Article de François DUPUY et Rolland de NARBONNE
C’est la fin d’une longue patience. Mercredi, André Turcat, premier pilote de France, a rendu le verdict attendu depuis neuf ans : « Concorde est bon pour le vol“. Pendant quelques jours, cependant, une météo bougonne l’a empêché de commettre le geste vingt fois esquissé puis interrompu à regret depuis le début des essais au sol : tirer vers lui le manche à balai le plus cher du monde. « J’aurai 10 milliards de Francs et 150 tonnes de matière grise sous les fesses quant tout cela s’envolera”, avait-il confié quelque temps auparavant à un ami.
Au milieu de la grande brouille franco-anglaise, ingénieurs et ouvriers, en deçà et au-delà de la Manche, viennent de démonter que l’Entente cordiale n’était pas uniquement un souvenir. Quand elles oeuvrent ensemble, les deux vieilles nations sont encore capables de vivre une aventure technologique de première grandeur. Et même de relever un des deux défis proposés à notre époque par John Kennedy quand il inaugurait sa présidence : débarquer sur la Lune et mettre au point un avion commercial supersonique. Les Etats-Unis vont attraper la Lune dans les lassos de la NASA. Mais à l’étonnement des Américains et des Européens eux-mêmes, c’est l’Angleterre et la France qui sont en train de réussir l’aventure supersonique.
L’amour du rugby
Imprévisible. On pouvait à la rigueur comprendre que les ingénieurs anglais et français parviennent à se mettre d’accord autour d’une planche à dessin. Mais peu de gens s’étaient imaginé, au début de l’aventure « Concorde“, que techniciens anglais et français apprendraient à s’estimer autant. Qu’avaient-ils à s’estimer autant ? Qu’avaient-ils en commun, les presque Gallois de Bristol, fief de la British Aircraft Corporation, et les Français de Toulouse, berceau de Sud Aviation ? L’amour du rugby, de la gastronomie, et une véritable passion pour le Concorde. Imperturbable, M. Godfrey Smith, ingénieur britannique délégué à Toulouse, assure : « Finalement, le seul problème a été la barrière de la langue. Pourquoi diable ne parlons-nous pas la même ? Nous nous sommes débrouillés en inventant un style de vie commun. Et nos amis français savent dire désormais My Concorde isrich”.
Un seul problème ? Cette vision quelque peu euphorique d’une histoire où la passion s’est heurtée au doute, et l’entêtement aux réticences, s’explique peut-être par la perspective du succès. Dans les derniers numéros des magazines américains « Time“ et « Newsweek“, une page publicitaire, en faveur des montres « Rolex“, affirme : “Si vous preniez Concorde demain, vous porteriez une montre « Rolex“. Au moment où il va voler, “Concorde”, fils des brumes de Bristol et du soleil de Toulouse, devient, aux Etats-Unis, symbole du modernisme absolu.
Mais, entre les premiers rêves et l’envol de l’appareil, il s’est écoulé près de neuf années de paris, d’inventions techniques, et de luttes quotidiennes.
Volonté commune
Au départ, quatre poètes de la technologie rêvent devant leur planche à dessin : MM. Pierre Satre et Lucien Servanty à Sud Aviation, Archibald Russell et William Strang à la British Aircraft Corporation. Ils ont une commune volonté : inventer le transport supersonique civil. L’audace des gouvernements français et britannique va être d’entériner leur vision, de rendre possibles leurs songes. Pour des motifs bien rationnels.
En France, le pari réussi de la ”Caravelle » est déterminant. Grâce à ce moyen-courrier, l’industrie aéronautique civile française a réussi à se hisser au niveau de la compétition mondiale. Il faut s’y maintenir pour conserver leur emploi à des milliers d’ouvriers et de techniciens et consacrer définitivement la qualité de l’aéronautique française.
En Grande-Bretagne, la nécessité d’agir coûte que coûte est ressentie avec plus de force encore. Depuis le succès du ”Viscount“, l’aéronautique anglaise n’a pas réussi de percée spectaculaire dans le domaine des avions commerciaux.
