Article de Jean Charles CHAKI
Le vol à Mach 3 est certainement l’un des domaines les plus de l’aviation moderne. A ce jour, seule une poignée de pilotes, ceux qui ont pris les commandes du XB-70 et des très secrets A-11-SR71, connaissent les phénomènes nouveaux rencontrés à 2800 km/h. Seuls les pilotes du B-70 peuvent en parler publiquement. Le rédacteur en chef de la revue américaine ”Airline Management and Marketing », M. Richard Slawsky, a eu l’excellente idée de les interroger. Il a questionné trois experts : MM. Van A. Shepard, pilote d’essai de North American, Flishugh L. Fulton, pilote de la NASA chargé du XB-70, le colonel J.F. Cotton, de l’USAF, Directeur des essais et chef pilote pour le XB-70, et Al White, Directeur de la recherche et mise au point en vol de la TWA. C’est dans une traduction de René Lami, commandant de bord à Air France, que nous publions des extraits de cette étude qui n’est pas limitative.
VAN – Messieurs, quelle impression ressent-on à Mach 3 ?
COTTON – Je pourrais comparer cela à la sensation que l’on a lorsqu’on conduit un autobus à plus de 300 km/h sur la piste d’Indianapolis. Quand vous rencontrez de la turbulence, c’est comme si vous conduisez cet autobus à plus de 300 à l’heure sur un mauvais chemin de campagne.
FULTON – C’est intéressant. Je n’en ai pas fait autant que le colonel Cotton, mais j’ai participé à un certain nombre de vols jusqu’à Mach 2,8 et 2,9. Actuellement, j’ai volé une fois à Mach 3, et l’avion s’est extrêmement bien comporté. Je dirais que c’était un vol ordinaire. Il se peut que pour certaines personnes cela n’en était pas un, mais pour nous c’était de la routine, en ce sens que tout s’est déroulé comme prévu.
VAN – Quelles ont été vos réactions la première fois ou vous avez volé à Mach 3 ?
SHEPARD – A peu près les mêmes qu’à mon premier vol supersonique et qu’à la première fois à Mach 2. On se sent excité la première fois qu’on le fait dans un avion d’essai, et il y a décharge d’adrénaline.
Dans notre genre de travail, nous avons des tas de choses à faire dans un court laps de temps et on ne saisit pas complètement toutes les conséquences d’être parvenu à Mach 3 ou Mach 2 pour la première fois. La fois suivante où vous y allez, vous en savez un peu plus et vous êtes un peu plus détendu. La chose que j’aime, à Mach 3, c’est qu’une fois que j’ai établi l’avion à un cap, il tend à voler tout droit. Vous avez à travailler dur pour maintenir une altitude précise en comparaison du vol à plus basses vitesses.
VAN – Y a-t-il une différence marquée pour contrôler l’avion quand vous atteignez ces vitesses ?
FULTON – Je ne dirais pas que c’est une différence notoire, mais la charge de travail s’accroît incontestablement, en particulier dans le domaine du maintien d’altitude dont Van a parlé. Nous n’avons pas de pilote automatique sur le XB-70, il est piloté à la main, de sorte que le pilote est assez occupé pour maintenir l’avion à l’altitude voulue. Vous n’aimez pas vous en écarter longtemps, vous cherchez à la maintenir à moins d’une centaine de pieds. Cela demande parfois un effort considérable.
Une partie de ce problème, dans le XB-70, est dû au fait qu’on n’a pas un horizon artificiel aussi sensible qu’on le voudrait. La dernière fois que j’ai piloté le XB-70, nous avions une échelle dilatée et un horizon plus sensible. Rien que cet instrument a rendu le travail un peu plus facile. Auparavant, on ne pouvait pas voir de petits changements d’altitude. C’est pourquoi on déviait sans s’en rendre compte.
VAN – Quels sont les phénomènes se produisant à Mach 3 qui vous causent des problèmes ?
FULTON – Nous avons eu des problèmes avec les indications de cap dans le XB-70. L’avion ne veut pas changer de direction une fois qu’il est établi à un cap donné à grande vitesse. Cependant, nos indications de compas, avaient tendance à dériver après les virages. Quand bien même l’avion n’avait pas changé de cap, les indications vous montaient qu’il y avait eu un changement, et le pilote avait tendance à essayer de suivre ces indications d’un compas qui dérivait. Récemment nous en sommes venus à une utilisation du compas dite ”position de grand cercle » plutôt que d’utiliser le cap magnétique. Ceci ne dérive pas comme le cap magnétique et sur quelques vols récents nous avons eu beaucoup plus de succès dans notre aptitude à tenir le cap.
