ECHOS Sud-Aviation – Janvier 1968

Avant même l’évènement qu’a constitué la sortie d’Usine de Concorde, le 11 décembre 1967, nos Usines de Toulouse ont reçu la visite de nombreuses personnalités parmi lesquelles on peut noter :
– le 13 novembre, M. Wayne Thomis reporter du ”Chicago Daly Tribune ». Ce journaliste devait se déclarer très impressionné par les moyens mis en oeuvre par Sud Aviation et en particulier par le Centre de Contrôle Automatiques des équipements (ATEC) à St Martin.
– le 15 novembre, douze journalistes spécialisés allemands, membres du ”Luftfarht Presse Club” ont visité nos établissements. Un commentaire en direct depuis le hangar du prototype 001 devait être diffusé à cette occasion à la Radio Ouest-Allemande.
– à la même époque, vingt-cinq étudiants allemands de l’Institut Technique Aéronautique de l’Université de Berlin ont effectué un voyage d’études qui devait les conduire de Marignane à Mérignac en passant par Toulouse.
– le 16 novembre, des personnalités québécoises, MM. B. Coupal (Université de Sherbrooke), J. G. Paquin, L. Cloutier, G. L. Matte, ont visité nos Etablissements. Nos hôtes ont été très intéressés par l’usinage des pièces du prototype 001 de Concorde.
– le 21 novembre l’Association des Femmes Pilotes de l’Aéro-Club de France.
– le 29 novembre, M. Numa Sanchez, Directeur de l’Aéronautique Civile en Argentine et trois autres personnalités.

M. André Turcat, Directeur des Essais en Vol de Sud Aviation, vient d’effectuer un court séjour au Brésil, sur l’invitation de l’Association des Pilotes de la compagnie VARIG.
Accueilli à son arrivée à Rio de Janeiro par M. Jean-Yves Richard, notre délégué pour l’Amérique du Sud, M. Turcat a exprimé sa satisfaction de connaître ce grand pays que Concorde reliera à l’Europe en 6 heures de vol en dès 1972. Après avoir prononcé une conférence très apprécié sur le thème ”Le Pilote et Concorde », devant un auditoire rassemblant l’élite des pilotes de ligne brésiliens, notre Directeur a présidé une sympathique réception organisée en son honneur par le Touring Club do Brasil.
Avant de rejoindre la France pour se consacrer au programme des essais en vol du prototype 001, M. Turcat a visité la cité historique du Salvador, ancienne capitale du Brésil, où l’avait convié la Direction de la Compagnie Cruzeiro Do Sul à bord d’une de ses Caravelle.
Un groupe de personnalités du monde médical conduit par les médecins chefs d’Air France et de BOAC Docteurs La Fontaine et Preston, s’est rendu à Toulouse le 20 novembre pour y examiner l’aspect médical et psychologique des futures charges de travail des équipages de Concorde.
M. Jacques Petit, Président de la Sous-Commission du Personnel Navigant de la CPTS (Commission Permanente de Transport Supersonique), accompagné de pilotes dont M. Lionel Casse et Maurice Bernard, a visité le 8 décembre les installations Concorde à Toulouse. Nos hôtes ont été accueillis à Saint-Martin par M. Turcat qui s’est entretenu avec eux des problèmes cohérents au pilotage de l’avion de Transport Supersonique.

Le 11 décembre a eu lieu la cérémonie officielle de sortie d’Usine de Concorde. On trouvera dans le supplément Concorde, le détail de cette manifestation.
Bien que l’intérêt se soit porté à cette occasion principalement sur le prototype 001, l’enchaînement des fabrications s’effectue suivant le programme.


C’est ainsi que le tronçon 15 en provenance de Bouguenais et destiné à l’avion d’essais statiques est arrivé à Toulouse le 1er décembre et a été mis en place aussitôt sur le bâti de jonctionnement.

Supplément : Courrier Concorde n° 1

Le 11 décembre 1967, Concorde fait sa première apparition publique à Toulouse.

