Quelques souvenirs marquants de 24 années passées à la maintenance Concorde.

02 Août 1986

Pour la première fois, un Concorde va se poser sur l’aéroport de Leeds Bradford, et c’est un Concorde d’ Air France. Le  F-BTSD.

Vol charter AF 4887. CDG/LEEDS  AF 4888 LEEDS/CDG.

CDB.Mr Machavoine / OPL. Mr Ringenbach / OMN.Mr Poulain.

Leeds est une ville du nord de l’Angleterre, située dans le comté du Yorkshire ouest, à 275 km de Londres.

J’étais, à l’époque, technicien d’escale à l’aéroport de Londres Heathrow, (1985 à 1989) et le seul à être qualifié Concorde, sur 8 techniciens présents.

Durant ces 4 années passées à Londres, j’ai donc assuré l’assistance technique de tous les vols charters ou spéciaux de Concordes AF, venant se poser sur le territoire britannique ou irlandais.

Ce vol étant programmé, l’escale de Londres prévoit ma mise en place la veille, à proximité de Leeds, (hébergement à Otley, à environ 10 km de l’aéroport).

L’escale de Londres met à ma disposition un véhicule commercial de la Compagnie, afin de transporter  matériels et pièces nécessaires.

Ma mise en place le vendredi 1er Août se fait sans problème. Ayant été prévenu des risques de trafic routier intense le samedi matin, (l’arrivée du Concorde est prévue vers 11h00 locale), je prends mes dispositions pour partir suffisamment tôt de Otley, sachant que je dois être présent à l’aéroport au moins 1h ½ avant l’arrivée pour préparer et vérifier le matériel de piste mis à notre disposition par l’aéroport de Leeds.

Bien m’en a pris, car à peine à mi chemin de l’aéroport, je suis pris dans un embouteillage monstre…..cela avance de quelques dizaines de mètres toutes les 10 minutes.

La tension monte, voyant que je risque d’être vraiment en retard, lorsque j’avise, plus loin, à hauteur d’un rond-point, la présence de plusieurs polices mens, tentant de régler la circulation. J’en interpelle un, me présente, lui explique pourquoi je suis là (citant Concorde plusieurs fois) et ce que je dois aller faire à l’aéroport. Il m’annonce que tous les axes routiers convergeant vers l’aéroport sont saturés.

Voyant mon désarroi, il me demande de me garer sur le rond-point, prend sa radio mobile et avise, je pense, ses autorités. A peine 10 minutes après cette intervention, 2 motards de la police routière britannique arrivent. Présentations, et ils m’avisent qu’ils vont m’ouvrir la route et m’accompagner jusqu’à l’aéroport.

J’avoue que je ne m’attendais pas à ça et que cela m’a fait drôle de devenir subitement, « Voiture Officielle ».

Le reste du parcours s’est passé à vitesse lente, certes, mais sans arrêts, grâce aux feux clignotants et aux sirènes hurlantes des motos.

J’ai pu ainsi atteindre l’aéroport dans les délais, grâce à la compréhension et à la célérité de la police britannique.

Arrivé sur le tarmac, je n’étais pas au bout de mes surprises et émotions. Tout autour de l’aéroport et sur les collines environnantes, qui longent l’axe de piste, des voitures, des caravanes, camping-cars, stationnent dans tous les sens. Une foule dense, compacte, a envahit ces collines. C’est impressionnant, je n’ai jamais vu cela, cet engouement pour Concorde. Combien de personnes sont là ?

J’apprendrai, plus tard, lors du cocktail offert par le président de l’aéroport aux passagers et au personnel AF, que le nombre est estimé à 60.000 personnes tout autour de la plateforme, que bon nombre sont là depuis la veille, voir plus.

Lorsque Concorde s’est enfin présenté en approche finale et s’est posé sur la piste, les collines se sont constellées de milliers d’éclats blancs, chacun voulant fixer sur la pellicule cet évènement. Le moins que je puisse dire, c’était éblouissant !!!!

La visite technique de l’avion s’est passée sans problème majeur, avec l’aide du technicien convoyeur, Jean-Pierre Laurans, du département maintenance de CDG.

De nouveaux passagers embarquent et, vers 14h00, le Concorde décolle à destination de Paris, toujours avec grâce et beauté, dans le bruit si caractéristique et rageur de ses réacteurs.

De toutes les missions techniques Concorde que j’ai pu effectuer, c’est celle de Leeds qui m’a vraiment le plus marqué, le plus impressionné.

J’ai vécu des moments forts et inoubliables.

– Mon trajet vers l’aéroport avec le soutien de la police locale….. Cela n’arrive pas tous les jours et encore moins à tout le monde. Une fois de plus, je me suis aperçu que le mot « CONCORDE » est un sésame, il attire l’attention, développe un intérêt.

– La présence de cette foule inattendue d’admirateurs de Concorde. Cela fait chaud au cœur.

Daniel.

Ancien de la maintenance Concorde