Air & Cosmos – 9 Mai 1964 – La version améliorée du Concorde

La version améliorée du Concorde

Le comité technique de l’IATA, réuni en session à Beyrouth, a consacré la journée du 6 mai à entendre un groupe d’experts de Sud Aviation, de la BAC, de Bristol-Siddeley et de la SNECMA et à discuter avec eux de Concorde. Les représentants des plus grandes compagnies de transport aérien du monde ont été ainsi informés des récentes améliorations apportées à l’avion de transport supersonique franco-anglais.

 

 

La première éprouvette complète d’un tronçon du fuselage central de Concorde. Réalisée à l’usine Sud Aviation de Toulouse-Blagnac, elle participera à une série d’essais à haute et basse température, portant sur la pressurisation et les effets des contraintes thermiques, ainsi qu’à d’autres recherches sur la structure.

L’équipe franco-anglaise était dirigée par M.W.J Jakimiut (Sud Aviation) et Mr.G.E Knight (BAC), co-directeur des ventes de Concorde. A l’issue de cet échange de vues, MM. Knightet Jakimiuk ont déclaré qu’ils espéraient avoir plus que justifié les choix fondamentaux concernent la vitesse et les dimensions de l’avion ; le vol à Mach 2,2 n’exige pas, en particulier, comme c’est le cas pour le vol à Mach 3, un programme coûteux de recherches fondamentales dans les domaines de l’aérodynamique, des matériaux qui devraient être aptes à supporter des températures de 300°, des carburants, des lubrifiants, des produits d’étanchéité, des plastiques, etc. De plus, dans le cas à Mach 2,2 (120°), les alliages légers ont des propriétés bien connues grâce à 40 années d’études et de recherches. Quant aux moteurs, ils dérivent d’un réacteur connu (Olympus) et restent à une échelle raisonnable.

 

 

Dans la nouvelle salle de Toulouse-Blagnac, préparation du tracé en vraie grandeur de la voilure. Ce travail exige la plus grande précision (1/10ème de mm) car il servira à la construction des prototypes.
La première éprouvette complète d’un tronçon du fuselage central de Concorde. Réalisée à l’usine Sud Aviation de Toulouse-Blagnac, elle participera à une série d’essais à haute et basse température, portant sur la pressurisation et les effets des contraintes thermiques, ainsi qu’à d’autres recherches sur la structure.

Les nouvelles caractéristiques

Mais c’est évidemment la nouvelle définition de l’avion qui était attendu avec impatiente. Nous ne pouvions alors faire que de reproduire le texte officiel du communiqué conjoint Sud/BAC, en notant qui confirme nos précédentes informations sur l’accroissement à 148 tonnes du poids total de l’appareil.

Au moment d’entrer dans la phase active de construction, des prototypes de l’avion de transport supersonique Concorde, la mise au point de l’appareil vient de marquer une étape importante qui a permis d’enregistrer des progrès substantiels portant essentiellement sur la charge marchande et le rayon d’action. Les conclusions des études effectuées jusqu’à ce jour ont montré qu’il était dès maintenant possible d’améliorer le moteur et d’obtenir de lui, pour un même maître-couple de nacelles, une poussée supérieure aussi bien en croisière qu’au décollage. Dès lors, pour profiter pleinement de ces nouvelles performances, les avionneurs ont décidé d’augmenter de 15,5% la surface de la voilure, ce qui améliore en même temps les principales caractéristiques de l’avion, et ses qualités au décollage et à l’atterrissage, et augmente la capacité de ses réservoirs en carburant.

Ces principales modifications apportées à l’avion sont résumées dans le tableau reproduit ci-dessous :

– L’envergure et la profondeur de la voilure ont été augmentées de 7,5% de même que la surface de l’empennage vertical.

– La poussée développée par le moteur Bristol-Siddeley/SNECMA Olympus, passera d’environ 14,500 kg pour les premiers moteurs livrés, à environ 16.000 kg, très peu de temps après la mise en service.
Ces développements ne modifient pas les dates qui avaient d »jà communiquées au public, à savoir : un premier vol de prototype en 1967 et mise en service en 1971.

Caractéristiques de Concorde
Nouvelle version
Configuration d’origine
Longueur totale
56,1 mètres
51,8 mètres
Envergure
25,56 mètres
23,4 mètres
Masse maximale au décollage
148 tonnes
130 tonnes
Masse sans carburant (zéro fluel veight)
74,8 tonnes
68,5 tonnes
Masse maximale à l’atterrissage
90,7 tonnes
79,3 tonnes
Charge marchande maximale
11,8 tonnes
9,07 tonnes

Effets sur les capacités offertes

L’augmentation de la surface de la voilure de Concorde entraîne une plus grande capacité des réservoirs d’ailes, qui permet le fuselage de la majorité des réservoirs qui y avaient été précédemment logés, et par conséquent de dégager un certain volume utilisable pour le transport de fret. L’ensemble des dispositions prises et une modification de l’aménagement permettent d’augmenter sensiblement le nombre des sièges offerts et de porter ce nombre jusqu’à 118.

Rayon d’action et charge payante

La quantité accrue de carburant transportable permet en premier lieu d’augmenter les réserves possibles sur les parcours transatlantiques de Londres et Paris à New York, ou sur des routes similaires. Ces réserves étaient déjà, au premier stade de définition de l’avion, très supérieures à celles que demandait la FAA aux Etats*Unis dans sa définition d’un avion supersonique américain, mais pour répondre au souci constant des compagnies, celles qui sont offertes aujourd’hui sont calculées comme pour les jets classiques.

