Extraits de l’interview de M. Henri ZIEGLER, Président Directeur Général de Sud Aviation
Les premiers essais en vol de Concorde semblent extrêmement satisfaisants. Pouvez-vous schématiser la suite des évènements qui vont marquer maintenant la progression de cet appareil jusqu’à sa mise en opération commerciale ?
Comme vous le dites, la première partie des essais en vol de Concorde s’est déroulé dans des conditions exceptionnelles et très encourageantes. J’entends bien que jusqu’ici nous n’avons exploré que la partie ”basse vitesse » du domaine vol et atteint 0,85 Mach et 380 noeuds. Nous allons maintenant augmenter progressivement les vitesses.
Mais le domaine des mouvements au sol, du décollage, de l’atterrissage, des vols basse vitesse a été couvert. Les résultats sont très satisfaisants de l’avis général. Il en résulte une confiance accrue dans le programme, en particulier chez les compagnies aériennes. Je signale à ce sujet un rapport très élogieux de l’A.L.P.A publié aux Etats Unis après le Salon. Bien sûr, nous avons encore à mesurer ce qui ne peut être prévu ou calculé d’avance : il s’agit du rendement commercial aux grandes vitesses, jusqu’à un peu plus de Mach 2. Je n’ai pas besoin de vous rappeler à ce sujet que pour un appareil aussi nouveau et aux performances aussi élevées, la charge utile sur le parcours Atlantique, représente entre 5 et 6,9% seulement du poids total. Ainsi des erreurs mêmes minimes, sur des caractéristiques comme le poids de la structure, la traînée en supersonique ou le rendement du moteur, auraient une influence plus importante que sur un avion classique. Néanmoins, nous avons des raisons d’être confiants. Nous aurons vérifié d’ici le premier semestre 1970, que nous pouvons garantir aux compagnies exploitantes la charge utile 25000 livres sur le parcours Atlantique, qui est la clef du programme contractuel.
Si ces spécifications sont garanties ou améliorées, je ne doute pas d’un succès commercial considérable de la machine.
– A la suite d’un voyage d’information qui les a conduits au Salon du Bourget ainsi qu’à Filton et à Toulouse, les membres du Comité SST de l’A.L.P.A (Association des Pilotes de Ligne Américain) ont chargé Mr. Don Mac BAIN de faire un rapport.
Les visiteurs ont notamment souligné les excellents qualités de vol des prototypes en subsonique, le silence dans l’avion en vol, la sécurité apportée par la duplication des systèmes.
Ils font ressortir l’excellence des études de conception et des essais structuraux.
Il est intéressant de constater que leur estimation des marchés de Concorde est plus grande que celle envisagée par Sud Aviation et British Aircraft Corporation et qu’ils admettent un franc succès avec des tarifs majorés, faisant de Concorde l’avion de première classe sur les grandes relations internationales ou « coast to américaines”.
Les essais en vol continuent de se dérouler dans les meilleures conditions. Le 001 a effectué son 29ème vol le 10 juillet, atteignant Mach 0,9 et poursuivant l’élargissement méthodique du domaine de vol. Le 002 a repris ses vols après un chantier normal. Les deux appareils cumulaient à cette date près de 50 heures de vol.
Il faut noter le caractère d’ensemble extrêmement favorable de ce rapport rédigé par les professionnels américains hautement qualifiés et très indépendants. Les expressions d’enthousiasme ne font pas défaut, ce qui est d’autant plus frappant qu’en général les représentants de l’A.L.P.A ne ménagent pas leurs critiques.