A Toulouse et à Filton, les prototypes 001 et 002 de Concorde, l’avion de transport supersonique franco-britannique, ont pris leur forme définitive. Le prototype 001, celui de Toulouse, doit toujours voler fin février 1968, et quittera donc son hangar pour les premiers essais roulement vers la fin de l’année.

Ci-dessus – A Melun-Villaroche, essais à l’air libre, de nuit, par la SNECMA, d’un réacteur Olympus 593 avec le dispositif de réchauffe allumé.

Les essais des divers systèmes s’effectueront avec un premier jeu de réacteurs Olympus en cours de livraison par Bristol-Siddeley-SNECMA, les réacteurs de vol étant en temps utile pour le premier col. Et selon les constructeurs de l’appareil, Sud Aviation et la British Aircraft Corporation, la préparation des deux prototypes se poursuit conformément au programme établi.
En fait, avant que ne sorte de chaine, en 1970, les trois premiers avions de série, six appareils auront été construits :
– les deux prototypes 001 et 002, qui voleront en 1968
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– les deux avions de présérie, qui voleront fin 1969.
– les deux cellules pour essais statiques et pour essais de fatigue

Entre février 1968 et le début de 1971, cinq milles heures de vol effectuées avec les deux prototypes, les deux avions de présérie, et les deux avions tête de série, auront été consacrées à la mise au point de l’appareil, à son homologation, et aux essais d’endurance. Ces essais auront été complétés par des essais partiels effectués sur des éléments de structure à un environnement sévère, et par des essais de tous les principaux systèmes, grâce à des bancs créés spécialement à cet effet (banc d’essai des commandes de vol à Toulouse, banc d’essai des circuits carburant à Filton, etc). En outre, le simulateur de Toulouse, maintenant opérationnel, aura permis une étude complète de tous les cas de vol possibles.


Vue en plan de l’aménagement type de la partie habitable du fuselage (avion de présérie) ; a) comportement électronique ; b) toilettes avant ; c) équipements de secours ; d) office ; e) vestiaire ; f-g) cabine passagers proprement dite ; h) toilettes ; k) équipement de secours ; l) second office ; n-m ) toilettes arrière ; o-p) compartiments à bagages à main ; r) cloison arrière ; s-u) portes pour passagers ; t-v) portes de service ;x) issues de secours. – Programme de sotie des appareils (d’après Docaero).

En principe, à des détails près, l’avion de série sera identique à l’avion de présérie, qui lui, par contre, diffère notablement de l’avion prototype. Rappelons en effet que Concorde est passé par trois stades de définition :
– une définition d’origine, avec quatre réacteurs de 13.150 kg de poussée et une charge marchande de 9 tonnes (100 passagers) sur Paris ou Londres-New York.
– une nouvelle définition, acquise début 1965 après un an d’étude, et qui correspond aux prototypes actuels. La surface alaire est accrue de 15,5% les dimensions, de 75% le poids passe de 118 à 148 tonnes, la capacité de carburant de 62,5 à 79 tonnes et le nombre de passagers de 100 à 118 (charge marchande de 11,8 tonnes). Les marges de réserve sont calculées plus largement. Cette nouvelle définition entraine une amélioration considérable de l’avion :
– une définition de présérie, résultant des progrès réalisés en 1965 dans l’étude de l’appareil. Les dimensions extérieures de l’avion changent peu, mais le fuselage est quand même légèrement allongé, tandis que la cloison arrière de la cabine est reculée ; la cabine s’allonge alors de 5,9 mètres, et le nombre des sièges est porté de 118 à 136. La charge marchande atteint alors 12,7 tonnes, la capacité en carburant s’élève à 8,4 tonnes, et le poids total passe à 159 tonnes.
Parallèlement, les moteurs ont dû s’adapter, et leur poussée est passée à 15,9 tonnes sans surchauffe (stade 1). Pareille évolution est courante sur tous les avions de transport. Mais elle se produit en général après la sortie des prototypes. Dans le cas de Concorde, fait unique dans les annales de l’aviation civile, elle a lieu avant même le vol des prototypes. Mais on estime maintenant à Sud Aviation qu’il faudra vendre le maximum d’avions avant de songer à modifier Concorde à nouveau.

Ci-dessus – Première sortie de la maquette grandeur nature de Concorde à Dugny, le 22 mai

Le SST Boeing ; en service dans sept ans.

