INTERAVIA – Août 1966 : Le Lockheed L-2000-7

Principes généraux d’un avion de ligne supersonique

C’est au cours de l’été 1963 que le gouvernement des Etats-Unis a inauguré le programme SST. Dans l’exécution de ce programme, on a déjà franchi plusieurs étapes importantes, les phases I, IIA et IIB du projet et l’on entame actuellement la phase IIC du projet qui engage deux constructeurs et deux motoristes sous la tutelle de la FAA et durera dix-huit mois. Les objectifs visés dans la conception initiale de l’avion supersonique américain ont été plusieurs fois revus au cours de chacune des phases du développement dans les sens d’un durcissement des spécifications, avec tous les effets que cela implique sur la configuration des projets proposés. On a décidé, entre autres, de relever la vitesse minimale, d’améliorer la rentabilité, d’augmenter les rapports charge marchande/distance franchissable et on se montre moins tolérant pour les niveaux de bruit à l’atterrissage et au décollage.
Les retouches successives des objectifs initiaux ont conduit à un projet notablement différent du schéma original, élaboré au cours de la phase 1 du programme et mis au net à la fin de l’année 1963. Il s’agissait à cette époque de dessiner un appareil pour 150 passagers au minimum. Très progressivement, le processus de développement, a amené les ingénieurs à concevoir un appareil aux performances et à la capacité accrue, au prix d’une certaine augmentation du poids au décollage. Nous indiquons ci-après quelques unes des spécifications de la FAA ayant servi à établir les caractéristiques générales de l’appareil, tant du point de vue technique que du point de vue de l’entretien :

 Charge payante pour une distance minimale franchissable de 6400 kilomètres, au moins 18.100 kg.

 Distance maximale de décollage, 3200 mètres.

 Distance maximale d’atterrissage, 2440 mètres.

 Durée de vie de la structure portante : 50.000 heures au moins (si possible, illimitée).

 Temps d’immobilisation au sol : 30 minutes aux escales et 90 minutes aux points terminaux.

 Fiabilité : au moins égale à celle des meilleurs appareils subsoniques actuellement en service.
Ces critères ont été respectés par le projet L-2000-7 de la Lockheed Aircraft Corporation que nous allons décrire, dans ses traits essentiels. Voici d’abord les principales caractéristiques opérationnelles de l’appareil : poids maximal au décollage : 22.700 kg, poids maximal à l’atterrissage : 145.000 kg, charge utile : 27.010 kg, capacité : 255 passagers dont 90% en classe touriste, vitesse de croisière : Mach 2,7

Maquette en vrai grandeur de l’avion de ligne supersonique L-2000-7 étudié par Lockheed

Ceux qui ont suivi attentivement la progression du programme SST se souviennent que le projet Lockheed antérieur tablait sur une vitesse correspondant à Mach 3. Le nombre de Mach actuellement prévu, soit 2,7 est le résultat d’une analyse des relations optimales entre, d’une part, le rendement charge payante/distance franchissable et, d’autre part, les phénomènes parasites (dus à l’échauffement cinétique et à d’autres causes) qui prennent une grande amplitude autour de Mach 3. Lockheed estime plus avantageux d’envisager une vitesse éventuelle de Mach 3 à un stade de développement ultérieur et en tient compte dans le projet détaillé.

Structure de la cellule

Considéré du point de vue de la configuration structurale, le Lockheed L-2000-7 n’a rien de commun avec le matériel volant actuellement en service sur les lignes commerciales. En regard des valeurs couramment adoptées, l’aile est extrêmement mince, avec une épaisseur relative de 2,5%, alors que celle du Lockheed Electra, par exemple, est de 13%. L’importance de la traînée aérodynamique à conduit à donner au fuselage du Lockheed L-2000-7 un diamètre proportionnellement beaucoup plus faible que celui des gros appareils subsoniques : il est de l’ordre de celui du Douglas DC-9, mais inférieur à celui du Lockheed Electra. Le nez du fuselage et les sections de queue sont très effilés, toujours pour des raisons aérodynamiques. Le nez peut pivoter dans le prolongement du fuselage en vol de croisière, il s’abaisse à fond pour les décollages et les atterrissages et prend une position intermédiaire en vol subsonique. Chaque atterrisseur constitué de six roues a son logement ménagé dans la section centrale de l’aile, car la section extérieure n’est pas assez épaisse pour l’accueillir. Les réservoirs de carburant sont aménagés, eux aussi, dans la section centrale de la voilure ainsi que dans les parties de la voilure accrochées au fuselage.

