Article de Jacques MORISSET

Concorde est terminé, il doit apprendre à voler. Sept prototypes, en plus de 4000 heures de vol, fixeront définitivement les 3000 paramètres dont dépendra la réussite du premier avion commercial supersonique.

Le premier vol de Concorde 001 c’est-à-dire du prototype assemblé à Toulouse chez Sud Aviation sera un évènement spectaculaire et chatouillant agréablement l’amour-propre national ; pour les Toulousains, pour le grand public, ce premier vol aura une signification évidente : le premier avion de transport supersonique à prendre l’air matérialisera en effet un énorme effort d’études, de recherches, et de construction, et le retard constaté sera vite oublié. Il n’y aura plus qu’à mettre au point le nouvel avion…..

On croit cependant encore assez volontiers que le premier vol d’un appareil est une opération osée, pleine de risques, et constitue donc le moment le plus critique de l’histoire d’un avion. Et si ça ne marchait pas ? si les ingénieurs s’étaient trompés ? S’il fallait agrandir les empennages, modifier l’aile, changer les moteurs ? Après tout, cela est déjà arrivé et la nouveauté du Concorde justifiant à priori ce genre de crainte, le premier vol est parfois attendu avec une impatience et une curiosité comparable à celles dont fait montre le public lorsque le dompteur pénètre dans la cage…
Rien n’est pourtant, en 1968, plus éloigné de la réalité. Le vol initial d’un avion, tout en étant un évènement important et spectaculaire est surtout un maillon d’une longue chaîne d’essais, commençant bien avant les essais en vol (parfois même avant que ne soit entamée la construction du prototype !) et ne s’achevant souvent que bien après la mise en service des premiers appareils. Concorde, précisément, constitue un exemple type de cette longue chaîne d’essais, et c’est à travers elle qu’il est possible de se faire une idée de ce que peut représenter la mise au point, en vol et au sol, d’un avion moderne. A travers elle aussi, apparait le rôle essentiel des ingénieurs-pilotes, des ingénieurs-navigants, des ingénieurs-mécaniciens qui ont pour charge cette mise au point. Enfin l’histoire des essais révèle les problèmes auxquels ont été confrontés les ingénieurs d’études, tant chez l’avionneur que chez le motoriste.

A partir de réalisations antérieures.

Lorsqu’il entreprend le dessin d’un nouvel avion, le bureau d’études ne peut concevoir l’appareil qu’à travers sa propre expérience, elle-même basée sur des réalisations antérieures et, bien entendu, sur les progrès connus les plus récents en matière d’aérodynamique, de matériaux, de propulsion, d’électronique, si cet avion est destiné à une utilisation commerciale, on s’efforce de limiter au maximum les aléas techniques, en adoptant des solutions éprouvées, ceci ne veut pas dire, bien entendu, que les ingénieurs ne s’efforcent pas de faire le mieux possible : mais ils doivent toujours garder à l’esprit que tout retard dans la mise au point, tout décalage entre la date de certification prévue et l’obtention du CDN (ou Certificat de Navigabilité) se traduit par un retard dans la mise en service effective de l’avion par les compagnies. Celles-ci ont dû en général se décider très tôt et commander les premiers avions sur plan; tout retard à la livraison se traduit finalement pour elles par des pertes de temps et d’argent qui peuvent devenir catastrophiques si l’avion doit ensuite ^être retiré d’opérations ou plus simplement repasser en usine pour modification.
Cela s’est vu avec les « Comet“ britannique, puis les « Electra » américains. Enfin l’avion doit être très robuste puisqu’il sera appelé, à raison de 7 à 10 heures de vol par jour, à accumuler des dizaines de milliers d’heures de vol pendant sa carrière, qui peut durer 15 ans. De même les moteurs devront être déposés pour révision à intervalles réguliers : chaque dépose, chaque changement de moteur grève sérieusement le coût de l’exploitation : aussi les motoristes doivent-ils, dès la mise en service, pouvoir garantir une durée de marche entre révision (T.B.O ou Times Between Overhaul) d’au moins 1000 ou 2000 heures, chiffre qu’il faut accroitre ensuite le plus rapidement possible. Certaines turbines à gaz disposent ainsi maintenant d’un potentiel de 8000 et même 9000 heures, valeurs inconcevables il y a seulement quelques années.