Cette présentation a marqué la sortie officielle d’Usine du prototype 001 de l’avion supersonique franco-britannique devant plus d’un millier de personnes (dont quelque trois cent journalistes) conviés par les Présidents des Sociétés Sud Aviation, British Aircraft Corporation, Bristol Siddeley Engines Limited et SNECMA à assister à cet évènement.
La cérémonie était présidée par les Ministres des pays constructeurs : du côté français, M. Jean Chamant Ministre des Transports ; du côté britannique, M. Antony Wedgwood Benn, Ministre de la Technologie et le Secrétaire d’Etat chargé de l’Aviation, M. John Stonehouse.
Elle s’est déroulée par un froid vif devant le grand hangar des Essais en Vol de St Martin du Touch et elle a laissé une forte impression aux témoins de cette première historique, comme devait le dire notre Président M. Maurice Papon
Devant les multiples caméras des télévisions et des actualités internationales, dans les flashes des photographes, lorsqu’à 14h15 bascula la gigantesque porte du hangar, Concorde apparut au public dans un décor aux couleurs franco-britanniques mettant en valeur la pureté de ses lignes.

Les Présidents des Sociétés Sud Aviation et BAC, M. Maurice Papon et Sir Georges Edwards, et les deux Ministres MM. Chamant et Wedgwood Benn prononcèrent alors des allocutions qui soulignèrent le caractère important de cette journée, et rendirent hommage à tous les travailleurs qui, portés par une fois ardente, ont coopéré à cette oeuvre.
Ensuite, conduits par M. Louis Giusta, et le Docteur Russel, Co-Présidents du Comité Exécutif Concorde, les Ministres s’approchèrent de l’appareil et coupèrent les rubans tricolores, symbolisant ainsi l’inauguration du Concorde au son des hymnes nationaux britanniques et français, exécutés par des musiques militaires française et britannique. Puis ils saluèrent devant l’appareil les Commandants de bord et Hôtesses représentant les compagnies clientes et les délégations du personnel des Sociétés constructrices.
Enfin l’appareil fut tracté devant les tribunes et les pilotes désignés pour effectuer les premiers vols des deux prototypes, M. Turcat pour le 001 et M. Trubshaw pour le 002, en firent les honneurs aux Ministres et personnalités qui les accompagnaient.

Les pilotes et les hôtesses représentant les compagnies clientes
Des délégations du personnel après leur présentation aux Ministres
Sortie d’usine du Concorde 001

Les Pilotes (M. TURCAT à l’extrême gauche, M. TRUBSHAW à l’extrême droite) font les honneurs de l’appareil aux personnalités officielles.

Les essais réacteurs sur le prototype 001 vont bientôt commencer.

Le prototype 001 équipé de ses trains définitifs, et de ses premiers réacteurs de point fixe, a quitté le 11 décembre l’atelier prototype de Blagnac dans lequel se sont poursuivies depuis le mois d’août 1966, les opérations de montage général et d’équipement de l’avion.
Il a été transféré dans le hangar de Sud Aviation à Toulouse-St Martin, où se termineront les travaux d’équipement et d’aménagement tandis que débuteront les premiers essais de ventilation des réacteurs. Pour ces essais au point fixe, une station équipée de silencieux a été installée sur le terrain de Toulouse-Blagnac.
Par ailleurs, comme il est normal sur un prototype, la mise au point des équipements et des installations donne lieu à un certain nombre de modifications qui sont appliquées au fur et à mesure, afin de ne pas retarder la progression de l’ensemble des travaux.

Ces mises au point concernent notamment les pompes hydrauliques et les servocommandes de vol, l’installation des commandes auxiliaires, les vérins de commande du nez basculant, les postes de décharge à aubes fixes des entrées d’air, les trappes de saut, la liaison des deux gouvernails et le drainage du carburant. D’autre part, les travaux de construction des cellules d’essais statiques et e fatigue et des avions de présérie se poursuivent dans les diverses usines de Sud Aviation et de la BAC.

Améliorations apportées à l’avion de série.

