Par Captain W. M. MASLAND, Pan American Airlines
Dix années ne s’étaient pas écoulées depuis le brillant exploit des frères Wright à Kitty Hawk que déjà les premiers pionniers songeaient à la traversée aérienne de l’Atlantique Nord. Ceci se passait avant 1914 et la première guerre mondiale devait mettre un terme à tous ces projets.
En mai 1919, un américain, le Lieutenant Commander Read, à bord de l’hydravion “Liberty”, décollait de Rockaway Beach (Long Island), et gagnait d’un premier saut de puce la baie des trépassés à Terre Neuve ; de là, via le port d’Horta aux Açores, et Lisbonne, il rejoignait Plymouth. En juin de la même année, deux britanniques, Alock et Brown, à bord d’un bombardier Vickers Vim transformé, décollait de l’extrême pointe orientale de Terre-Neuve et atterrissaient en Irlande sur le premier bout de gazon venu.
Lindbergh, en 1927, captiva l’imagination des foules en traversant seul l’Atlantique de New York à Paris à bord d’un monomoteur. Aujourd’hui, la traversée de l’Atlantique nord à bord d’un long-courrier à réaction relève de la simple routine. Et pourtant, que d’efforts accomplis et de progrès réalisés depuis le vol mémorable de Kitty Hawk.
Déjà, avant la seconde guerre mondiale, un effort avait été tenté pour ouvrir des lignes aériennes de passagers sur l’Atlantique Nord, mais c’est pendant la seconde guerre mondiale que le trafic aérien sur l’Atlantique Nord a pris un essor considérable, puisqu’il fallait à tout prix transporter des hommes et du matériel d’Amérique de Nord en Europe. Des efforts inouïs furent alors consentis pour maintenir intacte cette ligne de communication et le succès remporté fut grand. Mais ce n’était pas là, de l’aviation commerciale. C’était une économie de temps, justifiée puisque c’était la guerre, mais ce n’était pas une économie d’argent.
Après la guerre.
De nos jours, les compagnies aériennes assurent des services sur l’Atlantique Nord disposent du personnel le plus qualifié, des installations et du matériel les plus raffinés pour autant qu’elles aient suffisamment de moyens financiers de jugement. Cela n’empêche pas qu’elles soient encore largement tributaires des conditions météorologiques, économiques et politiques ainsi que des progrès scientifiques.
Pour ce qui concerne le matériel, la situation n’avait pas toujours été aussi brillante et, à la fin de la dernière guerre mondiale, il ne restait à un certain nombre de transporteurs aériens que le nom de leur raison sociale. Quelques-unes, comme KLM, non seulement l’une des plus anciennes compagnies du monde mais également l’une des plus sûres, avaient réussi à conserver leur identité en exil. La compagnie BOAC était pratiquement la seule en Europe à pouvoir assurer des services ; mais là aussi on sentait se dessiner un changement tout proche.
Les Sages décrétèrent que la compagnie britannique serait divisée en trois : British European Airways, British South American Airways et British Overseas Airways. Les Etats-Unis suivirent l’exemple britannique et ils rajoutèrent deux transporteurs nationaux de plus sur l’Atlantique Nord pour épauler la compagnie Pan American. Entre-temps – presque sans que l’on s’en fût rendu compte – le Canada était lui aussi parvenu à l’âge adulte. Il décidait de poursuivre ”en civil » l’activité aérienne qu’il avait su si bien mener « en uniforme”.
A cette époque, l’Atlantique Nord était relativement dégarni. C’était vrai non seulement pour ce qui concerne le nombre de transporteurs civils mais également les matériels dont ceux-ci disposaient alors. Il n’y avait à l’époque aucun avion européen qui pût être mis en service sur l’Atlantique Nord et le Douglas DC 4 américain constituait alors le moyen de transport standard. Cet appareil avait été réalisé en 1938 et, à cette époque, il comportait un empennage à trois dérives. Par la suite, il revêtit la forme qu’on lui connut bien et il fut engagé dans la bataille comme avion de transport sous la nouvelle désignation de C-54. Comme tel, il rendit d’immenses services durant la guerre et, en 1946, c’était un avion qui avait véritablement fait ses preuves, dont un grand nombre d’unités était disponibles et qui avait l’avantage d’être bon marché.
La construction des aéroports.
