Un coup d’oeil sur les activités du centre d’essais de la BAC à Fairford
Article de D. H. CHOPPING. Interavia-Genève
Concorde est un avion très précis et plus facile à piloter que ne le laissait prévoir le simulateur. Nous volerons à Mach 2 au début de l’an prochain – Brian Trubshaw, directeur des essais en vol et chef-pilote d’essais. C’est un avion qui, de façon générale, ne pose aucun problème ; les moteurs fonctionnent aussi régulièrement qu’une machine à coudre. – Brian Watts, mécanicien navigant.
La première fois que j’ai verrouillé la visière en position de vol de croisière, tout est devenu si calme que j’ai cru les moteurs arrêtés. Dans cette configuration, l’appareil présente la forme aérodynamique idéale. – John Cochrane, chef-pilote d’essais adjoint. Le taux de disponibilité générale de l’avion est si élevé qu’il serait possible de voler tous les jours sans les nécessités du programme de modifications et la vérification des composants. – Charles Andrews, directeur de la maintenance. Autant de louanges qui se passent de commentaires…
Lors de notre visite au centre de Fairford, à la mi-juillet, Brian Trubshaw, le chef-pilote d’essais de la BAC, a fait le point sur les essais en vol de Concorde : l’appareil a volé à Mach 0,94 et à une altitude de 12.800 mètres (prototype 001 opérant à Toulouse) ; poids maximal au décollage réalisé aux essais, 131.500 kg (poids maximal au décollage calculé pour le prototype, 137.500 kg) ; l’appareil a atterri sans l’aide d’autostabilisateurs ; des approches sur 3 et 2 moteurs ont été exécutées ; des essais d’extinction et de rallumage des moteurs ont été effectués avec succès.
Le programme des activités pour juillet et août du centre de Fairford prévoyait la poursuite des essais en vol subsonique du prototype 002 en vue d’atteindre le stade des essais supersoniques. Le premier objectif était la mise au point des entrées d’air auxiliaires des moteurs. Au début du programme d’essais en vol (mars 1969), les moteurs Olympus des deux prototypes étaient encore équipés d’entrées d’air auxiliaires à volets fixes. Juste avant la visite d’Interavia, de nouveaux volets, baptisés “porte de grange” par les Britanniques, ont été installés sur les moteurs, n° 1 et 2 du Concorde 002. Articulés à leurs deux extrémités, ces volets, ouverts vers l’avant, augmentent le débit d’air aux faibles vitesses et, ouverts vers l’arrière, évacuent l’excès d’air aux grandes vitesses. Leur manoeuvre est commandée du poste de pilotage.
Le second objectif était d’étendre vers l’arrière la plage de centrage, ce qui constitue une mesure de sécurité pour les premiers vols supersoniques du prototype 001. En effet, si l’appareil doit effectuer une rapide décélération en régime supersonique, il importe que la masse de déplacement du CG soit largement calculée. Si les essais en vol sont satisfaisants, le prototype 001 aura volé en vol supersonique au moment où paraîtront ces lignes.
Les nouveaux volets d’admission et de décharge supersonique ont été installés seulement sur les moteurs 1 et 2, car le temps pressait. En cas d’engorgement d’un moteur par suite d’un excès d’air, il pouvait s’ensuivre un débordement risquant d’affecter l’entrée d’air du moteur adjacent. Un tel engorgement était toujours à redouter du fait que le remplacement des entrées à volet fixe d’admission et de décharge supersonique pouvait entraîner une distorsion du flux d’air, particulièrement à craindre à vitesse nulle ; aussi les premiers essais consistèrent à essayer les deux moteurs au point fixe.
Avec les commandes moteurs en position normale, la marge d’engorgement devait être d’au moins 3,5% au point de réglage à froid. Les essais statiques montrèrent qu’elle était en fait de 5%. Pour vérifier que l’engorgement ne risquait pas de gagner le moteur voisin, on provoqua l’engorgement du moteur n° 2 à l’aide de l’amplificateur du système de contrôle électronique UEL, dont un des principaux avantages est de permettre les essais de moteur “in situ”. L’engorgement fut des plus spectaculaires et produisit un grand jet de flammes à la sortie de la tuyère ; toutefois, le phénomène ne se propagea pas au moteur n° 1
Préparation du prototype 002 pour les essais au sol des réacteurs à l’aide du silencieux (à droite).