Tout autre est le problème de l’avion militaire. On lui demande en effet d’être d’abord le meilleur appareil possible sous divers angles : vitesse, altitude, manoeuvrabilité, capacité d’emport, distance franchissable ; des solutions plus couteuses, plus osées, sont donc parfaitement admissibles ; mais surtout, un tel avion volera peu, en général une heure par jour tout au plus ; de plus, il sera rapidement démodé et ne restera donc en service que 5 à 10 ans ; pendant ce laps de temps, on sera même peut-être amené à remplacer ses moteurs par des modèles un peu plus récents. Le compromis adopté est donc fort différent : la cellule pourra avoir une durée de vie beaucoup plus courte, et le T.B.O des moteurs ne dépassera pas quelques centaines d’heures. S’il en était autrement, ce pourrait même être la preuve que le compromis est mauvais, l’appareil ne donnant pas son maximum.
Le cas de Concorde est différent : s’il fut entendu au départ que les aléas techniques seraient réduits au minimum (construction en alliage léger, par exemple), il n’en subsiste pas moins que Concorde est un avion “Mach 2″. Et si une bonne dizaine d’avions militaires en font autant dans le monde, ils ne le font que sur des périodes de quelques minutes. Concorde, lui, devra le faire pendant, près de trois heures à chaque vol, ce qu’aucun avion n’a encore réussi.
Une bonne partie des problèmes techniques auxquels sont confrontés les ingénieurs des quatre sociétés qui construisent l’appareil : Sud-Aviation, la British Aircraft Corporation, Rolls-Royce et la SNECMA viennent ainsi des températures élevées auxquelles seront soumis en permanence la cellule, les moteurs, et de nombreux équipements. A 130 ou 150°C (1), des métaux peuvent commencer à fluer (2) les liquides des circuits hydrauliques à se décomposer, les circuits électroniques à se dégrader. Bien entendu, il ne s’agit pas de phénomène brutaux : mais d’une lente érosion des qualités initiales, aboutissant à la mort prématurée de l’avion.
(1) – La température maximale en croisière à Mach 2,1 sera atteinte sur l’extrême pointe avant de l’avion, avec 153°C et aux bords d’attaque de la voilure (130°C). Sur tout le restant du revêtement, la température sera comprise entre 120 et 130°C. En réalité, cette température d’équilibre résulte de la combinaison de l’échauffement dû à la vitesse (environ 200°C), et du refroidissement dû à la température extérieure (- 70°C).
(2) – Soumise à un effort, une pièce métallique se déforme puis revient ensuite à sa configuration initiale, à moins que ne soit dépassée sa limite élastique. Mais, au-delà d’une certaine température, des déformations résiduelles subsistent, qui s’accumulent dans le temps à chaque fois qu’est dépassé un taux de travail relativement faible : peu à peu, les pièces s’allongent, c’est le phénomène de fluage.

La vitesse maximale (Mach 2,1 ou 2,2 fois la vitesse du son à l’altitude de croisière, soit 2335 km/h environ) a évidemment été choisie en fonction, précisément, des qualités de résistance des alliages utilisés dans la construction de l’avion. Encore faut-il contrôler avec précision les résultats réels : les phénomènes de dégradation étant en général cumulatifs, à telle température atteinte pendant tant d’heures, correspond tel vieillissement, c’est-à-dire en fin de compte une diminution du potentiel d’heures de vol encore disponible.
D’autres problèmes, inexistants sur les avions classiques, apparaissent : citons les variations du centre de poussée aérodynamique entre le vol subsonique et le vol supersonique (il faut alors modifier en vol le centrage de l’avion, ce qui s’obtient par déplacement du carburant vers l’avant et vice versa) ; les variations d’efficacité des gouvernes ; l’obligation d’utiliser un nez avant basculant pour assurer au pilote, en vol lent cabré (c’est-à-dire au décollage et à l’atterrissage) une visibilité suffisante : la nécessité de vérifier en permanence l’adaptation des entrées d’air aux besoins des moteurs, l’alimentation en air s’opérant à travers un système complexe, à géométrie variable, basé sur l’utilisation de trappes et d’une rampe inclinable chargée de fixer les ondes de choc internes au bon endroit ; la nécessité également d’alimenter continuellement la cabine des passagers avec de l’air prélevé sur les compresseurs des moteurs, mais qu’il faut refroidir dans des échangeurs de température, et purifier de toutes traces d’ozone ou de particules radioactives, etc.
Au moment de sa mise en service, Concorde aura donc bénéficié d’un impressionnant programme d’essais, le plus complet qui ait jamais été entrepris pour un appareil civil. Ces essais, quels sont-ils ?