A cette même époque, on commençait à s’agiter beaucoup dans le domaine de l’infrastructure. En Grande-Bretagne, les long-courriers transatlantiques utilisaient l’aéroport de Hurn, à trois bonnes heures de Picadilly Circus. Des travaux avaient été lancés pour augmenter la surface de l’aéroport de Heathrow, sur un terrain connu à l’époque sous le nom de Hounslow Heat, à moins de 40 minutes du centre de Londres. Une modeste portion de terrain triangulaire fut agrandie jusqu’à atteindre 1130 hectares et des plans furent exécutés pour réaliser trois paires de pistes parallèles.
A l’autre extrémité de la route atlantique, Gander apprenait à lutter contre la neige. Au début, on s’était imaginé qu’on pouvait très bien venir à bout d’une certaine quantité de neige qui s’était amoncelée sur les pistes en la tassant à l’aide de rouleaux compresseurs ; il n’y avait plus ensuite qu’à tracer une raie jaune matérialisant l’axe longitudinal de la piste et à piquer de chaque côté de cette piste des petits arbres de Noël pour empêcher le pilote de faire aller son appareil vers les bas côtés de la piste faits de neige non tassée. Ceci donnait au pilote un certain sens du relief dans cette étendue uniformément blanche, et en tout cas cela donnait un air de fête à l’aéroport. Bernt Balchen, un expert aéronautique qui connaissait bien la neige, ne fut pas d’accord sur cette formule et il déclara que la seule chose à faire lorsqu’il il y avait de la neige sur une piste c’était de la ramasser, de la charger sur un camion et de la décharger le plus loin possible. Gander adopta finalement cette technique.
Si, pour Gander, la neige constituait le problème n° 1, pour Londres c’était la visibilité à basse altitude. Comme les installations de Heathrow commençaient à devenir quelque chose de vraiment bien et que cet aéroport devenait l’un des mieux équipés du monde, les appareils qui s’y posaient pouvaient se présenter dans des conditions météorologiques correspondant à des minima de plus en plus bas. En dépit de tous les moyens mis en œuvre, il y eut – et il y a encore – des jours et des nuits où même les moyens d’atterrissages les plus perfectionnés d’Heathrow ne permettaient pas malgré tout de venir à bout du brouillard londonien.
Les cieux envoyèrent l’Irlande à la rescousse. Pour un bon nombre de pilotes traversant l’Atlantique d’ouest en est, la première escale était celle de Shannon. C’était le cas notamment si le pilote se sentait fatigué, s’il était dans l’ignorance des conditions météorologiques qu’il allait rencontrer au-delà ou s’il était un peu à court de carburant. Shannon, voilà un aéroport qui avait été étudié d’une manière absolument unique et qui reste encore unique même aujourd’hui. Dans la construction d’un aéroport, la première chose qu’il convient de faire c’est de réaliser les installations qui permettront de traiter les passagers aériens le plus rapidement possible en leur faisant perdre le moins de temps possible. Il sera toujours temps par la suite de penser aux halls en marbre et aux jets d’eau lumineux. D’ailleurs, ces accessoires seront inutiles si l’aéroport est bien conçu.
L’évolution du matériel volant.
Tout commençait à être bien rodé. Le bon Douglas DC-4 d’avant guerre traversait régulièrement l’Atlantique dans les deux sens et l’infrastructure aéroportuaire s’améliorait sans cesse. Mais le Douglas DC-4 n’était pas la panacée universelle. Tous les pilotes qui ont eu dans ces années là à effectuer des traversées de nuit à une altitude qu’ils espéraient de quelque mille pieds au-dessus de la Mer s’imaginaient alors que, s’ils avaient pu voler à huit mille pieds par exemple, en ciel clair, au-dessus du brouillard et des nuages et hors des turbulences rencontrées généralement aux basses altitudes, bien au-dessus des zones de givrage libres de faire à tout moment de la navigation astronomique, tous leurs ennuis auraient été résolus. Les choses étaient bien différentes, en réalité, et les pilotes s’aperçurent que huit mille pieds, c’était évidemment mieux que mille, mais ce n’était pas encore assez.
La question du nombre de passagers admissibles restait un autre problème. Comment, effectivement, pouvoir vendre des billets à des passagers à qui l’on disait que peut-être ils partiraient le soir même – comme l’indiquait d’ailleurs clairement la date mentionnée sur le billet remis – mais que peut-être également ils ne pourraient pas monter à bord de l’appareil, les conditions météorologiques défavorable imposant de transporter davantage de carburant (et donc moins de passagers) qu’il avait était initialement prévu ?