Mais l’aventure technologique et financière que représente le supersonique parait passer les forces des uns et des autres, Français et Britanniques découvrent, alors, qu’ils cherchent dans la même direction, que leurs industries additionnées représentent 80% du potentiel européen, et qu’un projet du type ”Concorde » ne peut voir le jour sans une complicité des deux nations.
L’épée dans les reins
C’est l’accord. Le 29 novembre 1962, M. Julian Amery, alors ministre de l’Aviation et M. Geoffroy de Courcel, Ambassadeur de France à Londres, représentant le ministre français des Travaux Publics, signent un document décisif : ”Le principe de la collaboration est le partage entre les deux pays, sur la base d’une égale responsabilité, pour le projet pris dans son ensemble, du travail, des dépenses engagées par les deux gouvernements et du produit des ventes“.
Aucune clause de résiliation n’est apparue. L’accord est révolutionnaire. Pourtant, à l’époque, il laisse tout le monde incrédule. Les constructeurs d’abord. Ils sentent confusément qu’en sautant d’une génération aéronautique à l’autre, le projet risque de bouleverser les habitudes. Les gouvernements ensuite. Ils soutiennent le projet, mais dissimulent mal leur inquiétude à l’idée de ce tonneau des Danaïdes volant, engloutissant les deniers publics. Les transporteurs enfin, absorbés par les problèmes financiers, ne voient pas comment faire digérer à la clientèle le coût fabuleux des supersoniques.
Les Etats-Unis, premier constructeur aéronautique mondial et premier transporteur, expriment tout haut leur scepticisme. Leur réveil sera brutal.
En juin 1963, la Pan American Airways annonce qu’elle prend six options pour ”Concorde ». Pour elle, l’aviation commerciale est un jeu de poker impitoyable. Si ”Concorde » réussit, tous les usages de vol vont changer. L’attirance de la vitesse a toujours été gagnante. Et Pan American ne prend pas de risques. En rendant publique cette décision, elle met l’épée dans les reins des constructeurs américains : ”Si vous ne faites pas le supersonique, nous achèterons en Europe“.
Ganté de titane
Aussitôt, les bureaux d’études américains sortent de leurs tiroirs des dossiers tout prêts. La plupart d’entre eux, à l’époque, estiment jouable l’opération d’un avion civil supersonique. Le trafic voyageur des compagnies aériennes augmente de 15% chaque année. En 1960, le parc mondial de l’aviation civile est de 4600 appareils. En 1972, il sera de 8000 avions d’une capacité double. Bien sûr, les coûts de fabrication et d’exploitation d’un supersonique seront élevés. Mais une enquête prouve que 44% des usagers américains seulement désirent un abaissement des tarifs, alors que 39% seulement souhaitent un confort accru et 17% une vitesse supérieure. Il existe donc une clientèle pour les avions rapides. Il apparaît même que 500 appareils supersoniques pourraient être vendus d’ici 1980 et 1000 d’ici à 1990. Soit, pour des appareils dont le prix unitaire variera entre 200 et 400 Millions de Francs, un chiffre d’affaires global variant de 100 à 400 milliards. Chiffre qui fait rêver.
Les américains ne tardent pas à se décider. Ils relèveront le défi européen. Et écraseront l’amusant ”Concorde ». Le géant dont ils vont accoucher sera ganté de titane, métal supportant l’échauffement cinétique au-delà des 2500 km/h ; il croisera paisiblement à 3000 km/h avec 300 passagers. Sous le nom de Boeing 2707, cet avion fantastique réalisera le rêve de tous les pilotes ; il sera doté d’un changement de vitesses, la géométrie variable, permettant le repli des ailes en delta pour voler aux vitesses supersoniques, et le déploiement des ailes ”en fleur“, pour le décollage et l’atterrissage.
Poids jockey
A Paris et à Londres on s’inquiète. Les Américains sont des gens sérieux. Ils vont doubler le ”Concorde“ et en faire un avion démodé avant que la maquette définitive soit achevée. Des deux côtés de la Manche, on chuchote.