Les essais au sol, d’abord, représentent une dizaine d’années de mesures multiples dans cinquante souffleries, dans les laboratoires et centres de calcul, sur des simulateurs de vol, sur des maquettes fonctionnelles permettant de reproduire, grandeur nature, le fonctionnement de tous les systèmes : électriques, électroniques, hydrauliques, à qui sont demandés des performances inhabituelles.
C’est ainsi qu’avant le choix définitif du matériau de base (l’alliage d’aluminium U2GN), on a longuement étudié sur des milliers d’éprouvettes la résistance, la vie en fatigue, les caractéristiques de résistance en fluage et à la corrosion des différents alliages légers disponibles.
Une fois le matériau choisi, il fallait vérifier le comportement des pièces réelles : Concorde étant en bonne partie réalisé en pièces fraisées dans la masse, des pièces types (éléments de longerons, panneaux de revêtement), furent usinés et soumises à des essais de résistance en conditions réelles d’utilisation, c’est-à-dire selon des cycles d’échauffement et de refroidissement représentatifs d’un vol-type. Pour ce faire, les pièces sont échauffées par des batteries de lampes à infra-rouges, selon un programme soigneusement établi et répété jours et nuits tandis que des efforts alternés leur sont appliquées.
Ces essais durent depuis des années, et sont effectués en particulier dans un laboratoire d’état : le Centre d’Essais Aéronautiques de Toulouse (CEAT) d’abord sur des pièces primaires, ensuite sur des assemblages de pièces (sous-ensembles) de plus en plus importants, enfin sur de véritables tronçons de la cellule, identiques à ceux de l’avion, et pour lesquelles des installations spéciales ont dû être réalisées.

L’utilisation en série.

Deux cellules complètes de Concorde seront utilisées dans la dernière phase de ce programme : l’une à Toulouse pour les essais statiques, l’autre à Farnborough, en Grande-Bretagne, pour des essais dynamiques. Ces essais seront conduits à une cadence assez rapide pour que puisse être garantie, à l’avance, le potentiel d’utilisation de l’avion en série (45.000 heures). Parmi les autres installations d’essais au sol, citons :
– les simulateurs de vol, installés à Toulouse et à Filton et qui ont déjà joué un rôle important en permettant de déterminer le comportement de l’avion bien avant les premiers vols. Le simulateur de Toulouse, par exemple, comporte une cabine de pilotage complète, mobile, et reliée à un calculateur avec lequel le pilote dialogue en pilotant ; le calculateur restitue le comportement de l’avion, ses réactions aux ordres de pilotage, et peut simuler n’importe quelle phase de vol, selon des programmes modifiables à volonté. Ces mêmes calculateurs sont d’ailleurs utilisés pour l’évaluation de l’analyse approfondie des performances et des aspects économiques de l’utilisation de Concorde. Ils ont joué aussi un rôle important dans l’étude des qualités de maniabilité et de réponse aux rafales, dans l’optimisation des commandes de vol et d’autres équipements, et même dans la préparation des programmes d’essais en vol.

– Des bancs spéciaux construits pour les essais des systèmes électriques, hydrauliques, etc. A Toulouse, Sud-Aviation a donc installé un banc d’essai complet, grandeur nature, de tout le système hydraulique, y compris les mécanismes du train d’atterrissage, du gouvernail et des élevons. De son côté, la BAC a installé à Filton un banc d’essais géant destiné à l’expérience du système de carburant et de son fonctionnement : reproduisant ce système en vraie grandeur (réservoirs, pompes et canalisations), il pèse 250 tonnes et son montage sur une plate-forme mobile permet de simuler toutes les attitudes de l’avion en vol. On y simule aussi les variations de températures et de pression au cours d’un vol.
Le système de conditionnement d’air et ses multiples circuits, est également essayé pendant des milliers d’heures sur un autre banc spécial, l’un des premiers réalisés. Citons encore l’installation d’essais du nez basculant.
Les moteurs, enfin sont l’objet d’essais particulièrement intensifs. Bien que dérivé d’un moteur existant, et qui équipe les bombardiers “V » de la Royal Air Force, l’Olympus 593 est devenu en fait un moteur nouveau, plus gros et beaucoup plus puissant que son prédécesseur. De plus, il présente deux caractéristiques entièrement nouvelles :