Une analyse approfondie de la flèche optimale des bords d’attaque et de fuite a conduit à une forme d’aile qui se distingue nettement de celle des versions antérieures du projet Lockheed. Ces changements, y compris la torsion et la cambrure de l’aile, ne frappent pas particulièrement le regard ; ils sont le fruit de l’analyse complète de nombreux paramètres, particulièrement des relations entre la finesse aérodynamique dans le vol à grande vitesse, d’une part, la maniabilité à vitesse subsonique et le comportement au décollage et à l’atterrissage, d’autre part. Des volets de bord d’attaque ont été prévus pour le vol à faible vitesse ; en revanche, les volets d’atterrissage classiques ne sont pas nécessaires sur cet appareil, car l’aile en delta ne décroche pratiquement pas et, de plus, sa large surface et son implantation basse donnent naissance à un important effet de sol à l’arrondi. Afin d’améliorer les performances en vol de croisière, la partie antérieure de l’aile en delta a été réduite mais elle joue toujours son rôle qui consiste à compenser le déplacement vers l’arrière du centre de poussée lorsque l’avion passe du régime subsonique au régime supersonique.
Les nacelles des réacteurs sont accrochées sous l’aile et montées parallèlement deux à deux, dans un but de simplification structurale d’abord, mais aussi afin que les quatre tuyères se trouvent au niveau du bord de fuite de l’aile. Cette disposition réduit les contraintes sur la structure arrière de la voilure et permet donc d’éviter les phénomènes de fatigue provoqués par les gaz d’éjection. L’espacement des nacelles et l’alignement des entrées d’air ont été calculés soigneusement pour éviter les effets d’interférence des ondes de choc. En même temps, la position très en arrière des nacelles empêche la formation d’effets tourbillonnaires comme il s’en produit par suite de la variation de l’angle d’arrivée du flux d’air, notamment dans les phases transsonique et supersonique.

Le fuselage repose, sur la plus grande partie de sa longueur, sur l’extrados de la partie centrale de l’aile qui sert à soutenir le plancher de la cabine. Dans la partie la plus épaisse de la section centrale de l’aile (cf. vue éclatée page suivante) se trouvent les logements des atterrisseurs principaux, des réservoirs de carburant et différents blocs d’équipement. Sur une grande partie de la longueur de la cabine, le fuselage a un diamètre constant ; sa construction, classique, est à base de cadres et de lisses, espacés à peu de choses près comme ceux d’un avion subsonique. Entre les cadres s’ouvrent tout le long de la cabine et à 43 centimètres les uns des autres, des hublots munis d’une triple épaisseur de glaces ; leur diamètre a été volontairement réduit pour accroître le temps de décompression en cas de rupture à l’altitude de croisière. Le large pare-brise du poste de pilotage est fait également de trois glaces entre lesquelles est injecté un courant d’air froid. La partie qui pivote à l’avant du poste de pilotage n’est pas pressurisée, mais des réservoirs d’air comprimé y sont prévus pour maintenir des conditions de fonctionnement satisfaisantes pour le radar et les autres équipements électroniques. La partie arrière du fuselage située au-dessous de l’empennage vertical n’est pas non plus pressurisée ; elle abrite des éléments de commande de la gouverne de direction.