Depuis plus d’un an, Sud Aviation et BAC ont lancé des études intensives pour établir les spécifications techniques définitives de la version standard de Concorde.
Les premiers documents concernant ces modifications ont été mis en circulation en novembre 1966 auprès des compagnies clientes qui ont constitué des équipes d’ingénieurs chargés d’examiner les différents aspects techniques de ces propositions.
Depuis avril 1967, ces équipes se sont concertées avec les techniciens de Sud Aviation et de BAC pour leur présenter leurs observations et leurs commentaires. Un grand nombre de suggestions détaillées concernant l’aménagement intérieur et les équipements ont êtes faites ; elles ont été collationnées par BAC et Sud Aviation, pour fournir les données des spécifications de base.
Une première édition de ces spécifications, assortie de leurs répercussions sur le poids et les performances a été remise aux compagnies aériennes pour un nouvel examen d’approbation qui sera suivi de l’édition définitive au début de l’année 1968. Le document provisoire actuellement entres les mains des compagnies aériennes comportent un certain nombre de modifications importantes résultant des discussions techniques qui ont eu lieu dans les premiers mois de 1967.

Le système électrique de l’avion a été amélioré par la substitution aux alternateurs de 40 KVA initialement prévus, d’alternateurs de 60 KVA, susceptibles d’être couplés tous les quatre en parallèle en vue d’obtenir le maximum de souplesse en utilisation. Mais la modification la plus importante concerne l’aménagement de la cabine.
Avec une nouvelle distribution des portes, elle permet d’accroître le volume disponible pour les bagages et le fret, conformément aux dernières exigences des compagnies et d’améliorer les facilités de commissariat. Les compagnies aériennes ont contribué à cette solution en suggérant que les portes affectées aux passagers et aux services s’ouvrent au-dessus des ailes.
Suivant le nouveau dessin le volume de la soute à bagages situé à l’arrière de la cabine, est augmenté de 5,7 m3 et la capacité du réservoir de combustible arrière s’accroît de 2270 kg (5000 Ibs). Dans la cabine on dispose de toute la largeur du fuselage pour l’installation d’un office correspondant au standard souhaité, et l’on conserve avec 132 sièges au lieu de 136, un nombre de places supérieur à celui que l’on aurait pu obtenir sans changer l’emplacement des portes. La suppression de ces quatre sièges est d’ailleurs largement compensée par l’accroissement du fret et de la poste, charges payantes de grand rapport.

 

Par ailleurs, les constructeurs des réacteurs, Bristol Siddeley Engines et SNECMA, se propose d’autoriser pour le réacteur Olympus 593 un accroissement de poussée limité aux phases de décollage et de l’accélération transsonique.
Le développement normal du projet et les modifications demandées par les compagnies ont, évidemment, entraîné une augmentation du poids à vide. Mais le poids maximum de décollage a été porté à 166 tonnes au moins et le poids maximum d’atterrissage à 102 tonnes au moins.
Pour éviter que les charges supplémentaires imposées à la structure par l’accroissement des poids n’obligent à reconsidérer le chiffre de 45.000 heures qui a été comme objectif pour la durée de vie de l’appareil – soit 12 à 15 ans d’exploitation intensive – la température maximale garantie en croisière (TMO) a été abaissée de 26° K et fixée à 400° K.
Cette réduction de la température maximum de croisière implique en principe une légère diminution de la vitesse de croisière maximum qui en condition standard, est ramenée à Mach 2,05.
Mais dans la pratique cette limite ne sera pas toujours effective. Sur un grand nombre de routes aériennes mondiales, en effet, les températures à l’altitude de croisière sont plus basses que les températures standards. On peut donc estimer que sur 37% d’entre elles il n’y aura pas lieu de réduire la vitesse au-dessous de Mach 2,2 et que dans 60% des cas, il sera possible de conserver un nombre de Mach de 2,1.
D’autre part, sur les routes où la restriction devra jouer à plein, l’utilisation, en accélération transsonique, d’une poussée plus élevée viendra compenser en partie la diminution de la vitesse de croisière, de sorte qu’au total, l’augmentation des temps bloc sera peu sensible.

Entre Londres et New York par exemple, cette augmentation n’excèdera guère 5 minutes sur les 3h17 précédemment prévues.