M. Servanty, directeur d’études à Sud-Aviation, qui a du sang paysan dans les veines, hausse les épaules. Il répète, à qui veut l’entendre que la géométrie variable n’est pas encore adaptable aux avions lourds. Les Américains, juge-t-il, vont essuyer les plâtres, ”et pendant ce temps, nous vendrons “Concorde” dans le monde entier ».
Le gouvernement américain accepte pourtant de financer à 90% le Boeing 2707. Sur les planches à dessin, l’avion est parfait. Il faudra deux ans d’une évolution difficile pour s’apercevoir qu’il est trop lourd de 20 tonnes. Avec ses pivots et sa mécanique, ses ailes de géant l’empêchent de voler. Un technicien facétieux traduit l’erreur commise en déclarant : ”Le 2707, était une maquette admirable. Il n’aurait pu traverser l’Atlantique qu’à la condition de ne prendre aucun passager, de choisir un pilote poids jockey et de prier pour que les vents poussent dans le bon sens ».
En 1968, Boeing capitule et revient à une version conventionnelle. Le retard accumulé est de cinq à huit ans, la perte financière de 5 Milliards de Francs.
”Concorde“ a gagné sa première grande bataille. Il ne craint guère son frère jumeau soviétique, le Tupolev 144, qui a volé le premier, le 31 décembre. Parce que cet avion échappe à tout critère commercial, la bataille se livre à l’Ouest.
Vache Sacrée
L’aventure n’est pas terminée pour autant. La saignée financière entraînée par ”Concorde » éprouve le moral de Paris et de Londres. En 1962, on estimait que les frais d’étude du projet seraient de 1,4 milliard. En 1964, quand M. Harold Wilson prend le pouvoir, ils atteignent déjà 4,5 Milliards. M. Roy Jenkins, ministre de l’Aviation, qualifie en privé le projet de ”vache sacrée dont le sacrifice serait bénéfique à tout le monde ». Il vient à Paris informer le gouvernement français que M. Wilson envisage d’arrêter la fabrication. Pour toute réponse, le Général de Gaulle envoie à Londres, par voie diplomatique, un message laconique et comminatoire : “Des engagements ont été pris de part et d’autre. Ils ont un caractère impérieux. Ils ne doivent pas être remis en cause”.
Car, déjà, les quatre constructeurs de “Concorde », Sud-Aviation et BAC, pour la voilure, Rolls-Royce et la SNECMA pour les moteurs, ont consenti des investissements considérables. Déjà, près de cinquante souffleries en France, en Grande-Bretagne, et même en Hollande, étudient sur maquettes le dessin de “Concorde ». Déjà, en vue des essais d’une cellule complète, on a construit à l’Hers, près de Toulouse, un hall spécial de 68 mètres de long, 51 de large et 28 de hauteur, doté d’un équipement fournissant une puissance de 30.000 kWh pour échauffer les structures de vol. Déjà après cinq ans d’essais, Cegedur, Pechiney et Sud-Aviation ont mis au point l’AU2GN, matériau dérivé de l’aluminium, qui supporte, sans vieillissement, 45.000 heures de vol à 130°. C’est dans ce matériau coûtant 18 francs le kilo que “Concorde” sera sculpté par des fraiseuses géantes, animées par bandes électroniques ; elles réduiront des blocs de métal brut de quelques tonnes au dixième de leur poids.
Monstre budgétivore
L’escalade des coûts se poursuit. 1966 : 6 Milliards. 1969 : 8 Milliards, soit l’équivalent du projet “Manhattan » pour la construction de la première bombe atomique, soit 400 Francs pour chaque contribuable français et britannique, soit 80% des crédits alloués depuis sept années par les deux gouvernements à leur programme aéronautique civil.
Il est vrai que la mise au point de deux seuls prototypes du bombardier trisonique américain XB-70 Walkyrie, qui a volé avec deux ans de retard, a coûté la même somme. Si “Concorde” est devenu ce monstre budgétivore, c’est que jamais un avion n’avait nécessité tant d’efforts et de matière grise de la part des 20.000 ingénieurs et ouvriers attelés au projet. Et puis, le supersonique franco-britannique est prisonnier de sa nouveauté. Chaque étape franchie dans l’étude révèle des possibilités d’amélioration insoupçonnées qui, d’un chef-d’oeuvre technique, feront un outil d’exploitation rentable. C’est une évolution que l’on ne peut éviter.