Le Lockheed L-2000-7 mesure 82,50 mètres de longueur totale – 35,40 mètres d’envergure et 14,60 mètres de hauteur hors-tout. L’aile en double delta est cambrée et gauchie, les seules surfaces mobiles étant d’une part les élevons (pour les contrôles longitudinal et latéral) et d’autre part les volets de bord d’attaque (pour augmenter la portance aux faibles vitesses). Le diamètre du fuselage est beaucoup plus petit que celui des avions à réaction subsoniques actuels. La plus grande partie du fuselage repose sur l’aile en ”delta » dont la structure est ainsi judicieusement utilisée pour soutenir le plancher de la cabine
Dans le dessin du train d’atterrissage, on a tenu compte de l’angle sous lequel s’effectuera l’approche de l’appareil et qui sera relativement élevé (9° environ), une tolérance raisonnable étant toutefois prévue pour l’arrondi. L’atterrisseur avant et les atterrisseurs principaux peuvent descendre par gravité en cas de panne du système de commande. Une barre de verrouillage, dispositif adopté pour la première fois sur le Lockheed Electra rend inutile l’emploi de goupilles de sécurité au sol. Les atterrisseurs principaux, constitués chacun de trois paires de roues, supportent 93% du poids de l’appareil.

Pour maintenir à un niveau acceptable les charges exercées sur le revêtement de la piste, chaque atterrisseur principal du Lockheed L-2000-7 comporte six roues disposées par paires. Les atterrisseurs principaux et l’atterrisseurs avant peuvent descendre par gravité. Le train principal supporte environ 93% du poids de l’avion.
Pour ce qui concerne la cellule, le problème principal a été bien entendu celui de l’échauffement cinétique. Les paliers de température correspondant aux diverses phases d’un vol sur longue distance se succèdent ainsi : à la température du sol avant le départ, l’avion se refroidit pendant le vol ascensionnel, puis s’échauffe atteignant 225°C à la fin de la phase supersonique ; la phase de descente et le vol subsonique entraînent ensuite un fort refroidissement jusqu’à l’atterrissage. Dans le cas du Lockheed L-2000-7, on a eu recours à deux méthodes pour maintenir dans des limites raisonnables les phénomènes de gondolages du revêtement externe qui apparaissent lors de l’échauffement. Ainsi tolère-t-on dans les sections d’aile où les différences de température externe et interne sont assez sensibles – dans la région des réservoirs par exemple – un certain degré de déformation qui n’affecte pas la finesse aérodynamique de l’aile. Mais dans les surfaces soumises à des contraintes thermiques élevées, on a recours à une construction relativement rigide pour prévenir toute déformation. Ajoutons enfin que la grande aile en delta a une résistance à la flexion et à la torsion très élevée.

Bien entendu le choix des matériaux a été dicté lui aussi par les nécessités du vol à Mach 2,7. La limite d’utilisation des alliages d’aluminium se trouve aux environs de Mach 2,2, mais ce n’est pas là l’unique raison de l’emploi des alliages de titane comme matériau principal. Une étude comparative des qualités du titane, outre sa haute ténacité spécifique, présentait des avantages qui compensaient son prix actuellement supérieur à celui de l’acier.
Le titane peut être coulé, forgé, laminé, extrudé. On peut le mettre en forme et le souder (les procédés employés pour la soudure par fusion, par résistance électrique ou par bombardement d’électrons, cette dernière technique étant toute récente). Le titane se signale en outre par une grande avidité pour l’oxygène ; en contact avec celui-ci, il se recouvre d’une couche d’oxyde tenace et qui résiste mieux à la corrosion que l’acier inoxydable couramment employé en aéronautique.
Les spécifications de la FAA déjà citées exigent de la structure portante une durée de vie qui ne soit pas inférieure à celles des avions de ligne actuels et souhaitent même une vie illimitée si c’est possible. Dans le projet du Lockheed L-2000-7 on a tenu compte de ce souhait, ce qui n’exclut d’ailleurs pas la nécessité d’inspecter, d’entretenir et de réparer à intervalles réguliers l’appareil en service. Mais le remplacement d’éléments de la structure portante n’est pas envisagé quelle que soit la durée totale d’utilisation de l’appareil. On attend de la cellule en titane qu’elle présente, du point de vue de l’accès aux équipements et de la facilité d’entretien, des qualités au moins égales et peut-être même supérieures à celles des cellules classiques en alliage d’aluminium

Le nez du Lockheed L-2000-7 bascule vers le bas pour offrir plus de visibilité au pilote et par conséquent un maximum de sécurité pendant les manoeuvres d’atterrissage. Grâce à cette bonne visibilité et à la grande réserve de puissance disponible, le pilote sera aux commandes d’un appareil facilement maniable et d’un emploi très souple, conditions nécessaires pour qu’il puisse suivre entièrement les procédures d’approche et de décollage actuellement en vigueur dans les régions terminales.