La courbe gracieuse de l’aile gothique vue de la porte d’entrée.à gauche Les tuyères des réacteurs Olympus presque engagées dans les manches du silencieux.à droite
Les essais statiques, commencés le matin du lundi 14 juillet, ont occupé tout un équipage d’essais et un certain nombre d’ingénieurs et de techniciens et ont duré jusqu’au début de l’après-midi (tous les lancements de moteurs ont été exécutés par les pilotes d’essais Brian Trubshaw et John Cochrane). Ils furent suivis d’une pause au cours de laquelle des ingénieurs de Rolls Royce ont vérifié les deux moteurs pour s’assurer que ceux-ci n’avaient subi aucun dommage du fait de l’engorgement provoqué délibérément. Tout apparut normal et l’avion fut ramené contre les silencieux de piste pour un nouvel essai de contrôle après que l’on eut remis l’amplificateur à son réglage normal. Les deux moteurs furent lancés à pleine puissance, puis soumis à des essais d’accélération et de décélérations brutales. Ils se comportèrent parfaitement et le Concorde fut déclaré prêt pour les essais de roulage, qui devaient comporter deux décélérations rapides. Les tuyères des réacteurs Olympus presque engagées dans les manches du silencieux.
Ces deux essais furent exécutés le jour suivant sur la piste de 3000 mètres de Fairford. Le but était d’accélérer l’avion jusqu’à une vitesse de 190-225 km/h avec un cabré de 10°, conditions aussi proches que possibles de celles du décollage. Comme il est d’usage pour ce type d’essais, l’appareil, avec à son bord un équipage entièrement équipé, reçut une autorisation de vol en prévision du cas où il serait obligé de décoller pour une raison ou pour une autre. La piste de Fairford est prolongée dans les deux sens par un POR de 300 mètres, ce qui donne une longueur totale de 3600 mètres, le minimum absolu pour le programme de développement du Concorde.
.Pour le premier essai de roulement qui fut exécuté le matin, la température au sol était de 27,5°C et un vent de 5 à 8 noeuds (8-13 km/h) soufflait à 45° de l’axe de la piste. Avec les volets d’admission auxiliaires réglés à 85° et la postcombustion allumée, l’appareil atteignit une vitesse de 235 km/h et un angle d’attaque de 8,5°, puis les gaz furent coupés et l’avion fut arrêté à une bonne distance de l’extrémité de piste grâce à l’utilisation du parachute de freinage et des inverseurs de poussée. Quelques légers coups de frein seulement s’avérèrent nécessaires. Les moteurs se comportèrent normalement.
L’avion fut ramené aux installations de maintenance pour un contrôle de sécurité et un second essai de roulement fut exécuté peu après midi. A ce moment, la température était de 28°C et le vent soufflait toujours à 45° de la piste, mais avec des rafales atteignant 32 km/h. Les volets des entrées d’air auxiliaires furent ouverts au maximum et l’angle d’attaque atteignit 11,5° à 230 km/h. Il n’y eut aucun incident de moteur.
Le moment était venu d’aborder l’étape suivante du programme, c’est-à-dire le premier vol avec les nouveaux types de volets d’admission et de décharge. Ce vol fut fixé au jeudi 14 juillet, l’équipage choisi rassemblant le chef-pilote d’essais adjoint John Cochrane, le pilote d’essais Peter Baker, l’ingénieur de bord Brian Watts et les contrôleurs du vol John Allan et Mike Addley. Le Canberra d’accompagnement devait être piloté par le pilote d’essais Johnnie Walter et l’ingénieur de bord Alan Heywood. L’essai en vol avait pour but de vérifier le comportement des deux moteurs modifiés et comportait des contrôles avec les volets d’admission dans diverses positions à différentes vitesses, des essais d’extinction et de rallumage des moteurs et une étude des effets du tangage et du dérapage.
Les Concorde de présérie auront des bords d’attaque et des bouts d’aile légèrement modifiés par rapport à ceux des prototypes.
L’appareil fut prêt pour le vol au cours de l’après-midi et comme de coutume, l’ingénieur de bord commença les vérifications pré-vol 1h30 avant l’heure prévue pour le décollage. Le reste de l’équipage arriva un peu avant H-45 et passa sur l’interphone. A H-30, le premier moteur fut lancé ; à H-20 les quatre moteurs fonctionnaient. Le roulage sur la voie de circulation était prévu pour H-12. Malheureusement, le contrôle sur l’aire de stationnement révéla une défaillance dans les circuits des élevons et le vol du être annulé.
