A Toulouse-Blagnac, a régné toute cette semaine une activité fiévreuse au département des essais en vol de Sud Aviation : le prototype 001 de Concorde, l’avion de transport supersonique franco-britannique avait en effet achevé, à l’heure où nous écrivons ces lignes, les essais de roulement à grande vitesse. Ces essais ont été poussés aussi loin que cela pouvait être fait : c’est ainsi que le 21 février, l’appareil lancé à près de 300 km/h avait subi un freinage en configuration de détresse, c’est-à-dire sans le soutien de l’inverseur de poussée et du parachute de queue. Cet essai avait été réussi, mais, comme prévu, les disques des freins furent changés le samedi.
Dimanche matin, l’équipage de vol (André Turcat, Jacques Guignard, Henri Perrier, Michel Rétif) reprenait à nouveau les essais de l’avion avec un complet succès, roulant à une vitesse très proche du décollage et cabrant l’appareil à une dizaine de degrés.
Entre temps, Sud Aviation et la British Aircraft Corporation avaient publié le communiqué suivant :
Après la série de roulement à vitesse croissante qui vient d’être effectués dans des conditions satisfaisantes, le premier vol de l’avion supersonique Concorde peut avoir lieu à partir du 28 février 1969 sur l’aéroport de Toulouse-Blagnac, sous réserve bien entendu des conditions météorologiques.
Le bruit courait cependant que le premier vol pourrait avoir lieu avant cette date ; lorsque ce numéro d’Air & Cosmos sera publié, il y aura donc de très fortes chances pour que le premier vol ait effectivement eu lieu.
Bien entendu, un “Notam” a été notifié dès le 21 février aux compagnies aériennes afin qu’elles soient averties de la création d’une zone réservée au-dessus de la région de Toulouse. Le premier vol, rappelons-le sera assez court : il durera 35 à 45 minutes, et permettra au nouvel avion d’évoluer à une relativement faible (moins de 500 km/h), jusqu’à 3000 mètres d’altitude environ ; le nez restera baissé, le train d’atterrissage ne sera pas remonté. Plusieurs avions ou hélicoptères doivent suivre ce vol : un “Globe Meteor” et un “Paris MS”.
Quelques précisions maintenant sur les conditions aérodynamiques dans lesquelles l’appareil décolle et se pose. Le décollage doit s’effectuer à un 100 Cz d’environ 55 ; l’avion dispose alors d’une forte poussée, et toutes les conditions de marges de sécurité sont largement satisfaites. L’appareil décolle à une incidence d’environ 12° et bénéficie à ce moment là d’un important supplément de portance à deux effets : l’effet tourbillonnaire, propre à ce type de voilure, et l’effet de sol.
A l’approche, le 100 Cz prévu est de 65, et l’incidence de vol est d’environ 14°. Ces valeurs sont très éloignées des valeurs maximales calculées : 30°, le 100 Cz, atteindrait en effet 140. Cependant, étant donné les caractéristiques se fait au second régime mais un dispositif “automanette” le rend facile en stabilisant l’avion sur sa trajectoire.