1 – Poste de pilotage. 2 – Buffet. 3 – Rayons pour bagages à main. 4 – Issues de secours (trois de chaque côté dimensions 51 x 91 cm). 5 – Porte de soute (89 x 122 cm). 6 – Soute à fret (10,20 m3). 7 – Sièges personnel de cabine. 8 – Porte passagers. 9 – Vestiaires. 10 – Toilettes.

La cabine du Lockheed L-2000-7 est décidemment longue ! Il s’agit ici d’un aménagement en version mixte, soit : 10% des passagers en première classe (26 sièges, espacement 102 centimètres) et 90% des passagers en classe touriste (229 sièges, espacement 86 cm) avec un volume de soute de 49,10 m3.

Vue en coupe du fuselage du Lockheed L-2000-7 (les dimensions sont données en pouces). A part une légère courbure du plancher de cabine due à la forme du fuselage dessinée pour réduire au minimum la traînée, la cabine des passagers est aménagée de façon classique et offrira un confort égal ou même supérieur à celui des avions à réaction actuels.
Ci-dessous, ces deux dessins permettent de comparer les dimensions respectives du Lockheed L-2000 et l’avion de transport supersonique russe Tu-144. Les dimensions et les performances du Tu-144 sont comparables à celles de l’avion franco-britannique Concorde. En version touriste, le Tu-144 peut transporter 121 passagers, le projet de Lockheed prévoit une capacité de transport de 255 passagers et une vitesse correspondant à Mach 2,7.

Systèmes de propulsion

Le système de propulsion d’un avion de ligne supersonique diffère profondément des réacteurs classiques, relativement simples, qui équipent les avions subsoniques actuels. Il doit pouvoir fonctionner avec un rendement satisfaisant à trois régimes différents correspondant aux phases subsonique, transsonique et supersonique du vol ; la gamme de vitesses est très étendue et il est nécessaire de donner une section variable au canal d’entrée d’air et à la tuyère d’éjection ; le bon fonctionnement des systèmes très complexes employés à cet effet est tout aussi important que celui du moteur lui-même. Le rendement du système de propulsion complet – entrée d’air – réacteur – tuyère d’éjection – a une influence considérable sur la charge marchande, car celle-ci dépend de la consommation totale de carburant, donc directement de la finesse aérodynamique en vol de croisière supersonique.
Une description sommaire du système d’entrée d’air permettra de souligner au passage l’importance de celui-ci pour le succès de l’appareil. Dans le cas d’un avion subsonique, la manche d’entrée d’air du réacteur est constituée par un diffuseur relativement simple qui permet de diminuer la vitesse de l’air aspiré au profit de la pression statique à l’entrée du compresseur. Dans le canal d’entrée d’air d’un appareil supersonique, cette transformation de la pression dynamique de l’air aspiré en pression statique est un processus plus complexe, car le flux d’air admis à vitesse supersonique doit être ralenti de façon qu’il pénètre dans le réacteur à une vitesse optimale en tout cas à Mach 1. Pour diminuer la vitesse du flux d’air, on utilise un diffuseur supersonique, constitué en gros par un “coin” qui donne naissance à une onde de choc.
Il faut des temps d’immobilisation au sol très court pour qu’un SST soit rentable. Des études faites par Lockheed ont montré que les installations aéroportuaires actuelles permettraient d’accélérer au maximum les opérations d’assistance liées à l’exploitation du Lockheed L-2000-7 : 47 minutes aux points terminaux et 28 minutes aux escales. Le schéma ci-dessous montre comment seraient répartis autour de l’avion les différents matériels ou véhicule de servitude.