La flotte des appareils utilisés sur l’Atlantique Nord à la fin de la deuxième guerre mondiale se composait essentiellement de Douglas DC-4. Il s’agissait pour la plupart de cargos C-54 d l’USAF transformés pour les besoins de l’aviation civile
Le Lockheed L-049 Constellation fut proposé pour résoudre ces problèmes. C’était la première fois que Lockheed se lançait dans le marché du transport aérien commercial sur l’Atlantique. Il s’agissait d’un avion à cabine pressurisée capable de voler au-dessus du mauvais temps. Comme il promettait en outre de pouvoir transporter un nombre garanti de passagers sur chaque vol, c’était pour les services de la promotion des ventes une excellente affaire.
Conçu pour un poids maximal au décollage de 44.400 kilos et pour le transport de 69 passagers au-dessus du mauvais temps, le Lockheed L-049 Constellation fut le premier avion commercial après la guerre. On voit ici un appareil de ce type aux couleurs de la compagnie KLM.
La question du givrage des ailes, des hélices et des carburateurs restait le problème majeur. Les motoristes avaient de leur côté proposé des systèmes d’injection de carburant à la place des gicleurs qui risquaient de givrer. A première vue c’était une bonne idée mais elle ne tint pas ses promesses. Le système d’injection de carburant permettait effectivement une alimentation continue des moteurs mais il n’empêchait pas la prise d’air sur le carburateur d’être bouchée par des cristaux de glace.
Pour combattre le givrage des ailes, le procédé habituellement employé consistait à disposer une plaque de caoutchouc tout le long du bord d’attaque et à provoquer sa déformation au moyen de pompes à air. La plaque de caoutchouc étant ainsi déformée, toute la couche de glace qui s’était formée sur le bord d’attaque se craqueler et pouvait ainsi être éliminée. Ce système constituait une sorte de talisman et il se révéla efficace dans la plupart des cas. Une solution encore meilleure devait être trouvée avec le nouvel avion de ligne transatlantique, le Boeing B 377 Stratocruiser. Le Boeing B-377 Stratocruiser, un des premiers instruments de prestige sur l’Atlantique Nord. Cet appareil à deux ponts possédait un bar et un salon dans la partie inférieure de la cabine
Le Stratocruiser avait été conçu par Boeing à partir d’un appareil militaire ; une cabine de grande dimension avait été aménagée juste au-dessus de ce qui avait été la soute à bombes. Dans certaines versions, il y avait beaucoup d’espace entre chaque siège et l’appareil ne transportait que 43 passagers. Pour ceux d’entre eux qui étaient fatigués, des couchettes avaient été aménagées, cependant qu’un bar avait été installé dans le lobe inférieur. C’était un avion de transport confortable et il semble bien que ce fut également le dernier dont le poste de pilotage ait été conçu pour le bien –être des pilotes ; ces derniers lui en resteront toujours reconnaissants. Des canalisations d’air chaud avaient été aménagées le long du bord d’attaque de la voilure, ce qui permettait de combattre le givrage beaucoup plus efficacement que par le passé.
Des systèmes électriques de réchauffage montés à l’intérieur des hélices donnaient à celles-ci une excellente protection contre le givrage et c’était aussi un souci en moins pour l’équipage. Mais les hélices avaient leur talon d’Achille ; réalisées en acier forgé, elles étaient creuses à l’intérieur et l’espace vide était rempli de caoutchouc spongieux (on le remplaça plus tard par du nylon). Ces hélices avaient un extraordinaire rendement aérodynamique, de l’ordre de 92% mais elles étaient sujettes à la formation de criques dues à la fatigue, et par conséquent à des pannes.