– Il doit évidemment être capable de supprimer, comme l’avion, le vol à Mach 2 pendant près de trois heures de vol, ce qu’aucun moteur au monde n’a encore fait jusqu’ici (les Mirage IV, par exemple, volent ½ heure à Mach 2 ce qui est déjà remarquable). Cette exigence se traduit par une température permanente d’admission de l’air sur les compresseurs plus élevée que sur les moteurs classiques : aux vitesses supersoniques, l’air, avant de parvenir au moteur, passe en effet dans une manche d’admission à l’intérieur de laquelle il revient (à travers des ondes de choc) à une vitesse subsonique, tout en se comprimant, et en s’échauffant fortement. Aussi les compresseurs doivent-ils être fabriqués en alliages spéciaux à base de titane et de nickel. Quant à la manche d’admission d’air et à son système de réglage permanent (les ondes de choc ont une fâcheuse tendance à se promener alors qu’elles doivent être maintenues dans une position déterminée), il faut également l’essayer longuement avec le moteur afin d’obtenir le meilleur mariage possible.
– Le système d’éjection des gaz chauds, lui aussi à géométrie variable, est probablement le plus perfectionné jamais réalisé. Entièrement conçu et réalisé en France par la SNECMA, il assure en effet de multiples fonctions : réglage automatique ou commandé de la section de sortie du jet au moyen de deux tuyères primaire et secondaire, elles-mêmes à section variable, inversion éventuelle de la poussée au moyen de deux coquilles interceptant le jet et le rejetant vers l’avant par le biais de grilles d’aubes encastrées en dessus et en dessous des nacelles motrices, abaissement enfin du niveau sonore du moteur au moyen d’un silencieux intégralement escamotable en vol de croisière, afin de ne créer alors aucune diminution du rendement général du moteur (qui se traduirait par une augmentation de la consommation de carburant). Et pour compléter le tout, ce système d’éjection comporte aussi un dispositif de postcombustion, ou réchauffe, changé d’accroître la poussée du moteur (de 9 à 14%) au moment où on en aura le plus besoin, c’est-à-dire au décollage et pendant l’accélération transsonique, vers 12 ou 13.000 mètres d’altitude…..

Essais en vol

On comprendra sans peine qu’un tel système comme le moteur, a besoin d »être longuement essayé. Avant la mise en service de Concorde, il est prévu que les moteurs devront avoir effectué 30.000 heures d’essais ; à ce jour, plus de 4000 heures ont déjà été réalisées, au moyen de 31 moteurs. L’un de ceux-ci a fonctionné 170 heures avant démontage, mais en 1972, lorsque l’appareil sera en service, on demandera alors à l’Olympus de pouvoir tourner 2000 heures sans grande révision…. Tout se ramène donc, dans les quatre années à venir, à une recherche systématique de l’endurance et de la fiabilité, ce à quoi contribueront fortement les essais en vols de Concorde.

Pour en arriver à cette phase de mise au point, on a donc déjà procédé à des essais au sol et même en vol sur un bombardier Avro Vulcan transformé à cet effet et emportant une demi-nacelle de Concorde. Ces derniers essais (100 heures de vol déjà effectuées sur 250 prévues) ont pour but d’étudier la pilotabilité du moteur et ses performances dans tout le domaine de vol subsonique de Concorde, y compris le réallumage en vol du moteur, et le fonctionnement du dispositif de postcombustion.


Quant aux essais au sol, ils s’effectuent essentiellement en France, près de Saclay, au CEP (Centre d’Essais de Propulseurs), à Villaroche, dans les installations spéciales de la SNECMA ; à Bristol, où se trouve la division Bristol Siddeley de Rolls-Royce et à Pyestock, près de Farnborough, où est installé le NGTE (National Gas Turbine Establishment). Le CEP et me NGTE ont tous deux été dotés d’énormes caissons spéciaux où il est possible de reproduire les conditions réelles de fonctionnement du moteur en croisière supersonique, c’est-à-dire d’alimenter le moteur en air porté à la pression et à la température correspondante, et d’extraire le jet de gaz chauds dans les mêmes conditions. Pratiquement il faut, pour ce faire, disposer d’une source d’énergie très importante constituée, en ce qui concerne le CEP, par les chaudières à vapeur d’un croiseur (soit près de 100.000 ch).
Le silencieux, le système d’inversion de jet, et le système de réchauffe, sont également essayés au sol à Villaroche sur un banc séparé ; 3000 manoeuvres d’inversion de poussée ont par exemple été déjà réalisées, et ces essais continueront encore tout le temps nécessaire.
Une vingtaine de prototypes.
Nous en arrivons enfin aux essais en vol : trois années environ seront nécessaires à la mise au point en vol de Concorde et à l’obtention du Certificat de Navigabilité. Sept avions seront utilisés, qui auront alors accumulé environ 4200 heures de vol. Un programme d’une telle ampleur ne trouve son équivalent que dans celui de la mise au point du célèbre F-111 américain ; encore ce dernier est-il, rappelons-le, un avion à géométrie variable, et une vingtaine de prototypes ont été utilisés.