Un des buts de l’opération était de donner aux industries européennes aéronautiques et connexes l’occasion de se faire les dents sur un programme difficile. Souvent, il eût été plus facile, plus économique, plus rapide aussi, de s’adresser, pour les équipements notamment, à des industriels américains, technologiquement plus avancés. Cette solution a été rejetée par principe, sauf dans des cas très exceptionnels.
Faible marge
Parce que “Concorde » représente un saut dans l’utilisation, mille problèmes, techniques complexes ont du être résolus. Par exemple :
– Pour les avions subsoniques volant dans un environnement de l’ordre de – 50°, le système de climatisation fonctionne à sans unique : il réchauffe la cabine. Pour “Concorde », il faut, à partir d’un système unique de prise d’air sur les réacteurs, réchauffe la cabine quand l’avion vole à des vitesses subsoniques et la refroidir quand, à Mach 2, la peau de l’appareil atteint 150°, à quelques centimètres des passagers, qui ne sont pas vêtus de combinaisons isothermiques.
– Les avions subsoniques volent à une altitude ne dépassant pas 12.000 mètres. Quand “Concorde », volera à son plafond de 19.000 mètres, la pression atmosphérique atteindra 6% de la pression au sol. Si le carburant n’était pas maintenu sous pression artificielle, il se mettrait à bouillir.
La victoire technique n’est pas encore totale. Le rapport poids-vitesse hante toujours les nuits des constructeurs. La vitesse, en effet, coûte cher en carburant. Plus elle s’accroit et plus les réservoirs deviennent volumineux, plus le rapport charge utile-poids total diminue. De 40% avant la Seconde Guerre mondiale, il est tombé à 20% en moyenne pour les jets actuels ; il sera d’un peu plus de 6% sur “Concorde ». “Ce qui nous laisse une très faible marge d’erreur explique M. Henri Ziegler, président de Sud-Aviation. Il suffit que l’avion consomme un peu plus que prévu, ou qu’il pèse à vide quelques tonnes de trop, et “Concorde ». devient sans intérêt. Les options des différentes compagnies, que nous avons acceptées, garantissent une charge utile de 11.350 kilos sur Paris-New York sans escale. Nous n’y sommes pas encore, et tant que nous n’y serons pas, la bataille de “Concorde ». ne sera pas gagnée”. Gains de poids sur la structure et améliorations aérodynamiques sont prévues pour les “Concorde » de série. Reste le réacteur “Olympus », dont on attend qu’il donne plus de poussée en consommant moins. “Nous y arriverons », affirment les ingénieurs de Rolls-Royce et de la SNECMA. Nécessairement, car l’avenir de “Concorde » passe par cette porte étroite.
Série de gags
Ces difficultés sont largement payées par les retombées technologiques du programme. Elles sont telles, pour toutes les industries européennes de pointe, métallurgie, électronique, hydraulique, électro-commande de machines-outils, etc… que la Commission française de la production et des échanges a pu déclarer : “Le programme “Concorde » serait déjà entièrement justifié s’il était inséré dans le budget de la Recherche ». Sur ce point, M. Satre, père de la “Caravelle” et directeur technique de Sud Aviation, est catégorique : “Une guerre technique est déclarée. Un projet de la dimension d’Apollo met en danger notre technicité et nos moyens de production. Un projet aussi inédit que “Concorde” rétablit, dans une certaine mesure, l’équilibre”.
“Concorde” n’est pas seulement un catalyseur des industries de pointe. Ses constructeurs ont voulu en faire l’avion le plus sûr, pionnier d’une génération nouvelle
Au départ de l’étude, ils ont fixé un principe : atteindre un degré de fiabilité dix fois supérieur à celui qui est couramment admis
Pour y parvenir, ils ont fait de “Concorde » un avion pensant. Habituellement, une lumière d’alarme prévient l’équipage qu’une panne s’est produite et qu’il faut y remédier. Dans “Concorde », une lumière avertit l’équipage qu’une panne s’est produite et que l’avion y a, de lui-même, remédié.