Les moteurs n’étaient pas non plus aussi sûrs, qu’on l’aurait espéré. C’était des moteurs à pistons de 28 cylindres (56 bougies) disposés sur quatre rangs de 7 cylindres chacun. Le taux des pannes était élevé et ce qui contribuait à l’augmenter encore, c’était la technique suivante, mise au point pour résoudre encore un autre problème : d’habitude, lorsqu’il faisait froid à l’extérieur, le mécanicien diluait l’huile dans les moteurs afin de faciliter leur remise en route : il était admis que l’essence utilisée pour la dilution s’évaporait ensuite. Mais dans le cas des moteurs du Stratocruiser, l’essence utilisée avait pour effet de remettre dans le circuit toutes les impuretés qui s’étaient déposées dans le moteur et celles-ci finissaient par boucher les canalisations. Le résultat était assez sensationnel : au bout de quelque temps, le moteur s’arrêtait si brutalement que l’on eût dit que l’avion avait heurté un objet solide. Des éléments du capot moteur volaient en éclats, arrachés par le couple soudainement appliqué à la nacelle. L’augmentation subite de traînée qui s’ensuivait nécessitait parfois de mettre la pleine puissance sur les moteurs restants pour que l’avion puisse encore tenir en l’air.
Son Douglas DC-4 ayant été remplacé sur l’Atlantique par les avions plus modernes et plus éclatants de Lockheed et Boeing, Douglas voulut à nouveau rentrer dans la compétition. Il réalisa pour commencer le DC 6, une version pressurisé et plus fine du DC-4 avec lequel il avait deux points communs : un air de famille et une très grande fiabilité, et, plus tard, le DC-7. Le “Seven” était surtout intéressant à cause de ses moteurs, beaucoup plus économiques que les précédents.
Pour réaliser ce moteur, les motoristes avaient eu recours à un procédé qui était depuis longtemps en vogue dans le monde de l’aviation, à savoir l’emploi des gaz d’éjection pour récupérer de la puissance. L’une des premières théories échafaudées pour réaliser cette économie avait été de prélever l’air chaud des gaz d’échappement et de le réintroduire dans le cycle, sous la forme d’un moteur à vapeur. Les moteurs Wrigth montés sur les DC-7 fonctionnaient suivant le même principe. L’énergie récupérée sur les gaz d’échappement servait à faire tourner une turbine qui à son tour entraînait un compresseur. Mais les vitesses de rotation de la turbine et du compresseur très élevées, dans une gamme très étendue de températures, et cela ne manquait pas de poser des problèmes bien difficiles à résoudre. Le taux des pannes était élevé. Certes, cela n’empêchait pas le DC-7 de voler et de transporter davantage de passagers et de fret que les autres appareils en service mais le nombre d’heures d’immobilisation au sol pour des remplacements de moteurs fut aussi plus élevé avec lui qu’avec d’autres.
Boeing, constructeur du premier « jet” commercial, fait aujourd’hui tous les records dans cette catégorie d’appareils. Air France qui assure depuis longtemps des liaisons sue l’Atlantique Nord utilise pour ces services des Boeing 707.
L’avion le plus récent pour les lignes long-courrier à haute densité de trafic est le BAC VC-10 qui est utilisé par la BOAC et plusieurs autres compagnies.
Un des premiers Douglas DC-8 de la compagnie Swissair. Bien que n’ayant pas les moyens dont disposent de très grandes compagnies aériennes, Swissair utilise les types d’appareils les plus récents sur les lignes de l’Atlantique Nord.
Les aides-radio.
Le trafic aérien s’était développé beaucoup plus rapidement et son volume s’était accru dans des proportions beaucoup plus importantes qu’il avait été prévu ; les télécommunications ne parvenaient pas à suivre ce rythme d’expansion.
Au début des années 1950, les compagnies aériennes décidaient de reléguer dans son coin le radio de bord et, faisant appel à la radiophonie, de confier au pilote le soin d’assurer les liaisons radio. Mais les premiers résultats ne furent pas encourageants, les communications radio à haute fréquence étant souvent inutilisables, et les transporteurs s’employèrent alors, par le canal d’organisations internationales telles que l’IATA, l’OACI ou l’IFALPA, à rendre le système plus sûr. Des familles de fréquences furent créées, chaque famille couvrant une large bande de fréquences. Dans la pratique, cela revenait pour le pilote à choisir la fréquence qui convenait le mieux, en fonction de l’heure et la distance à parcourir. Si le résultat n’était pas bon, on essayait alors d’utiliser des relais pour la transmission des messages, les Açores, les Bermudes ou l’Islande par exemple. Et si cela ne donnait toujours rien, alors les messages traversaient l’océan, relayés d’un avion à un autre jusqu’à ce qu’ils parviennent à la station au sol.