Une maquette de grande dimension du SST Boeing ; l’avion de transport Mach 3 auquel le Président Johnson a récemment donné le feu vert, est exposée au pavillon américain (Salon du Bourget). Deux prototypes, comme pour » Concorde”, seront réalisés d’ici à 1970 et voleront à la fin de 1970 ; l’appareil n° 1 sortira en effet d’atelier le 30 septembre 1970 et volera le 31 décembre de la même année ; l’avion n° 2 suivra avec un décalage de trois mois. La mise en service est toujours prévue, en principe, pour la fin de 1974, et 1975 verra donc le premier avion commercial à géométrie variable traverser régulièrement l’Atlantique, à quelques 2900 km/h de vitesse de croisière.
Pour l’avionneur, comme pour le motoriste comme pour le motoriste (General Electric), le SST Boeing, matérialise un pari audacieux celui de pouvoir faire voler dans moins de quatre ans une machine nouvelle sous biens des aspects. Les problèmes posés sont en effet énormes, ne serait-ce que la part la nécessité de réaliser une structure capable, en certains points, de supporter une température de 300°C.

Ci-dessus : Le réacteur GE-4 de General Electrique. Long de 7,5 mètres, il a un diamètre extérieur de 1,8 mètre et doit fournir une poussée de 28,7 tonnes. Le moteur montré ici est un réacteur utilisé pour la phase II C des essais.

Un très large appel est donc fait au titane, sous forme d’un alliage 6 A 14 V) contenant 6% d’aluminium et 4% de vanadium. Mais le titane, malgré d’incessants progrès, fait cependant appel à une métallurgie nouvelle et délicate. Aussi ne faut-il pas s’étonner si Boeing a dû édifier à Seattle, jouxtant le futur hall d’assemblage des SST, une usine spécialisée dans le traitement du titane ; cette usine, longue de 147 mètres, large de 55 mètres et haute de 30 mètres, est dotée d’installation de formage à chaud ultra-modernes, travaillant parfois à des températures supérieures 800°C, mais qui sera capable de fournir des pièces en titane de 21 mètres de longueur.
Intérêt de la géométrie variable. L’intérêt essentiel de la géométrie variable réside dans l’optimisation aérodynamique qui ensuite à chaque instant du vol de l’avion. Cet avantage se répercute lors de certaines phases de vol (montée subsonique et atterrissage, par exemple), par la possibilité de voler avec une poussée faible, donc avec un niveau sonore abaissé. De même le vol subsonique rapide, s’il est indispensable lors du survol de zones habitées, sera plus économique. Cependant, le gain en carburant est compensé par un alourdissement de la structure et finalement le SST Boeing ne disposera pas d’un rayon d’action (à réserves égales) supérieur à celui de ”Concorde.

Ci-dessus : Détail du système chargé de faire varier la flèche de l’aile. Le caisson central de la voilure, pièce maitresse de l’appareil, supporte également une partie du train d’atterrissage principal et lui sert de logement.

Parmi les nombreux perfectionnements dont bénéficiera l’appareil, citons encore le nez basculant à double articulation : la pointe avant restera ainsi parallèle à elle-même et, à chaque instant le radar et les prises d’air de la centrale anémométrique resteront correctement orientés. On note également l’utilisation d’un train multi-roues (16 pour le train principal, 2 pour le train avant) répartissant le poids de l’avion sur une très grande surface : les pistes d’envol auront ainsi à supporter une charge locale inférieure à celle que peut subir une piste sur laquelle se pose un quadriréacteur classique.
Au début de ce mois, Boeing avait enregistré 112 intentions de commande pour son avion de transport supersonique, ainsi réparties parmi 25 compagnies :
-Trans World, 10 appareils ; Pan American, 15 ; Alitalia, 6 ; American, 6 ; El Al, 2 ; BOAC, 6 ; Northwest, 4 ; Japan Airlines, 5 ; Quantas, 6 ; Air France, 6 ; Air India, 3 ; Braniff, 2 ; Delta, 3 ; TransAmerican, 2 ; Canadian Pacific, 3 ; Irish, 2 ; Lufthansa, 3 ; Iberia, 3 ; KLM, 3 ; Pakistan Airlines, 2 ; Eastern, 2 ; Word, 3 ; United, 6 ; Continental, 3 ; Air Canada, 6.

Performances annoncées.

Terminons sur les caractéristiques et performances annoncées par le constructeur :
Longueur totale : 92 mètres ; Envergure : 55 mètres (flèche de 20°), 58 mètres (flèche de 90°) et 32 mètres (flèche de 71°) ; Hauteur : 14 mètres ; Surface alaire : 836 m2 ; Poids total maximum : 302 tonnes ; Charge payante maximum : 30,7 tonnes ; Distance franchissable avec 313 passagers : 6400 kilomètres ; Vitesse de croisière calculée : 2,7 ou 2900 km/h ; Altitude de vol : 19.000 mètres ; Vitesse d’approche avec 20° de flèche : 235 km/h ; Nombre de passagers : 250 à 350.