Cependant, on peut raisonnablement espérer que, en 1971, les conditions opérationnelles de croisière d’attente, etc, auront bénéficié de nouveaux équipements plus modernes, ce qui se traduira par des économies de carburant et par conséquent par un accroissement du rayon d’action.
Enfin, en adoptant la nouvelle version, les constructeurs s’assurent contre d’éventuelles variations mineures de certains paramètres fondamentaux : traînée, consommation spécifique, etc, qui pourraient apparaître ultérieurement.

Moyen-courrier

Les masses et les charges payantes indiquées concernent l’utilisation de Concorde en long-courrier. Les améliorations indiquées se traduisent aussi par des avantages considérables dans une exploitation du type moyen-courrier, grâce à l’augmentation de la longueur du fuselage. De ce fait les charges payantes pourront être notablement augmentées en raison de la r éduction de la masse du carburant nécessaire sur ces longueurs d’étapes.

Bang sonique

L’intensité du bang sonique, qui aurait pu risquer de devenir un peu plus forte avec l’augmentation du poids, sera atténuée par l’effet favorable d’une charge alaire moins élevée et ne créera pas de problème nouveau. Ce phénomène résulte d’un effet de portance, d’une part, d’un effet de volume, d’autre part et l’accroissement du second sera compensé par la diminution du premier.

Les représentants de SUD et de la BAC ont conclu ainsi leurs exposés : ”Nous avons que nous avons des problèmes importants à résoudre, mais qui ne sont pas fondamentalement différents e ceux que posent tous les avions modernes. Nous n’allons pas au-delà des frontières de nos connaissances actuelles en aérodynamiques, en matériaux, en moteurs. L’avion Concorde est une entreprise réaliste, son programme de production et les délais que nous sommes fixés le sont aussi ».

Premier vol du BAC 221

C’est le 1er mai, sur le terrain de Filton que l’appareil expérimental BAC-221 a effectué son premier vol de 23 minutes. D’après Godfrey Auty (chef-pilote de la division de Filton de la BAC qui était aux commandes, ce premier vol s’est révélé très satisfaisant ; l’appareil aurait atteint une vitesse de 450/500 km/h ; un deuxième vol était prévu pour le début de cette semaine.

Ce début des essais en vol du BAC-221 coïncide donc avec la publication des caractéristiques définitives de Concorde. Rappelons d’abord ce qu’est ce curieux appareil, à la silhouette mêlant bizarrement une certaine grâce à une inquiétante complexité : le BAC-221, construit par la division Filton (précédemment Bristol Aircraft Ltd) de la BAC, sur contrat du Ministère britannique de l’Aviation, sera utilisé par le RAE (Royal Aircraft Establishement) de Bedford pour explorer en vol les caractéristiques aérodynamiques de la voilure « ogivale” de Concorde, et pour en vérifier et en mesurer les qualités de stabilité, de rentabilité, et de pilotage.

 

 

L’enveloppe de vol prévue couvre toute la gamme des vitesses subsoniques, transsoniques et supersoniques jusqu’à Mach 1,6 (1700 km/h). Cette enveloppe complètera évidemment celle déjà explorée, aux très basses vitesses grâce au Handley Page-115, aux essais depuis août 1961. La limite supérieure prévue, celle de Mach 1,6, est évidemment relativement éloignée de la vitesse maximale de Concorde (Mach 2,2/2,3, mais cette marge ne présente que peu d’importance car l’expérience acquise en particulier au moyen des très nombreux essais poursuivis en soufflerie) a prouvé qu’entre Mach 1,6 et Mach 2,2, les caractéristiques d’écoulement aérodynamique et de pilotage de ce type de voilure ne présentaient pas de différences substantielles.

Deux procédés classiques seront utilisés pour étudier l’écoulement général, en particulier la formation du système tourbillonnaire propre à cette forme de voilure : la mesure des pressions en de nombreux points de la voilure, avec enregistrement automatique sur film, et visualisation par brins de laine, une caméra montée sur la dérive enregistrant à la demande leurs mouvements. Ces deux procédés permettant de vérifier la bonne correspondance attendue ente les essais en vol et les essais en souffleries.

 

 

La mesure des caractéristiques de stabilité et de maniabilité s’effectuera simultanément au moyen d’enregistreurs cinématographiques automatiques branchés sur les multiples instruments de mesure prévus sur l’appareil (mesure des temps de reprise, des vitesse angulaires et accélérations sur les trois axes). On étudiera en particulier le comportement de l’appareil en fonction des diverses valeurs pré-affichées sur le dispositif de stabilisation automatique monté sur le BAC-221, ce qui revient à faire varier la stabilité de l’avion, et à lui faire jouer le rôle d’un simulateur volant.

Rappelons enfin que le BAC-221 est en fait l’ancien Fairey FD2 (qui détint un moment le record du monde de vitesse avec 1882 km/h), modifié et même reconstruit en bonne partie : le fuselage a été allongé de 1,80 mètre, afin de pouvoir contenir le carburant nécessaire, et recevoir une voilure entièrement nouvelle, ayant la forme en plan de Concorde. Le nez avant basculant a été conservé, ainsi que le réacteur Rolls-Royce Avon RA38. Par contre, le train d’atterrissage est plus long et les entrées d’air sont nouvelles également. Les discussions principales sont les suivantes : envergure 7,62 m ; longueur 17,53 m ; hauteur 3,45 m ; allongement géométrique 1,22 ; épaisseur relative de la voilure 4,5% ; poussée du réacteur 4600 kg.