A – Véhicules avitailleurs. B – Passerelles télescopiques d’embarquement. C – Groupes électrogènes. D – Camion pour le service d’eau potable ou pour l’évacuation des eaux usées. E – Camions de ravitaillement des vivres et boissons. F – Chariots à bagages. G – Installation de climatisation au sol. H – Groupe de démarrage des réacteurs. I – Tapis roulant pour les bagages.
A bord d’un avion supersonique, on utilise de façon générale deux sortes de systèmes d’entrée d’air ; dans un des systèmes la compression se produit à l’extérieur, dans l’autre à l’intérieur du canal d’entrée à compression extérieure, l’onde de choc normale qui produit la compression de l’air et, partant, son ralentissement à vitesse subsonique est perpendiculaire à la paroi du canal d’admission et prend naissance juste à l’entrée de la manche ; dans le système d’entrée à compression mélangée, l’onde de choc normale se forme seulement assez loin en aval, donc à l’intérieur même de la manche. Dans le premier cas, l’air pénètre
dans la manche alors qu’il est déjà à vitesse subsonique et il suffit d’un diffuseur subsonique pour l’amener à la vitesse optimale. Dans le second cas, il faut prévoir deux diffuseurs consécutifs ; un diffuseur convergent pour le flux subsonique, un autre divergent pour le flux subsonique issu du premier.

Un autre facteur joue un rôle important dans la conception d’une manche d’entrée d’air pour avion supersonique. Si on calcule le système d’entrée pour obtenir la récupération optimale de la pression dynamique (comme c’est le cas, par exemple, dans l’entrée d’air à compression externe) et que l’air pénètre dans le diffuseur avec une vitesse subsonique, l’instabilité du flux peut amener des pulsions de celui-ci : les masses d’air admises dans le diffuseur sont alternativement accélérées et ralenties selon une fréquence de 3 à 5 Hz ; le phénomène désigné sous le nom de “inlet unstart” diminue fortement l’efficacité du diffuseur et provoque des effets structuraux et dynamiques intenses sur la cellule et sur le réacteur, qui peuvent conduire à un pompage du compresseur.
Afin de combattre cette tendance aux pulsations, on prévoit pour le Lockheed L-2000-7 une manche d’entrée à section variable dont le coin central se déplace continuellement pendant le vol normal afin de suivre les variations des conditions aérodynamiques internes ; celles-ci sont modifiées par exemple par le fonctionnement de la postcombustion ou par les variations de la vitesse de l’avion. Ainsi maintient-on à chaque instant la compression supersonique optimale et l’onde de choc normale à l’intérieur des limites déterminées à l’avance. On doit tenir compte également des perturbations extérieures, provoquées par les conditions atmosphériques, les manoeuvres de l’appareil ou par les ondes de choc provenant d’autres avions supersoniques. En conséquence, il faut veiller à la perfection du système d’entrée d’air autant qu’à celles des commandes de vol principales, ce qui implique d’attacher une importance aussi grande à son entretien et à sa fiabilité en exploitation.

Le système d’entrée d’air choisi par Lockheed est un système à compression mélangée, à démarrage automatique ; les dessins ci-dessous en montrent la configuration interne au décollage et en vol de croisière supersonique. Le coin d’entrée est de coupe rectangulaire mais sa forme peut être modifiée pour adapter la section d’entrée aux conditions opérationnelles. En outre, différentes entrées d’air disposées le long des parois extérieures permettent de maintenir l’admission d’air à un niveau suffisant et de stabiliser le flux en cas de perturbations. Le mécanisme de réglage du coin est actionné par deux circuits hydrauliques indépendants l’un de l’autre. Dans la manche sont disposés des capteurs qui mesurent la pression dans le canal et permettent de déterminer la position des ondes de compression ; leurs signaux commandent l’ouverture et la fermeture des clapets de flux secondaire et des prises d’air auxiliaires.

Le principal matériau utilisé pour la fabrication du système d’entrée d’air est le titane ; le mécanisme de réglage du coin est constitué également de pièces de titane travaillées à la machine. Dans la construction et la finition des parois intérieures du canal, il faut veiller à ce que les surfaces ne présentent ni ondulations ni irrégularités qui puissent donner naissance à des turbulences. Pour ce qui concerne l’entretien, il est important de protéger les bords d’attaque des manches, qui sont relativement minces, contre tout dommage.

