Les essais au sol des prototypes
Les deux prototypes Concorde, 001 à Sud Aviation Toulouse, et le 002 à la British Aircraft Corporation, Bristol, en son maintenant au stage des essais au sol et de la mise au point les préparant à leur premier vol. Les essais de roulage du premier prototype sont décrits à la page 2 de ce numéro, et le second prototype est récemment sorti de son hangar pour commencer les essais de point fixe.
Les essais de roulage du prototype 001 commencent
Les moteurs de vol ont été livrés et montés sur le prototype 001 au cours du mois de juillet, et une première série d’essais de point fixe a eu lieu du 2 au 5 août.
Un contrôle des quatre moteurs jusqu’au plein de gaz a été effectué avec et sans réchauffe. Ces essais qui se sont déroulés de façon satisfaisante ont permis une vérification générale de fonctionnement des réacteurs. Les essais de roulage ont eu lieu à Toulouse du 20 au 28 août.
Dix-huit essais ont été effectués, dont neuf à 120 noeuds, soit 220 km/h. Ils ont débuté le 20 août par un passage à basse vitesse sur la nouvelle piste de Blagnac, longue de 3500 mètres, pour atteindre la vitesse de 60 km/h, suivi d’un second passage à 100 km/h.*
Les moyens de freinage
Conduit à des vitesses croissantes, ces essais ont comporté des expériences diverses sur les moyens de freinage, freins sur roues, parachute de queue, inverseurs de poussée, ainsi que des vérifications de tenue, sur sol sec et mouillé.
Ces essais sont fourni de très utiles renseignements pour la mise au point de l’appareil. Ils ont montré une bonne tenue au sol, même en cas de freinage sévère ou de configuration dissymétrique, et une manoeuvrabilité satisfaisante qui permet de bien augurer de l’inversion de l’avion dans les zones encombrées des grands aéroports modernes.
Des présentations de l’avion dans le filet de la barrière d’arrêt ont été également exécutées.
Pour ces essais préliminaires, l’appareil transportait 21 tonnes de carburant et son poids total atteignait 110 tonnes.
Les pilotes
Aux commandes se trouvait M. André Turcat, Director des Essais en Vol de Sud Aviation ainsi qu’un équipage de trois personnes. Pendant les premiers roulages, M. Brain Trubshaw, Chef des Essais en Vol de la BAC, se trouvait également à bord à titre d’observateur, et toute cette phase d’expérimentation, s’est, comme prévu, déroulée en complète coopération entre les représentants des industries françaises et britanniques ; équipages, techniciens de BAC et de SUD, spécialistes des réacteurs, équipements, atterrisseurs et freins.
A la suite de ces essais, l’avion est rentré en atelier pour subir nombre de travaux prévus au programme, préalablement aux essais en vol.
Programmes d’essais en vol des prototypes
Le programme d’essais en vol des prototypes 001 et 002 de Concorde est maintenant défini dans ses nombreux détails, et les travaux préparatoires se poursuivent avant d’aborder cette étape essentielle de la mise au point de l’appareil.
Les deux prototypes sont pratiquement identiques, et sont équipés des mêmes installations d’essais, à l’exception des appareillages d’essais de vibrations. Ceux-ci n’existent que sur le premier prototype, la structure du second avion étant toutefois aménagée en prévision de leur montage.
D’une façon générale, le partage des taches affectées à chacun des deux prototypes est conforme à celui des responsabilités qui incombent à Sud Aviation et à la British Aircraft Corporation, pour la réalisation de l’avion et de ses systèmes.
C’est ainsi que par exemple, le 001, équipé pour les essais de vibrations, sera chargé de l’exploration du domaine de vol. La plupart des essais de qualités de vol de l’avion, de même que l’étude du pilote automatique et du système de navigation seront également effectués sur le premier prototype.
De son côté, le second prototype sera affecté en priorité aux essais des groupes propulseurs, entrées d’air, silencieux, inverseurs de poussée, etc, aux essais des circuits électriques et du système d’alimentation de carburant, et à la mesure des performances.
Les essais des prototypes comprendront sept phases successives pour l’exploration complète du domaine de vol depuis les basses vitesses jusqu’à la croisière à Mach 2.
La phase préliminaire, ou phase ”Zéro », qui s’étend des premiers essais de réacteurs au point fixe, jusqu’au premier vol, sera consacrée à tous les essais de roulage destinés à couvrir toutes les manoeuvre au sol, depuis le départ de l’aire de stationnement jusqu’à la rotation avant décollage d’une part, et depuis la rotation qui suit l’impact jusqu’au retour à l’aire de stationnement d’autre part.
Au cours de ces essais, on procèdera à des mesures d’accélération et de décélération, et la manoeuvrabilité de l’appareil sera vérifiée sur les pistes d’accès et de dégagement que sur la piste d’envol. Des essais préliminaires concernant les réacteurs et les divers systèmes seront également effectués.
Le premier vol
Le premier vol du prototype 001 s’effectuera en configuration fixe, à une vitesse de 250 noeuds, et jusqu’à une altitude de 15.000 pieds. Pendant cette courte sortie, on procèdera en altitude à l’exploration qualitative des comportements de l’appareil en configuration d’approche, avant d’effectuer la manoeuvre réelle d’atterrissage.
Les vols suivants comporteront des manoeuvres du train, du nez basculant et des aérofreins. De légères variations de centrage seront également expérimentées et la maniabilité sans autostabilisation des commandes sera contrôlée. Ce seront les essais habituels effectués parallèlement à des études sur simulateur pour l’optimisation des divers systèmes.
La seconde phase d’essais en vol débutera avec les premiers essais de vibrations jusqu’à la vitesse de Mach 0,93 selon une progression qui dépendra du nombre de modes structuraux à étudier en vol.