Après chaque vol, ou lorsque un incident se produit, des représentants de tout le département d’essais en vol se réunissent pour une étude critique du vol ou des causes de l’incident. Les équipages d’essais mis à part, les responsables du centre de Fairford sont : Eric Hyde, directeur général adjoint chargé de la coordination des activités du Centre ; Moke Crisp, responsable envers Brian Trubshaw des échanges d’informations avec Sud Aviation ; John Dickens, directeur du programme de développement en vol, responsable envers Eric Hyde ; R.M. McKinlay, l’ingénieur en chef responsable du prototype 002 ; Charles Andrews, directeur de la maintenance ; F. Quinney, chef du personnel d’essais (dont les services se trouvent à Filton) ; R. Scott, chef du service d’inspection et T. Pearson, administrateur. Le Groupe des essais en vol adresse ses rapports à la Commission des essais en vol, composée de quatre membres (deux Britanniques et deux Français) et responsables devant le Comité de direction du programme Concorde.
Les portes auxiliaires des entrées d’air des moteurs 1 et 2 en position ouverte…… vues de dessous et du côté gauche.
Au moment de notre visite à Fairford, le Concorde 002 avait à son actif 20 heures de vol cale à cale, en 12 sorties. Pour les vols Londres-Le Bourget et retour et au-dessus de Londres, il avait fallu s’écarter quelque peu du programme de développement et installer notamment sur l’appareil des réservoirs de carburant supplémentaires pour des raisons de sécurité.
Après la conférence qui suivit l’annulation du vol du jeudi, il fut décidé qu’un nouvel essai aurait lieu le jour suivant. Comme il est d’usage, on profita de la brève période d’immobilisation au sol pour procéder à quelques-unes des modifications envisagées dans le programme. Quand l’avion fut prêt à voler, le vendredi, les mêmes équipages furent affectés au Concorde et un Canberra d’accompagnement. Après le démarrage des moteurs et le contrôle des circuits de bord, le Concorde fut autorisé à gagner la piste. Le Canberra décolla le premier et effectua un circuit minuté dans la zone d’approche, puis exécuta à 320 km/h, dans l’axe de la piste, un passage coïncidant parfaitement avec le décollage et la montée du Concorde. Les deux avions restèrent en formation lâche pendant toute la durée du vol, soit 1h30 (1h45mn de cale à cale). Le temps était assez beau, avec quelques cumulus isolés jusqu’à 7600 mètres : le vol fut effectué à environ 5500 mètres. La vitesse maximale atteint pendant les essais de moteurs fut Mach 0,7. Les volets d’admission et de décharge des moteurs 1 et 2 furent essayés dans toutes les positions et on contrôla les effets du dérapage et du cabrage. En outre, le moteur n° 2 fut arrêté puis rallumé. Les moteurs se comportèrent de façon satisfaisante. A la conférence qui suivit l’atterrissage, l’équipage des essais signala un certain nombre de défauts mineurs et il fut décider que l’appareil volerait de nouveau le samedi et le dimanche pour d’autres essais moteurs.
A gauche, les instruments du poste de pilotage dans la configuration quasi définitive. A droite, le poste du mécanicien navigant est inspiré de celui du Vickers VC-10. Sur les avions de série le jeu de manettes de gaz sera supprimé et les instruments de contrôle moteurs seront installés sur le tableau de bord.
Les manoeuvres au sol ne posent pas de problème. On voit ici le tracteur MD 300 Air-Tug de Mercury Truck and Tractor Co.
Le train Messier donne entière satisfaction depuis qu’une légère modification a permis de réduire la durée de la manoeuvre d’escamotage à 12 secondes.
Les caractéristiques d’exploitation des deux prototypes, dont les moteurs délivrent actuellement une poussée unitaire de 13.600 kg avec réchauffe, sont les suivantes : pour un poids au décollage de 131.550 kg, V1 = 277 km/h et VR= 288 km/h ; au décollage avec cabré de 10° à 319 km/h ; distance nécessaire pour atteindre 11 mètres d’altitude, 2440 mètres sur quatre moteurs et 3190 mètres sur trois moteurs ; vitesse en début de montée, 418 km/h, passant à 483 km/h, ce qui correspond à une vitesse ascensionnelle de 20 m/s environ ; poids maximal à l’atterrissage, 105.000 kg ; vitesse d’approche (au poids de 95.250 kg), 274 km/h ; angle d’attaque sur une trajectoire de descente de 3°, environ 14° ; facteurs de charge maximum + 2,5 g et – 1 g ; il n’y a pas d’angle limite d’inclinaison transversale.