On a beaucoup discuté, à l’époque, de l’introduction du système à bande latérale unique, un procédé hautement perfectionné qui avait les faveurs des militaires, plus riches et plus exigeants. La discussion se poursuit encore aujourd’hui. Une amélioration a consisté à augmenter la portée des stations VHF. Il semble qu’avec la méthode de diffusion troposphérique, ce moyen de communication soit utilisable sur les routes allant des îles HawaÏ à la côte californienne. Il a donné de moins bond résultats sur l‘Atlantique, bien que la portée du VHF de Shannon soit aujourd’hui très supérieure à ce qu’elle était. Avec les jets, ces problèmes ont perdu de leur acuité ; du fait que ces avions volent très haut ; les transmissions en VHF ont encore été grandement améliorées et, de plus, il s’écoule beaucoup moins de temps entre le moment où un avion quitte la limite de portée du VHF de Shannon et le moment où il peut entrer en contact avec le VHF de Gander. Par ailleurs, le nombre des points de comptes rendus de positions a été réduit de moitié. Mais la controverse se poursuit pour essayer de trouver le moyen sûr et efficace d’assurer un échange rapide des informations nécessaires entre les aéronefs et les stations au sol. Il est à la fois amusant et déconcertant d’assister aux délibérations de certains sous-comités, qu’il s’agisse de l’OACI ou de l’IFALPA. Le comité COM réclame d’urgence la suppression de presque tous les renseignements transmis par l’avion à la station au sol, cependant que, dans la salle voisine, le comité MET réclame parallèlement avec insistance que les comptes rendus de position contiennent davantage d’informations météorologiques, afin que les prévisions concernant les régions supérieures de l’espace aérien puissent être établies avec d’avantage de précision.
Les liaisons point à point ont été heureusement très améliorées par la pose d’un câble sous-marin direct entres les deux rivages de l’Atlantique. Les communications s’en sont trouvées accélérées et il n’y a plus aujourd’hui ces Blackout fréquents qui interdisaient toute liaison.
On se demande parfois, en revanche, si les informations qui sont transmises aujourd’hui facilement et rapidement par le canal de ces câbles sont d’aussi bonne qualité que celles qui étaient diffusées autrefois avec du matériel beaucoup moins perfectionné. Il est bien difficile de déterminer une méthode qui permettrait de comparer, d’une manière convaincante, les précisions respectives des informations météorologiques transmises autrefois et des informations acheminées aujourd’hui par des voies beaucoup plus rapides, mais un doute subsiste. Les prévisions météorologiques qui étaient établies autrefois à la main dans chaque station sont le plus souvent déterminées aujourd’hui par des calculateurs, puis diffusées dans le monde entier à grande vitesse. Elles sont reproduites sur des machines à photocopier qui occupent aujourd’hui les salles où se tenaient par le passé des météorologistes affairés qui avaient appris à lire dans les cartes du temps. Les cartes de prévisions du temps, telles que les établissent aujourd’hui les calculateurs, n’ont plus aucune personnalité et elles ne comportent aucun jugement et l’expérience, c’était autrefois les atouts majeurs du prévisionniste, à l’époque où la météorologie n’était pas uns science mais un art. Pour le calculateur aujourd’hui, tout se passe comme s’il existait une science météorologique. Pourtant, les exemples ne manquent pas pour prouver qu’il n’en est rien, qu’un calculateur ne peut pas prévoir où se trouvera ce soir tel ou tel ”jet stream » et que les informations qu’il est en mesure de vous donner sur le plafond et la visibilité dans la zone d’approche de votre aéroport de destination sont bien souvent vagues et incomplètes.
Coopération internationale.
La masse du public, en général, n’a pas saisi les détails de cette évolution qui s’est opérée et que nous avons retracée dans les lignes qui précèdent. Mais la plupart des passagers transatlantiques ont apprécié les résultats de cette évolution, et notamment le fait qu’ils disposent aujourd’hui d’un moyen de transport somme toute assez confortable qui leur permet de franchir toujours plus vite et à moindre prix un océan moins que placide. Le résultat a été saisissant et le trafic a fait un bond en avant ; le nombre des transporteurs aussi. Ceux qui existaient avant-guerre sont bien entendu tous présents sur l’Atlantique Nord ; à eux sont venus se joindre des compagnies dont le pavillon national n’avait encore jamais été vu aussi loin des frontières de leur pays. Il y a eu sans doute à cela des raisons variées, que l’on peut seulement deviner. Entre autres, c’était un moyen relativement bon marché de montrer son drapeau sous toutes les latitudes et, pour un bon nombre de dirigeants, il y avait le fait que le transport aérien était en passe de devenir le vrai moyen de transport. Pour les gros navires, il faut des ports et de toute façon, ils ne peuvent pas atteindre l’arrière-pays ; les transports ferroviaires ou routiers sont limités par des barrières naturelles. L’avion, au contraire, est libéré de toutes ces servitudes.