VAN – Quelles sont les caractéristiques de pilotage avec un avion de cette taille à longue aile delta effilée. Ont-elles des différences marquées avec celles d’un avion subsonique de type 707 ou DC-8 ?
COTTON – Oui, cet avion est différent. Vous êtes assis tout à fait à l’avant et il semble parfois que vous n’êtes pas bien sûr de ce qui se passe derrière. Il est probable que la chose qui nous donne ce sentiment est la valeur de l’influence qu’ont les ailerons sur l’avion en direction. Le lacet induit est une chose à laquelle il est vachement difficile de se faire et des dérapages de plus ou moins 2 degrés en faisant une procédure demande pas mal d’attention. Ainsi, je pense que c’est différent.
VAN – Qu’avez-vous à faire pour surpasser le lacet dû aux ailerons ? Ceci présente-t-il quelques problèmes particuliers pour contrôler l’avion ?
COTTON – Non, ce n’est pas un problème. C’est une éducation. Si vous voyez votre aiguille de lacet dévier d’environ deux degrés et que vous voulez revenir à zéro, vous avez le choix de corriger soit aux ailerons, soit à la direction.
FULTON – Les ailerons sont très sensibles, comme gouvernes de direction, de sorte que si le pilote ne se surveille pas, il peut sur-contrôler les ailerons et en réalité provoquer plus de lacet qu’il ne veut précisément en actionnant les ailerons. Une des bonnes choses de cet avion, est qu’il a une très bonne stabilité en direction si le pilote n’intervient pas. Vous pouvez débrancher le système d’augmentation de stabilité et laisser faire l’avion. Il amortira réellement bien. Nous avons fait ceci à Mach 2,8 et légèrement au-dessus. J’ai piloté le XB-70 à Mach 2,5 et 2,6 pendant très longtemps sans le dispositif d’augmentation de stabilité, volant pendant dix minutes ou quelque chose comme ça, juste pour voir, et j’ai été très impressionné par cette particularité de l’avion.
Mais encore une fois, si vous mettez trop d’aileron et trop rapidement, vous allez créer un lacet indésirable. Nous tous avons appris qu’il faut lâcher les commandes ou bien agir sur le palonnier pour stopper l’oscillation. Elle s’amortit d’elle-même si vous laissez faire
VAN – Comment cela se passe-t-il quand vous manoeuvrer l’avion à grande vitesse ? Y a-t-il des caractéristiques inhabituelles en faisant un virage à ces vitesses ?
SHEPARD – Non, cela prend seulement plus de temps pour virer et, naturellement, à Mach 3, cela signifie trois fois la distance à laquelle vous êtes habitué. Le rayon de virage est beaucoup plus grand.
VAN – Quel est le rayon de de virage à Mach 3 ?
SHEPARD – Cela dépend de l’inclinaison. Généralement, à Mach 3, nous n’aimons pas dépasser vingt degrés, et avec cela, le rayon est près de 150 milles (240 kilomètres).
VAN – Pourquoi n’aimiez-vous pas dépasser 20 degrés d’inclinaison ?
SHEPARD – La raison principale est la traînée. Et c’est aussi une question de caractéristique de pilotage. Il y a une grande différence dans les inerties dans ce type d’avion. Le XB-70 est très sensible autour de l’axe de roulis et très paresseux sur les axes de tangage et de lacet. C’est comme un B-52 ou un gros subsonique sur les axes de tangage et de lacet, mais sur l’axe de roulis c’est comme un chasseur. Vous vous apercevez vous-même qu’il faut utiliser beaucoup plus de pied. Quand nous sommes passés sur jet, nous avons perdu l’habitude d’utiliser la direction et nous avons piloté aux ailerons. Maintenant, il nous faut revenir à la direction. J’ai trouvé moi-même qu’il fallait anticiper et qu’il y a besoin d’utiliser la direction pour contrer le lacet dû aux ailerons.
VAN – Est-ce difficile de maintenir l’avion en direction et en ligne de vol parce qu’il est aussi sensible en roulis ?
SHEPARD – Non. Plus la vitesse augmente, moins les gouvernes deviennent efficaces. A Mach 3, le lacet induit n’est plus un problème comme il l’est par exemple à Mach 2,4. Une fois l’avion établi au cap, ailes horizontales et en ligne de vol, il est relativement facile, excepté pour le maintien d’altitude.
VAN – Le bruit aérodynamique est-il un problème ?
FULTON – Il y a du bruit dans le XB-70 quand on lève on abaisse la visière. En position basse, il y a certaines conditions où il se crée une turbulence autour du pare-brise et on entend le bruit dans le cockpit, mais une fois la visière soulevée de quelques degrés le bruit cesse et redevient ce qu’il était à basse vitesse.
