Aviation Magazine – 15 au 31 Mai 1967 : Un gigantesque programme d’essais

Encore que la France, avec ses « Mirage” et la Grande-Bretagne, avec ses « Lighning“, aient acquis une solide expérience des avions militaires à Mach 2, tous les problèmes ne sont pas résolus pour les appareils civils supersoniques. Les deux pays ont entrepris un gigantesque programme d’essais statiques.
De nouveaux aspects du développement
Une vue des essais de pression sur l’éprouvette de la partie avant de Concorde, qui sont conduits au CEAT de Toulouse. Dans tous les domaines de la technique, un même souci de sécurité anime les industriels et les gouvernements aussi bien français que britanniques.

Installation d’essais de carburant à Filton faisant partie d’un ensemble très étudié où la méthode est de rigueur
La BAC participe dans une large mesure aux essais des composants et systèmes de Concorde. A Filton, un banc d’essais très complet a été construit à l’intention du circuit de combustible de l’avion.

L’ensemble de l’installation pèse 250 tonnes dont 82 tonnes de combustible. On sait qu’en dehors de l’alimentation des réacteurs, le circuit de combustible permet le déplacement du centre de gravité de l’avion par transfert du combustible d’un réservoir arrière vers un autre situé à l’avant, et est, de plus, utilisé comme échangeur absorbant les excédents de chaleur dégagée par certains équipements de l’avion.
Réalisé pour obtenir l’autorisation de vol du Concorde, ce banc qui reconstitue l’installation des deux prototypes sera modifié par la suite afin de coller aux avions de série et de poursuivre des essais similaires jusqu’à la certification finale.
Le banc servira encore à simuler les pannes du circuit et à les étudier, de même qu’à mettre au point les systèmes de servitude au sol.
Des vérins électriques entraînés par des moteurs dont la puissance est de 50 ch en roulis et 175 ch en tangage, permettent de donner à l’ensemble des inclinaisons de 10° en roulis de chaque côté et une assiette longitudinale de – 16° à – 50). Et cet angle de cabré, très supérieur à la normale permet de simuler les effets de l’accélération sur la position d’équilibre du combustible dans les réservoirs.
La simulation des effets de l’altitude est obtenue en reliant les sorties de mises à l’air libre de chaque réservoir à un caisson réduisant la pression au niveau de celle rencontrées à 20.000 mètres.
Les taux exacts d’échauffement des réservoirs sont reconstitués par circulation d’azote chauffé le long des parois extérieures.

Bien entendu, les réacteurs n’’étant pas montés, leur consommation est simulée, le long du vol, par une série de pompes qui puisent le combustible à leur place et les déversent dans des soutes de stockage d’où il est ensuite réutilisé, au vol suivant, en respectant fidèlement les conditions de ravitaillement réelles de l’avion.
Les essais sont commandés à partir d’une centrale, réunissant les pupitres de contrôle et le matériel d’enregistrement des paramètres issus de quelque 300 points de pression et d’une centaine de prises de température.
Par ailleurs, la BAC a réalisé une maquette grandeur nature de l’appareil. Cette maquette est située à la hauteur exacte de l’avion, au-dessus du sol, le seuil des portes d’accès se trouvant à l’avant à 4,70 mètres de hauteur. L’assiette de l’avion, est de 1,5° positive.

Cette maquette grandeur nature de Concorde réalisée à Filton par la British Aircraft Corporation et destinée à la promotion des ventes de l’appareil. C’est grâce à cette maquette que les utilisateurs intéressés par Concorde peuvent matérialiser leurs désirs dans le domaine de l’aménagement de l’avion.

L’aménagement de la cabine, longue de près de 40 mètres et large de 2,50 mètres est celui pour 136 passagers touristes avec des travées de quatre fauteuils espacés de 0,86 mètre et un couloir central de 0,46 mètre au droit des accoudoirs. Les quatre grandes fonctions dévolues à cette maquette sont les suivantes :
 Préciser d’abord, la conception technique de l’aménagement de la cabine en fonction des compagnies clientes.
 Etudier et mettre au point les équipements et règles de sécurité.
 Eprouver le fonctionnement et la manutention des servitudes du sol et des moyens de service des passagers.
Cela va du camion venant changer la vaisselle, jusqu’à la simple échelle d’accès aux portes en passant par la place du groupe de démarrage des moteurs, etc.
 Enfin, permettre aux compagnies d’affronter leurs conceptions propres et matière d’aménagement et de service avec l’aménagement type qui leur est proposé. D’ailleurs le hall abritant la maquette est flanqué d’une salle de conférence dont les fenêtres donnent directement sur le modèle. Un modèle de 13 tonnes, ne comprenant qu’une demi-aile. Celle-ci sera, cependant suffisamment résistante pour permettre à 40 personnes d’y stationner lors des expériences d’évacuation d’urgence. En effet dans ce cas, les passagers provenant des issues de secours donnant sur l’aile dont la profondeur est la plus grande jamais connue, devront emprunter la voilure avant de regagner le sol.

Toutes les procédures de sauvetage pourront donc, avec la maquette être mises au point, y compris le grand saut de 5 mètres inévitable dans le cas où l’appareil est sur ses roues alors qu’une évacuation s’impose.

La phase prototypes

L’Olympus équipera Concorde

A gauche : la maquette grandeur nature de l’Olympus 593 B développé par Bristol Siddeley Engines et la SNECMA, est actuellement à Toulouse et facilitera le montage sur Concorde des réacteurs réels dès leur livraison sous quelques semaines. A droite : la partie arrière de l’Olympus, étudiée et mise au point par la SNECMA (tuyère, inverseur de poussée et silencieux rétractable)

La FAA a demandé que les hublots des Concorde de série, soient plus petits que ceux montés sur le prototype. Cette modification diminue les effets d’une décompression explosive à haute altitude résultant d’une défaillance accidentelle de la structure ou bien de la malveillance d’un passager tirant une balle dans un hublot

Montés sur le prototype assemblé à Toulouse : à gauche : le train principal de Concorde, étudié et construit par Hispano-Suiza, à droite : le train avant, réalisé par Messier.

Le premier prototype de Concorde prend forme à Toulouse. Les trains d’atterrissage, les nacelles réacteurs sont montées. Premier vol : début 1968. Le 2ème prototype est en assemblage à Filton.

Concorde vole déjà…

Cette illustration fait apparaître la visibilité offerte au pilote de Concorde au cours de la phase approche avant l’atterrissage.

A Toulouse, le simulateur de vol, étudié et réalisé par LMT-Redifon, fait déjà voler Concorde. Sur la photo ci-dessous, la cabine et la projection sur écran de la piste.

L’avenir commercial

Sud Aviation et British Aircraft Corporation ont étudié l’avenir commercial de Concorde par rapport aux différents contextes du transport aérien au cours de la prochaine décennie.

Témoins ces trois graphiques.

La pénétration de l’aviation supersonique en général en fonction de la clientèle et des différences de tarifs aériens.

La pénétration de Concorde dans le trafic de l’Atlantique Nord, compte tenu de la présence des avions subsoniques et de l’appareil de transport supersonique américain (Boeing 2707).

Pénétration comparée des appareils subsoniques et supersoniques sur les réseaux autres que ceux de l’Atlantique Nord, avec introduction des paramètres haute et basse densité.