C’est une chance, à la fois pour l’industrie aéronautique et pour les passagers aériens, que trois organisations internationales aient été constituées à l’époque où l’on en eut réellement besoin. L’IATA a réussi à diriger le caractère concurrentiel de ses membres dans des domaines où cette concurrence a pu s’exercer au profit de la clientèle. L’OACI a fait tout ce qu’elle a pu pour que toutes les questions touchant à la sécurité ne fassent pas l’objet d’une concurrence entre les compagnies et elle a établi des procédures et défini des normes pour les équipements. Si ces normes, admises aujourd’hui dans le monde entier, n’existaient pas, il ne serait pas possible d’aller en avion d’un point à un autre avec un seul lot d’appareils radio.
L’IFALPA, de son côté, a veillé à ce que ses membres ne traitent que de questions techniques, s’abstiennent de toute concurrence et suivent avec attention les activités des deux autres organisations internationales. C’est au total le public qui y a gagné.
La décennie actuelle est celle de l’avion à réaction subsonique. En 1965, l’OACI constituait un Groupe d’experts sur les besoins d’exploitation des avions à réaction. Il semble que ce Groupe composé de quatorze membres, ait influencé la construction ou la transformation de certains aéroports magnifiques – c’est le cas de Copenhague, de Bruxelles et de Paris – la mise en place d’un réseau d’informations météorologiques diffusées aujourd’hui en VHF à travers l’Europe de Shannon à Beyrouth, et la création aux approches des aéroports de couloirs de montée et de descente adaptés aux besoins et aux performances des avions à réaction.
Il est cependant un domaine où le Groupe n’a pu parvenir à un résultat. Il n’a pas réussi à convaincre les pays membres de l’OACI qu’il était urgent, dès 1957, de mettre au point un procédé de navigation permettant de mieux utiliser l’espace aérien. Il en est résulté pratiquement une situation sans issue sur l’Atlantique Nord. Pour tenter d’y remédier, l’OACI, insensible aux avertissements lancés par le Groupe et l’IFALPA, décida d’organiser à Montréal, en février et mars 1965, un meeting spécial pour examiner le cas particulier de l’Atlantique Nord. La situation entre-temps avait tellement évoluée que le seul moyen à cette époque pour faire voler d’avantage d’avions dans certains espaces aériens aux heures de pointe eu été de refondre entièrement les manuels d’opérations des compagnies aériennes et de permettre aux avions de voler plus prés les uns des autres. Certains se sont demandés, comment le fait d’adopter une rédaction nouvelle pourrait modifier des faits gouvernés par des lois physiques. Certains pays ont soutenu que les nouveaux systèmes de navigation étaient beaucoup plus précis et permettraient donc de réduire les espacements m,,inima.
L’IFALPA a répliqué que ces nouveaux procédés étaient d’excellents moyens de navigation (Doppler, inertie) mais qu’ils ne suffisaient pas pour traverser l’Atlantique en vol de groupe.
La controverse se poursuit et il n’y a pas de solution en vue pour le moment. Quel que soit le système adopté, il faudra qu’il convienne non seulement aux avions à réaction subsoniques et même aux hypersoniques. On n’a jamais vu un type d’avion rester plus de dix ans en service sur une ligne importante. Bientôt le SST remplacera le jet actuel et les bureaux d’études pensent déjà au successeur du SST, une machine qui croiserait à Mach 5,6, pourrait franchir 9000 kilomètres et dont la charge utile représenterait 20% de son poids maximal. Les profils de vol de tels appareils devront être calculés au plus juste et il faudra bien que les systèmes de navigation et de contrôle aérien en tiennent compte ; le plan proposé par le Groupe était applicable aussi bien aux avions actuels qu’aux avions de demain.
L’histoire du transport aérien sur l’Atlantique Nord, c’est un peu l’illustration d’une devise qui n’a rien perdu de son éclat bien qu’elle soit très ancienne “Ad astra per aspera”