroulera en utilisant successivement les deux prototypes et les deux avions de présérie, plus les deux premiers avions de série. Au total quelque 4500 heures de vol.
On voit d’après ce tableau de production du « Concorde” passera de deux appareils par mois, de juin 1971 à novembre 1972, à trois par mois du printemps 1973 au printemps de 1975, puis à quatre appareils par mois jusqu’à janvier 1976. A cette époque, cent cinquante ”Concorde » auront été livrés. On remarquera aussi que la durée totale du cycle de fabrication d’un appareil passe à trente-six mois en 1967, à vingt-cinq mois en 1970.