Au cours de la phase suivante, couvrant le domaine transsonique de Mach 0,93 à Mach 1,4, vitesse à laquelle la régulation des entrées d’air entre en action, l’étude des qualités de vol est importante en raison des variations de centrage qui interviennent alors.
Les limites du « couloir de centrage” devront alors être définies, tandis que l’on procèdera aux premières mesures de l’intensité du bang sonique, en se servant des circuits utilisés au cours des expérimentations effectuées sur Mirage IV.
Pendant La quatrième phase d’essais en vol, qui sera celle de l’extension du domaine de vol en régime supersonique jusqu’à Mach 2, le rôle du second prototype deviendra prédominant, avec l’importance donnée aux essais des groupes propulseurs et des systèmes ainsi qu’aux mesures de performances.
Les circuits
La cinquième phase se poursuivra jusqu’à la réalisation de vols en régime de croisière soutenue à Mach 2 pendant au moins trente minutes, et à l’obtention des premières évaluations de la consommation spécifique.
Au cours de la phase finale de mise au point des prototypes on procèdera à l’exploration des fortes incidences, et à la mesure des performances de décollage et d’atterrissage conformément aux règlements TSS.
Pour les diverses phases des essais en vol, on envisage d’utiliser deux circuits principaux, dont l’un survole l’Atlantique, et l’autre la Méditerranée, reliés par un couloir traversant le Sud de la France.
Plus tard, pour des missions plus longues, un itinéraire est prévu de l’Ile de Man à Dakar, au-dessus de l’Atlantique, avant de relier Londres ou Paris à New York.
Les pilotes d’essais de Concorde : André Turcat (Sud Aviation) au centre, et Brian Trubshaw (BAC) répondent aux questions des journalistes, juste après le premier essai de roulage du prototype 001
Les spécifications de base ont été distribuées
Au terme de nombreux mois de travail, les spécifications techniques définitives concernant la version de série de Concorde ont été adressées au début de l’été par Sud Aviation et la BAC aux 16 compagnies aériennes clientes.
Ce volumineux document, qui contient plusieurs centaines de planches, sous forme de graphiques, de diagrammes et de tables, constitue la troisième édition de ces spécifications, et fournit une mise à jour complète de la description de l’appareil et ses possibilités.
Les sous-comités
Les travaux de préparation de ce document ont débuté d’une façon suivie, il y a dix-huit mois environ. Depuis cette époque, les spécialistes des sous-comités du groupement formé entre les compagnies aériennes pour coopérer avec les constructeurs aux projets d’avions supersoniques ont tenu de très nombreuses réunions, en France, en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, pour étudier sous tous ses aspects la conception du TSS.
Les avis et recommandations de ces Comités ont conduit à apporter une quantité de modifications et d’améliorations à la définition de Concorde, en vue d’en faire un avion plus pratique et d’emploi opérationnel, plus aisé.
Un avantage particulièrement important de cette collaboration en profondeur des compagnies aériennes avec les constructeurs, résulte du nombre de cas où il a été possible de concilier dans une définition commune la diversité des demandes particulières des utilisateurs. De cette façon on a pu obtenir un degré de standardisation rarement atteint dans le passé pour les avions civils.
La lettre des constructeurs qui accompagne l’envoi des spécifications rend hommage aux compagnies pour leur coopération et constate qu’elle a apporté une contribution importante au développement de l’appareil.
A partir de ces spécifications prises comme base de leurs négociations futures avec les compagnies aériennes, les constructeurs espèrent pouvoir définir avec précision les modifications particulières qui seront demandées ultérieurement par les utilisateurs. Cependant, les réunions sur la standardisation avec les compagnies aériennes sont toujours en cours. Cela rendra possible la conclusion de contrats définitifs lorsque l’avancement du programme des essais en vol le permettra.
Les essais de Concorde en souffleries
Bien que la forme des prototypes Concorde soit maintenant définie, les études continuent afin d’améliorer les caractéristiques aérodynamiques des avions de présérie et de série.
Les essais effectués concernent principalement les bouts d’ailes, la pointe arrière et les nacelles. Plusieurs centaines d’heures d’essais ont été nécessaires pour obtenir le meilleur compromis.
Les souffleries
Les essais relevant des caractéristiques de structure ont été effectués dans les souffleries du CEAT et de l’ONERA (Modane) en France et du NLR en Hollande ; les souffleries britanniques de Filton, du RAE et du ARA (Bedford) ont été principalement utilisées pour les essais de développement des nacelles.
Une maquette double de nacelle à l’échelle 1/15ème a été essayée dans la soufflerie supersonique du RAE, la soufflerie du ARA et aussi dans la soufflerie S2 à Modane.
Cette dernière, est capable d’enregistrer sur bande environ 250 points toutes les 20 secondes, les résultats étant alors passés directement dans un ordinateur. Cette maquette construite à l’origine suivant la définition prototype est maintenant utilisée pour le développement de la nacelle présérie.
Maquette Concorde à l’échelle 1/18ème utilisée pour des essais d’étude aérodynamique dans la soufflerie basse vitesse du CEAT.
Une maquette simple d’entrée d’air à l’échelle 1/13ème montée sur dard est soumise à des essais dans les souffleries transsonique et supersonique du ARA. Des essais en soufflerie du fonctionnement en vol des inverseurs de poussée et certaines études de flutter de la pointe arrière ont aussi été effectués au ARA.
Durant l’évaluation des caractéristiques aérodynamiques, les essais en soufflerie ont permis de calculer les charges globales, les moments de charnière et le rendement des gouvernes.
L’équipement du poste pilotage du prototype 002 dans un stade avancé de son installation dans les ateliers de la BAC à Filton.