VAN – Colonel Cotton, vous avez mentionné avoir rencontré de la turbulence. A quelle altitude cela s’est-il produit ?
COTTON – Nous l’avons rencontrée à 60.000 et 70.000 FT. Cela a été une des grandes surprises, du moins en ce qui me concerne, une des grandes découvertes du XB-70. Trouver quelque chose que l’on n’attendait pas.
VAN – Est-ce comparable à la turbulence que nous rencontrons à 30 et 35.000 FT sur les vols commerciaux ?
COTTON – Oui. Intensité modérée dans le cockpit. Ceci me concerne. Je ne suis pas inquiet sur mon aptitude à lire intelligemment les instruments et à contrôler l’avion. Mais je suis devenu réellement inquiet de savoir si les tuyaux-hydrauliques, les pompes et tous les circuits de l’avion tiendraient ensemble. La durée en fatigue d’une pièce d’équipement est un souci pour moi. Je crains la perte d’un circuit primaire ou secondaire par suite des secousses de l’avion dans la turbulence. C’est cela ma préoccupation.
VAN – Nous avons discuté de quelques difficultés du vol à Mach 3 dans un grand avion. Que dire des avantages ?
COTTON – Nous sommes heureux et nous apprécions d’avoir une poussée au centre sur cet avion. Nous avons piloté le B-47, le C-135, le B-52 et le B-58, avec une distribution de poussée relative répartie sur l’envergure, et cela présente un problème dès que vous avez dépassé 100 noeuds et jusqu’à ce que vous soyez en l’air. Et cela en présente un à Mach 2. Dans le B-58, si un réacteur extérieur vous lâche à Mach 2, vous devez être réellement adroit. Nous pouvons avoir un moteur qui nous plaque dans le XB-70 et on peut presque dire que la seule façon de s’en apercevoir est l’allumage de la lampe.
VAN – Ainsi, vous avez le sentiment que le SST sera essentiellement un avion facile à piloter ?
COTTON – Je pense que l’avion doit être simple et facile à piloter, de sorte que ceux qui auront entre 50 et 60 ans, comme j’aurai à ce moment, pourront le piloter. C’est une nécessité.
Il doit avoir toutes les qualités qui pardonnent. Il doit être dessiné de sorte qu’on ait plaisir à y être, parce que c’est généralement pourquoi nous volons tous.
VAN – Et au sujet de l’atterrissage ? Est-ce une phase critique du pilotage d’un avion de cette taille ?
COTTON – Le décollage ? Votre mère peut le faire s’il vous arrive d’être trop occupé. C’est tellement plaisant et agréable tant que les moteurs tournent. En route et le reste ? Pas de problème.
Mais je serais très soucieux pour l’atterrissage. Je vais être franc avec vous. C’est ce qui me préoccupe le plus quand j’analyse l’ensemble. C’est avion à des caractéristiques d’atterrissage magnifiques, mais c’est l’endroit où je suis assis qui me préoccupe. Je suis à 33 mètres en avant de la roue et à 12 mètres de haut, et j’essaie de déterminer exactement quand ça va toucher le béton. C’est une estimation basée sur une certaine somme de bonne vieille expérience technique pour savoir quand les roues vont toucher le béton. Vous n’avez pas envie de le poser dans les premiers 300 mètres. J’ai l’impression que mon point d’impact est à peu près à 750 mètres après l’entrée de piste.
VAN – Quelles sont les caractéristiques d’atterrissage que vous rencontrez sur cette sorte d’avion ?
FULTON – Je pense que le XB-70 est difficile à comparer directement avec ce qu’on attend d’un SST. Notre but principal est d’obtenir des données de vol, de sorte que la phase d’atterrissage est essentiellement le retour de l’avion en sécurité à son point de départ.
Nous avons 4600 mètres de piste, de sorte que toutes nos approches sont assez plates, en conditions VFR. Nous arrivons à plat avec un terrain plat tout autour, avec une gentille petite pente. Très souvent, nous avons eu le pilote suiveur qui nous rappelait l’altitude du train principal, parce que nous n’étions pas fiers. Cela fait un bon atterrissage et ramène l’avion en meilleur état, de sorte que nous ne nous formalisons pas qu’il nous rappelle.
Maintenant, après avoir effectué plusieurs atterrissages dans un court laps de temps, nous n’avons plus nécessairement besoin que le pilote suiveur rappelle l’altitude.
VAN – Pensez-vous que les pistes inexistantes seront adaptées au SST ? Pourrez-vous faire les mêmes virages et manoeuvres qu’avec les avions normaux ?