Cette vue éclatée de la structure du Lockheed L-2000-7 illustre bien le fait que le projet de Lockheed ne ressemble à aucun autre avion de transport actuellement en service. On remarquera par exemple l’aile très mince et très grande dont l’épaisseur relative de 2,5% assure à l’appareil une très grande finesse aérodynamique en vol supersonique. La voilure en double delta permet au Lockheed L-2000-7 d’effectuer des manoeuvres de décollage, d’approche et d’atterrissage à faible vitesse sans qu’il soit besoin de dispositifs hypersustentateurs. En outre, l’avion ne décroche pas, même aux angles d’attaques élevés. Le Lockheed L-2030 pourrait être équipé de réacteurs à double flux Pratt & Whitney JTF17A 20L, soit de réacteurs à postcombustion General Electric GE4/J5K (représentés ci-dessus).
Le réacteur GE4/J5K de 23.000 kilos de poussée proposé par General Electric pour équiper les SST américain mesure plus de 7,5 mètres de longueur et presque 1,80 mètres de diamètre. Le dessin ci-dessus où sont représentés en superposition un Douglas DC-3 et un réacteur de SST donne une idée des dimensions de ce dernier.

Le système d’entrée d’air à section variable (dessins ci-dessous) qui doit être adaptée à toute la gamme de vitesses d’un avion volant à Mach 2,7 représente à lui seul un ensemble très complexe. Le dessin de gauche représente l’entrée d’air en régime subsonique, au décollage. Celui de droite représente l’entrée d’air en régime supersonique (vol en croisière). A – Vannes d’entrée d’air auxiliaires, ouvertes. B – Vannes de flux secondaires, fermées. C – Vannes de flux secondaires, fermées. D – Vannes d’entrée d’air auxiliaires fermées

Le nez peut pivoter dans le prolongement du fuselage en vol de croisière, il s’abaisse à fond pour les décollages et les atterrissages et prend une position intermédiaire en vol subsonique. Chaque atterrisseur constitué de six roues a son logement ménagé dans la section centrale de l’aile, car la section extérieure n’est pas assez épaisse pour l’accueillir. Les réservoirs de carburant sont aménagés, eux aussi, dans la section centrale de la voilure ainsi que dans les parties de la voilure accrochées au fuselage.
Dans la construction et la finition des parois intérieures du canal, il faut veiller à ce que les surfaces ne présentent ni ondulations ni irrégularités qui puissent donner naissance à des turbulences. Pour ce qui concerne l’entretien, il est important de protéger les bords d’attaque des manches, qui sont relativement minces, contre tout dommage.

Commandes de vol

Le système de commande de vol du Lockheed L-2000-7 (on devrait même dire les systèmes) est, en raison de la vaste gamme de vitesses qui caractérise cet appareil, beaucoup plus complexe que celui des avions subsoniques actuels. Il doit être adapté à chacune des phases essentielles du vol : décollage, accélération transsonique, vol de croisière à vitesse maximale et à altitude élevée, atterrissage. Pour ce qui concerne le décollage et l’atterrissage, les caractéristiques de maniabilité du SST doivent être au moins aussi bonnes, voire meilleures que celles des avions subsoniques. Mais il faut toujours prévoir la possibilité d’une défaillance des commandes assistées ; or, contrairement à ce qui se pratique sur la plupart des avions de lignes classiques, il est impossible de compter sur la commande manuelle des gouvernes en raison de l’importance des couples à appliquer.
Les spécifications FAA exigent la possibilité d’un atterrissage tous-temps dans la catégorie III ce qui suppose un système automatique de régulation de la commande moteurs, contrôlé lui-même par les signaux de l’autopilote et du directeur de vol. Le système de commandes de vol répond à toutes ces exigences et présente un degré de sécurité vraisemblablement plus élevé que les systèmes utilisés actuellement sur les avions de ligne. Le système de commandes de vol comprend grosso modo deux types principaux d’équipements :
– Les commandes principales de vol
– Les systèmes auxiliaires destinés à simplifier le pilotage.