Les sept Concorde en question sont :
– les deux prototypes 001 et 002.
– les deux avions de présérie (01 et 02).
– les trois premiers avions de série (1, 2, et 3) dont les premiers vols vont s’échelonner entre décembre de cette année et novembre 1970.
La répartition des tâches est, d’une façon générale la suivante :
– les prototypes seront utilisés exclusivement pour la mise au point du nouvel appareil.
– les avions de présérie seront utilisés pour la mise au point des systèmes délicats et la certification conformité aux règlements).
– les trois premiers avions de série serviront : le n° 1 pour la mise au point et la certification ; les n° 2 et 3 d’abord pour la certification (deux mois environ), ensuite pour les vols d’endurance en ligne.
– le nombre d’heures de vol prévu est d’environ 4375 :
1915 heures pour la mise au point proprement dite, soit 1135 sur les deux prototypes, 615 sur les deux avions de présérie, 165 sur l’avion de série n° 1.
750 heures pour la certification (415 heures sur les deux avions de présérie. 335 heures sur les avions de série)

.1500 heures pour l’endurance, réparties sur les trois avions de série.
Il restera alors 150 heures à effectuer pour acquérir la certification atterrissage tout temps et une soixantaine d’heures pour la qualification sur des terrains situés en altitude, qui ne seront probablement acquises qu’après la première mise en service de l’avion.
Bien entendu, il s’agit pour le moment de prévisions.
Les deux prototypes sont, par souci de sécurité, interchangeables, et sont équipés ou peuvent être équipés des mêmes installations d’essais. Mais, sauf cas de force majeure, les essais sont répartis entre les deux appareils de façon précise, le prototype 001 de Toulouse ayant surtout pour mission d’ouvrir le domaine de vol (par exemple exploration progressive des vitesses et des altitudes), et le prototype 002 de Filton effectuant les essais de performances. La répartition détaillée est la suivante :

Le prototype 001 de Concorde aura en charge :

– l’exploration du domaine de vol ;
– la mise au point générale des systèmes ;
– les essais systématiques d’aérodynamique ;
– les mesures des qualités de vol ;
– les essais structuraux (flutter, élasticité) ;
– les essais des commandes de vol ;
– la mise au point du pilote automatique et du système de navigation ;
– les essais du système de conditionnement d’air, des systèmes hydrauliques, etc.
Le prototype 002 aura en charge :
– les essais systématiques des moteurs et l’installation motrice ;

– la détermination des performances ;
– les essais des systèmes électriques ;
– les essais du système de dégivrage ;
– les essais du système de carburant, etc.
Les essais effectués par les appareils de pré*série seront répartis de façon plus souple lorsqu’il s’agira par exemple d’essayer des équipements différents : il y aura surtout un partage des heures d’essais en fonction des possibilités de chaque avion ou de sa disponibilité. En fait, ente les deux constructeurs de l’avion, les essais en vol, comme la construction, sont intégrés.
Comment s’effectuent ces essais ? Pas à pas ; pour le prototype 001, sept phases d’essais sont par exemple prévues :
Phase o : Roulage (phase pratiquement achevée).

Phase 1 : Vol en régime subsonique, à l’intérieur du domaine de vol débloqué à la suite des essais de vibration au sol (effectuées en août et septembre 1967). Pas d’excitation en vol.

Phase 2 : Fin des essais en régime subsonique (jusqu’à Mach 0,93 environ).

Phase 3 : Exploration du domaine supersonique jusqu’au commencement de fonctionnement de l’entrée d’air à géométrie variable (au-delà de Mach 1,3 environ).

Phase 4 : Vol jusqu’à Mach 2 en pointe.

Phase 5 : Vol à Mach 2 et au-delà.

Phase 6 : Exploration des grandes incidences (jusqu’à plus de 20°).

Lors de chaque vol, les ingénieurs vont recueillir le maximum d’information. Les bureaux d’études ont défini leurs besoins : paramètres à enregistrer, précision souhaitable, bande passante pour chaque phénomène considéré, domaine de vol concerné. Trois mille paramètres ont été ainsi définis, sans compter ceux à venir, qui seront déterminée en cours d’essais.
Ces 3000 paramètres représentent évidemment une très grosse masse d’informations à traiter, qu’il serait impossible d’exploiter à partir des classiques enregistrements sur bandes photographiques. D’où la nécessité d’utiliser des enregistrements sur bandes magnétiques, pouvant être rapidement traitées de façon automatique.