FULTON – On peut certainement virer. Je pense que si vous êtes à une grande vitesse de croisière, il deviendrait déraisonnable que les gens vous demandent de faire un virage de 40 à 50 degrés quand vous êtes relativement près de la destination ou même en route.
J’espère que les problèmes d’adaptation du pilote de ligne à Mach 2,7 ne seront pas aussi importants que ceux des contrôleurs vers le Mach. Je me rappelle bien que nos deux années d’arrivée à Mach 2 sur les radars, et les problèmes de contrôle que cela a causé.
A Mach 2, vous ne pouvez pas attendre longtemps. Si je pilotais un SST, je parlerais à mon contrôleur d’atterrissage avant de mettre les moteurs en route et avant de quitter l’aérogare et de sortir. Je voudrais pouvoir m’asseoir dans le bureau météo et que quelqu’un me dise : « Joe, il y a un grand tunnel de turbulence de ciel clair, environ à 500 milles et qui t’obligera à prendre 10° à gauche après avoir passé Prestwick”. Et pour moi, avoir un détecteur de turbulence de ciel clair et savoir si ce sera un jour chaud ou standard, ou plus froid, sera le secret du succès pour déterminer si j’aurai une réserve d’attente de 10.000 ou 40.000 litres au-dessus de New York.
VAN – Quelle est la visibilité à partir du cockpit pendant le roulage ?
FULTON – Je n’ai pas à me plaindre de la visibilité pendant le roulage. On ne voit pas quelque chose très près ou juste en dessous, mais on peut tout voir à environ 30 mètres en avant.
COTTON – Un des membres d’équipage devrait avoir la possibilité de voir en arrière par un système de télévision et examiner la situation. J’ai réclamé désespérément une caméra TV sur le nez et sous le ventre du XB-70 de façon que nous puissions voir l’entrée d’air, le train, etc.
VAN – Pensez-vous que les opérations de nuit du SST présenteront un problème ?
FULTON – Je ne peux pas le dire réellement parce que nous ne l’avons pas fait. Mais je suis enclin à penser que, comme procédure habituelle, il faut se fier davantage à l’ILS et au GCA pour éviter les erreurs de jugement et descendre en approche finale. Mais dire que l’on ne peut pas descendre visuellement en approche finale serait, je crois, inexact
VAN – La visibilité en vol est-elle convenablement avec la visière levée ?
COTTON – Il me semble qu’il y a deux groupes de gens dans le monde : l’un qui dit que vous devez être capable de vous débrouiller sans visibilité vers l’avant, et l’autre, auquel j’appartiens, qui dit que c’est aussi nécessaire maintenant que cela l’a été pendant des années et des années en aviation.
Nous avons fait un changement dans la future disposition du XB-70, de façon à nous donner un pare-brise à position variable qui puisse monter ou descendre à la demande.
Je veux pouvoir regarder l’horizon du ”Bon Dieu » quand un de nos deux horizons est à deux degrés à droite et l’autre à trois degrés à gauche, et que je ne sais lequel croire. Aussi, je ne transige pas sur la question de visibilité.
VAN – Quels sont les autres points clefs sur lesquels il faut être attentifs ?
COTTON – Nous n’avons pas la possibilité de descente libre du train, nous n’avons pas un secours mécanique, nous n’avons pas de secours pneumatique, nous n’avons rien que l’hydraulique. Et nous avons eu des tas de problèmes. Ces problèmes ont été étudiés pour être sûrs qu’ils ne se produiraient pas sur le SST. Il y a eu des pannes vraiment importantes. Elles sont notre véritable contribution pour aider à construire un SST mieux que bon.
VAN – Quels sont les problèmes de base que vous avez rencontrés avec l’instrumentation en volant à près de Mach 3 ?
WHITE – La plupart des problèmes consistent à endiguer l’effet de vitesse à Mach 3. Dans le cockpit, on n’a pas réellement la sensation de vitesse, sauf que les procédures sont accélérées.
Par exemple, dans le plan de tangage, un degré de changement d’assiette conduit à un changement d’altitude de plus de 900 mètres à la minute à Mach 3. Quand on applique cela au plan horizontal, un degré d’écart vous dévie de la route à plus d’un kilomètre à la minute. Si le pilote se tient à un degré du cap, ou si les instruments ont une petite erreur, il quittera sa trajectoire plus rapidement qu’avec un avion ordinaire. Plus on va vite, plus cet effet empire. Vous remarquerez cela aussi si vous devez suivre toutes les procédures FAA que vous appliquez aujourd’hui. Vous vous apercevrez que vous passez la plus grande partie de votre temps à parler le long de votre route, parce que les points de report défilent si rapidement.