D’où l’extraordinaire complexité de tous les circuits. “Ce super automatisme nous a coûté cher en équations de tous ordres”, raconte M. Raymond Amice, chef de service des prototypes de Sud-Aviation. “Tous les circuits électriques, pris séparément, fonctionnaient admirablement. Mis ensemble, l’interférence entre les systèmes a provoqué une invraisemblable série de gags. Par exemple, quand on a voulu dégivrer une antenne, le système d’alarme de freins s’est mis à fonctionner. C’est un peu comme si, en entrant dans un appartement, on tournait le commutateur électrique et que l’eau se mette à couler ».
Un dessin de Sempé
Cette minutie d’orfèvre, cette volonté, cette volonté d’être les premiers dans un domaine nouveau coûtent très cher, et prennent du temps
Mais elles sont payantes. Les principales compagnies aériennes internationales ont déjà pris 74 options sur “Concorde » (dont 38 par des transporteurs américain). Dans l’hypothèse la plus défavorable, on espère vendre un minimum de 200 appareils, soit 20 à 25 Milliards de Francs de chiffre d’affaires.
Pour M. Bernard du Boucheron, responsable financier à Sud Aviation, un succès commercial serait entièrement justifié, car l’avion séduira les passagers, malgré l’augmentation des tarifs : “Le prix d’un
passage Paris-New York sur “Concorde » coûtera 25% de plus que la classe économique actuelle. Or le prix en première, sur un parcours transatlantique, est déjà aujourd’hui supérieur de 71% à la classe économique”.
Pour le moment, l’intérieur de “Concorde » ressemble à un dessin de Sempé. Moquette, revêtement des parois, éclairage de cabine, tout y est. Mais en place de sièges, de part et d’autre du couloir central, des armoires numérotées de ZU-1 à ZU-49, bourrées d’enregistreurs électroniques, eux-mêmes reliés à plus de 3500 capteurs répartis sur la structure et les systèmes de l’appareil, et permettant de transmettre en continue la vie de “Concorde » en vol. Pour relier ces capteurs, 800 km de câbles jaillissent çà et là en écheveaux multicolores
“Concorde », quand, il y a quelques jours, nous l’avons visité, rentrait d’essais de freinage. M. Turcat en était descendu avec un large sourire aux lèvres, comme pour indiquer à tout le personnel de Blagnac, le nez collé aux vitres, que l’affaire était entendue. Dès que l’avion fut garé fut garé sous son hangar, une équipe franco-britannique se précipita autour du train d’atterrissage pour vérifier la dilatation des disques, mesurer l’échauffement des pneus. Des techniciens s’étaient faufilés dans la cabine de pilotage pour vérifier les circuits, corriger les défaillances.
Le chef du contrôle technique de Sud-Aviation, M. André Despeyroux, expliqué que l’exiguïté de la cabine de pilotage est une gêne considérable pour les vérifications et une cause de retard : “Car tous les contrôles sont là. Quand l’avion rentre de ses essais, le pilote relève sur sont cahier de retouches une série de vérifications indispensables. Or on ne peut accéder au poste de pilotage qu’à trois ou quatre. Les techniciens sont donc obligés de prendre leur tour ».
Ballet d’avant-garde
Pendant ces dernières semaines, le désir de voir voler au plus vite leur bel objet avait animé les techniciens de Toulouse d’une sorte de hargne. L’autre jour, ils étaient entassés à six dans la petite cabine du pilote. Allongés, accroupis, à genoux, renversés, ils semblaient répéter, plaqués sur un cadre surréaliste de manettes et de clignotants, un ballet d’avant-garde. Peu leur importait qu’à ce moment précis, le Général de Gaulle, par sa constante intransigeante, M. Harold Wilson, par l’inauguration de sa diplomatie en saut de puce compromettent de nouveau l’Europe. Ce jour-là, à Toulouse et à Bristol, “Concorde » donnait aux Français et aux Britanniques attachés à son succès, leur Marché Commun quotidien.