Le programme des essais structuraux effectués dans les laboratoires du CEAT (Centre d’Essais Aéronautiques de Toulouse) et de Sud Aviation à Toulouse et à Courbevoie, continue à se développer suivant les prévisions.
Au CEAT, les essais qui se poursuivent dans les bâtiments de L’Hers, spécialement aménagés à cette occasion, concernent principalement les trois ensembles 2.3.2, 2,8b et 2.6/2.7 constitués par des tronçons structuraux importants de la partie de l’avion de responsabilité Sud Aviation.
Depuis le mois de mai, l’ensemble 2.3.2, constitué par un tronçon intermédiaire de fuselage assemblé avec les onglets avant de la voilure a pris place sur son bâti d’essais.
Les travaux d’installation se sont terminés le 24 juin 1967. Les premières mesures extensométriques ayant pour but de déterminer les contraintes dues à l’application des charges mécaniques unitaires ont été effectuées ; elles ont été suivies d’une série d’essais statiques à froid, avec mise en pression du fuselage et des réservoirs. Une tranche de 15.000 cycles d’essais de fatigue à froid (pressurisation cabine et réservoirs, charges sur voilure) est en cours.

Le programme comporte ensuite l’installation au début de 1968, d’un four qui permettra, après l’exécution des essais statiques à chaud, d’aborder la phase finale des essais de fatigue à chaud, dont la durée prévue est d’au moins deux ans, à raison de 1000 cycles thermiques par mois.
Pour les essais de l’ensemble 2.8b, constitué par un tronçon de fuselage voilure dans la zone du train principal, le montage des éléments des fours est terminé depuis le 15 juin.
Après réglage des fours, les premiers essais thermiques ont débuté en juillet, et les mesures d’efforts unitaires et d’efforts limites à chaud ont été réalisées en août et septembre.
Jusqu’à fin janvier 1968, le programme comporte encore des essais à chaud correspondant à d’autres variantes de cycles thermiques, et à différentes configurations de remplissage des réservoirs. Il se poursuivra par des essais à froid (Photostress) et une étude importante de Fail-Safe.
L’ensemble 2.6/2.7 est un tronçon de fuselage et de voilure situé à l’arrière du précédent. Le programme d’essais de cet ensemble se décompose en 3 parties dont les deux premières sont maintenant terminées.
La première partie concernait les mesures extensométriques, en pression et avec application des charges mécaniques, et des essais thermiques. La seconde partie préliminaire aux essais de fatigue avait pour but de réaliser le cycle des conditions de charge, de pression de température et de remplissage des réservoirs conformément au vol type.

La définition et la mise au point de ce cycle étant acquise, la troisième partie du programme relative aux essais de fatigue thermique proprement dits a débuté le 1er septembre 1967 et plus de 1500 cycles ont été appliqués au cours de ce mois. La durée de ces essais de fatigue mécaniques et thermiques est évaluée à cinq ans.
Le programme des essais structuraux, mécaniques et thermiques se poursuit également sur de nombreux éléments partiels, longerons et nervures, panneaux de fuselage, panneaux de réservoirs, élevons, becs d’attaque de voilure essayés en statique et en fatigue dans les laboratoires du CEAT et de Sud Aviation.
Certains de ces essais sont maintenant terminés ainsi que de nombreux essais de fatigue acoustique effectués à la sirène sur les éléments exposés au flux de sortie des réacteurs. Pour le conditionnement d’air, le montage et la mise au point des installations d’essais d’un ensemble complet de génération pratiquement terminés fin septembre et les essais de performances d’un groupe sont actuellement en cours. Par ailleurs les essais de régulation de pression cabine sont achevés.
Le simulateur de vol est de nouveau opérationnel après avoir subi quelques modifications dont les principales sont : l’extension de la mémoire du calculateur numérique, la mise au standard prototype du cockpit qui comporte maintenant les instruments réels, la mise en service d’une armoire nouvelle de liaison permettant de travailler soit avec des équipements simulés soit avec des équipements réels dont certains sont montés sur le banc hydraulique ou sur une table trois axes.