VAN – Vous avez mentionné l’horizon comme un instrument qui doit être raffiné et amélioré. Quels autres aussi sont importants ?WHITE – Nous avons découvert que des changements surviennent dans les altimètres, les anémomètres, les Machmètres et les variomètres pendant tous nos vols prétendus stabilisés à Mach 3.
VAN – Etait-ce dû à des changements de pression ?
WHITE – Sans avoir eu l’occasion de l’étudier, mon impression initiale était qu’une part de ces variations était causée par des changements atmosphériques. Il est certain que les changements de température sont aussi une cause. Et que d’autre part de ceci, également, pourrait être la friction instrumentale. Un petit changement
de température crée un changement de quelques centièmes dans le nombre de Mach. Cela vient progressivement jusqu’à ce que, finalement, on ait assez de différence de température et de pression pour provoquer un changement de l’ordre de quatre centièmes dans le nombre de Mach.
VAN – Comment l’instrumentation était-elle adaptée dans le XB-70 ?
WHITE – Les instruments qui étaient utilisés initialement dans le XB-70 n’étaient pas réellement conçus pour cette haute vitesse. Nous étions dans une situation différente. C’est dur à comparer parce que nous nous tenons ici dans une grande et grosse machine qui exige, réellement, trois personnes et trois paires d’yeux pour la mener efficacement ; avec seulement deux d’entre nous, nous étions pauvrement équipés au point de vue des instruments. Navigation, communication, présentation du tableau de bord, nous étions maigrement équipés, de sorte qu’il fallait travailler dur pour faire ce que nous devions. Mais c’est cela le vol de mise au point. Vous investissez pour obtenir des données et vous achetez seulement assez d’équipement pour rendre l’avion sûr à conduire.
VAN – Mais y a-t-il quelque besoin spécial pour l’instrumentation créé par le problème d’atterrir un avion aussi gros ?
WHITE – Je suis sûr qu’il y a une limite à partir de laquelle la réponse en tangage commence à se détériorer. Nous ne savons pas encore où elle est. Le SST Boeing va probablement nous donner une idée pour savoir si nous approchons la limite ou non. Je doute beaucoup, pour ma part, qu’on l’ait atteinte mais, évidemment, les avions finiront par être trop gros et deviendront difficiles à piloter. Je ne pense pas qu’il y aura un problème de ce côté. La réponse est un sens directionnel : la réponse en lacet est une chose quelque peu différente. L’oscillation en direction est très lente. La plupart des pilotes sont bien habitués à des périodes d’oscillation beaucoup plus rapides, et ils ressentent cela, bien plus que n’importe quelle autre chose, par le fond de leur pantalon. Mais quand c’est très lent et subtil, on ne ressent pas cela du tout à fait aussi aisément, et je pense qu’il nous faudra dans l’avion un instrument un peu plus important, comme indicateur de lacet ou de dérapage.
VAN – Ce même phénomène se produit-il à Mach 3 ?
WHITE – Un des trucs que nous avons dû apprendre sur le pilotage du XB-70, en considérant la très courte envergure et le très long fuselage, est que les réponses en roulis, comparées à celles en lacet en en tangage, sont, comme nous l’avons dit au début, incompatibles.
Si vous êtes en virage incliné et que vous redressez au taux normal d’un 707 ou n’important quel autre avion, les réponses sont à peu près les mêmes. Si le roulis vous crée du lacet ou du tangage, ils vont presque tous, arriver à la fois. Pendant que vous remettez en ligne de vol, le lacet va dégénérer et vous devrez le corriger. Dans le XB-70, vous redressez bien à plat, et rien ne survient au lacet, parce que cela vient lentement et parce que la période d’oscillation est aussi lente. Au début, vous ne remarquez rien. Alors, vous détournez les yeux et tournez la tête et ça y va comme si on revenait où l’on utilise les pédales.
VAN – A quel moment les transporteurs aériens devront-ils commencer à définir leur instrumentation et leur disposition de cockpit pour le SST ?
WHITE – Je ne peux réellement pas vous dire cela. Cela dépend du calendrier. Le simulateur du SST Boeing fonctionne aujourd’hui, et une des choses qu’ils vont faire, est de voir les genres de questions que vous avez posées. Ils ont un tas de réponses dans la tête. Je ne suis pas convaincu et je ne pense pas qu’ils soient arrivés, qu’ils aient trouvé la solution finale dès maintenant. Les constructeurs d’instruments ont aussi leur mot à dire pour aider à trouver les réponses.