INTERAVIA – Mai 1970 : Point de vue

La réalisation du courrier supersonique Boeing 2707 est absolument indispensable à l’avenir de l’industrie aérospatiale des Etats-Unis. C’est ce qu’a déclaré le secrétaire d’état au transport, M. John A. Volpe, qui a ajouté que, si ce projet n’aboutissait pas, des dizaines de milliers d’Américains perdraient leur emploi d’ici six à sept ans. Faisant allusions au Concorde franco-britannique et au Tu-144 soviétique, M. Volpe a commenté ensuite les effets défavorables qu’aurait, sur la balance des paiements des Etats-Unis, l’abandon du marché à ces concurrents. Ce n’est pas là un simple avis personnel, mais cela représente la manière de voir de l’administration américaine, puisque, selon les propres termes du secrétaire d’Etat au Transport, le Président Nixon partage cette opinion.

Combien il est plus vital encore pour les Européens, de mener à bien le programme Concorde, s’ils souhaitent rester actifs dans le domaine aérospatial ! Qu’un haut représentant d’un gouvernement européen s’exprimait en faveur du Concorde avec autant de vigueur que M. Volpe l’a fait pour la défense du TSS américain serait une bien agréable innovation !

Aujourd’hui les constructeurs américains sont engagés dans trois importants programmes relatifs à des appareils commerciaux, dont on peut attendre avec confiance le développement ces prochaines années : il s’agit du Boeing 747, du Lockheed Tristar et du MacDonnell Douglas DC-10, qui ont tous trois fait l’objet de commandes fermes et d’options. L’industrie aéronautique européenne dispose de l’Airbus A300B franco-allemand, du Dassault Mercure, du VFW 614 et d’un certain nombre de partants possibles dont aucun ne peut entrer en concurrence directe avec les trois courriers américains à grande capacité, leur conception les orientant vers une utilisation différente. Mais avec le Concorde, les Européens ont un atout en main, pourvu qu’ils mènent avec vigueur ce programme jusqu’à son terme et ne gaspillent pas son avance actuelle. Car les essais en vol de cet appareil sont déjà bien avancés et ils n’ont révélé, selon les comptes rendus, aucun obstacle majeur. Cette avance est suffisante pour permettre à l’industrie européenne d’offrir aux utilisateurs une version de la seconde génération, avec charge utile et autonomie accrues, lors de la mise en service de son concurrent américain.

Les industries aérospatiales européennes et américaine consacrent d’importants efforts çà mettre au point des ADAC/V de transport destinés à voler entre eux le centres des grandes villes et à assurer de courtes de courtes liaisons. Mais on assiste parallèlement à la mise au point de trains très rapides qui réaliseront les mêmes temps de parcours entre centres de grandes villes, sur certaines villes, que les moyens aériens, et cela probablement à des tarifs moins élevés et certainement sans les inconvénients de bruit et de pollution atmosphérique qui caractérisent l’avion. Le dispositif des de l’avenir, s’adaptant à l’extension des zone urbaines et à la croissance du trafic aérien, comportera vraisemblablement des long-courriers supersoniques desservant des aéroports éloignés des grands centres urbains et reliés à ces centres par des trains très rapides. Les moyen-courriers, comme la plupart des avions à grande capacité destinés au transport économique, seraient subsoniques, les uns et les autres utilisant une grande part les aéroports actuels. Les ADAC/V de transport trouveraient assurément leur propre domaine d’action, par exemple sur les lignes dont la densité de trafic ne justifierait pas l’investissement nécessaire à une installation ferroviaire pour trains très rapides. Mais cet sur ces lignes à longues distances, sur lesquelles les TSS seront exploités dans l’avenir, que les compagnies aériennes ont obtenues leurs meilleurs résultats ; là est la grande chance de l’Europe et des constructeurs de Concorde, s’ils sont prêtes à la saisir.

Un écho de presse récent rapporte que « Air Transport Insurance”, la nouvelle société internationale fondée par des compagnies aériennes membres de l’IATA dans le but d’assurer appareils et passagers et de couvrir les responsabilités vis-à-vis de tiers pour le compte de ses propriétaires, doit établir son siège aux Bermudes.

Ce sont l’International Air Transport et l’Air Transport Association des Etats-Unis qui ont fondé l’Air Transport Insurance. A l’origine, la société devait s’installer à Lausanne (Suisse) et commencer ses opérations en janvier 1970. Les responsables d’Air Transport Insurance ont publié en juillet 1969 une déclaration, aux termes de laquelle les statuts de la compagnie, qui avaient été présentés aux autorités suisses en avril 1969, n’avaient pas encore été approuvées, et il ne restait pas assez de temps aux compagnies aériennes, aux gouvernements et à la société, pour achever leurs dispositions préparatoires avant le début des activités prévu pour 1970, de sorte qu’il fut reporté d’un an, soit à janvier 1971. Le même écho de presse, qui annonçait le déplacement de Lausanne aux Bermudes du site choisi pour le siège de la société, donnait comme motif à ce changement le refus du gouvernement suisse d’autoriser la société à exercer son activité en Suisse en raison de l’insuffisance de son capital, bien que le chiffre de 240 millions de dollars ait été donné comme montant du capital initial.

Ce chiffre paraîtrait plus que suffisant pour faire face à n’importe quelle demande d’indemnité, et l’on comprend difficilement le raisonnement du gouvernement suisse, d’autant plus que l’on peut présumer que le gouvernement des Bermudes n’a pas eu de tels doutes, et les gouvernements respectifs des compagnies aériennes, membres de la société, ont sans doute reçu toutes satisfactions sur ce point et sur tous les autres. Mais au cas où quelques doutes subsisteraient sur l’aptitude de la nouvelle société à faire face à ses engagements en toutes circonstances, une déclaration détaillée du gouvernement suisse précisant ses raisons pour avoir refusé l’autorisation à la nouvelle société d’installer son siège à Lausanne, et des communications des autres gouvernements exposant les résultats de leurs recherches relatives à cette nouvelle entreprise dans le domaine de l’assurance du transport aérien, seraient intéressantes. Peut-être est-ce même un sujet auquel l’OACI devrait prêter attention, parce qu’il y a encore certaines anomalies dans l’assurance de l’aviation commerciale. Par exemple, des passagers sont assurés sur certaines lignes pour 75.000 dollars, et sur d’autres, pour moins du quart de cette somme. Après la création d’Air Transport Insurance, ce pourrait être maintenant le moment opportun pour faire disparaître ces anomalies.