Les commandes principales de vol (a) se divisent à leur tour en commandes primaires et en commandes secondaires. On entend, par commandes primaires, tous les systèmes mécaniques et hydrauliques qui permettent de commander les gouvernes. Sous la rubrique de commandes secondaires, on groupe la commande de trim, l’avertisseur de décrochage, etc.
Les commandes de vol primaires du Lockheed L-2000-7 contrôlent la position de l’appareil dans le plan horizontal et dans le plan vertical par l’intermédiaires de simples volets : l’aile en comprend huit, l’empennage vertical trois. Considérons d’abord la demi-aile. La gouverne intérieure sert de gouverne de profondeur ; les deux du milieu sont à la fois des gouvernes de profondeur et des ailerons (élevons) ; quant à la gouverne extérieure, elle joue le rôle d’élevon pour le contrôle en roulis aux basses vitesses. Toutes ces gouvernes travaillent dans l’axe de tangage et les deux du milieu opèrent en roulis à toutes les vitesses du vol ; le mécanisme de commande des volets comporte un mélangeur mécanique qui assure la transmission correcte des ordres roulis-tangage. L’empennage vertical comporte trois éléments commandés indépendamment les uns des autres ; le système de commande se trouve immédiatement au-dessous, dans la partie arrière du fuselage.

Alors que dans des avions de taille plus modeste, il est encore possible de faire courir la timonerie depuis le poste de pilotage jusqu’aux servocommandes sans aucun inconvénient, la taille du  exige un système de transmission plus compliqué. En raison du volume du système hydraulique et des pertes par frottement, il est indispensable de prévoir des relais de timoneries appelés “pilot assist servos” ou PAS (servocommandes de pilotage). Le noyau de l’installation est constitué par les actionneurs des gouvernes logés dans le fuselage, qui comportent des entrées pour les signaux des PAS et des SAS (stability augmentation servos : servocommandes des systèmes stabilisateurs) ainsi que pour les signaux intégrés du pilote automatique et des équipements de trim et de sensation artificielle.

Les efforts mécaniques exercés sur les commandes par le pilote et le copilote sont envoyés séparément aux actionneurs des gouvernes situés dans la section arrière du fuselage. En vol normal, les commandes du poste
de pilotage sont accouplées en sorte que chacun des pilotes peut actionner toutes les gouvernes et que celles-ci obéissent aux sollicitations d’où qu‘elles viennent. Mais dans le cas de détresse, il est impossible de débrancher partiellement ou complètement l’un des deux circuits de la timonerie, aussi bien pour le contrôle en roulis et en tangage que pour le contrôle en lacet.
Les systèmes appartenant à la catégorie (b) servent à simplifier le pilotage ; ils comprennent les dispositifs de stabilisation, un calculateur de paramètres air, le pilote automatique et le directeur de vol avec contrôle automatique de la commande moteur, le tableau des instruments d’essais et d’entretien et enfin les volets de bord d’attaque.
Grâce aux dispositifs stabilisateurs, les efforts effectifs à exercer sur les gouvernes sont relativement faibles, la stabilité aérodynamique de l’avion est améliorée et on vole en souplesse. En vol de croisière à vitesse supersonique, c’est probablement l’installation SAS qui accomplit la plus grosse partie du travail de pilotage.

Tous les autres dispositifs indiqués plus haut sont en connexion étroite. Les informations fournies par le calculateur de paramètres air sont affichées sur les instruments de surveillance de vol et transmises aux autres équipements automatiques. Parmi ces informations, on peut citer les signaux d’avertissement de décrochage qui provoquent des secousses sur le manche lorsque la valeur de l’angle dépasse les limites permises.
La plupart de ces équipements comportent trois circuits, ce qui permet de continuer à les utiliser en cas de panne de l’un d’eux. Un tableau d’instrument d’essais et d’entretien permet d’identifier la nature et la cause des défaillances et de vérifier en outre le bon fonctionnement de tous les équipements. Ce tableau peut aussi servir à la vérification pré-vol de tous les systèmes de bord.
Cette description de Lockheed L-2000-7 et de ces systèmes de bord n’a pas la prétention d’être complète. Mais elle permet de se faire une idée des problèmes qui se sont posés aux constructeurs, de la manière dont ils ont été résolus et des garanties de sécurité et de fiabilité qu’offre l’appareil dans les conditions d’exploitation.