Les changements d’assiette pendant les manoeuvres du train et des aérofreins sont minimes. Les aérofreins sont utilisés uniquement pour la perte d’altitude ; ils ne sont pas employés pour l’approche. La vitesse limite pour la manoeuvre du train est de 455 km/h et, avec le train sorti, 483 km/h. Le rallumage des moteurs est très facile ; il suffit de mettre en marche l’allumeur et d’ouvrir le robinet HP. Quand le moteur a atteint le régime fixé, l’allumeur est coupé.
Le nez basculant du prototype 002 peut prendre trois inclinaisons : 0°, 5° et 12 ; à cette inclinaison, un dispositif d’arrêt a été installé. Le prototype 001 exécuté à Toulouse des essais avec le basculement maximal de 17,5° ; BAC se demande si cet angle de basculement est réellement nécessaire, puisque avec le nez abaissé à 12°, la visibilité à l’approche est aussi bonne pour le pilote du Concorde qu’elle l’est pour le pilote des avions de ligne actuels. Les prototypes étant équipés de la visière opaque, un blocage accidentel de celle-ci risque de faire de l’approche et de l’atterrissage des exploits extrêmement périlleux. Aussi un système de TV peut être fixé sur la jambe de l’atterrisseur avant pour parer ce danger.
La vitesse d’approche sera réduite en temps utile à 240 km/h. La plupart des approches seront exécutées avec l’automanette qui sera désengagée avant l’impact. Comme il n’est pas facile d’estimer la distance qui sépare les roues des atterrisseurs principaux de la piste, la méthode d’atterrissage actuel consiste à toucher la piste après un très léger arrondi gaz non coupés.
Concorde 002 en approche à 3200 mètres de Fairford, à 1600 mètres et à l’impact. On voit que l’angle d’incidence augmente après l’arrondi. La vitesse tout au long de l’approche est à présent de 170 noeuds à environ 85% de la puissance.
Les essais de flutter sont terminés et la légère excitation en tangage (oscillations nodales) qui se produit dans les turbulences a pu être éliminée par les techniciens de Toulouse qui ont simplement déplacé vers l’avant le capteur de l’autostabilisateur. Bien que l’angle d’attaque maximal de Concorde ne doive pas dépasser 14° dans les conditions de l’exploitation commerciale, Brian Trubshaw préconise un angle de 21 à 22° pendant les essais de la phase de développement. Un secoueur de manche, actuellement installé sur les prototypes, entre en action à 15°.
Le poste de pilotage du Concorde est plus spacieux qu’on ne pourrait s’y attendre sur un TSS, mais il est un peu difficile de s’installer dans le siège du copilote, qui, contrairement à celui du commandant de bord, ne glisse pas en arrière sur des rails. La disposition des principaux instruments et indicateurs est judicieuse et la maladroite disposition en escalier du panneau de plafond sera éliminée sur les appareils de série.
Les mécaniciens ont eu leur mot à dire pour la disposition de leurs panneaux d’instruments sur le prototype du Concorde. Ces panneaux, situés à gauche derrière le siège du copilote, sont inspirés de ceux du Vickers VC-10. Le rôle principal du mécanicien navigant pendant le programme des essais est de surveiller et de commander les moteurs ; le circuit de carburant et le centrage. Sur les avions de série, tous les instruments
de contrôle moteur seront regroupés sur le tableau de bord du pilote et les manettes de gaz dont dispose le mécanicien navigant, seront supprimées. L’équipage d’un Concorde en service régulier se composera de trois pilotes, dont l’un surveillera les moteurs et le carburant et, si nécessaire, pourra manoeuvrer les commandes de gaz sur le pupitre central. Est-ce un bon arrangement ? C’est une affaire d’opinion.
L’équipement de navigation actuel du Concorde a été réduit au minimum indispensable. Il comporte deux ensembles VOR/DME et deux radiocompas automatiques, deux centrales gyroscopiques de cap et de verticale GE (les seuls équipements adéquats qui étaient immédiatement disponibles), deux radioaltimètres et des émetteurs-récepteurs VHF. Sous peu sera installé un nouvel équipement comprenant deux centrales de navigation inertielle SAGEM/Ferranti SF 500 et un équipement de navigation Doppler Marconi 560. Les avions de série seront dotés de trois plates-formes inertielles, d’un indicateur cartographique et d’un équipement de télécommunications par satellite.
Les panneaux d’instruments des contrôleurs des essais se trouvent à droite, après la porte d’accès. Ils portent les mêmes instruments que ceux du mécanicien navigant et ceux des pilotes. Le prototype emporte plus de 12 tonnes d’équipements d’essais qui permettent de surveiller 3500 paramètres, au cours de chaque vol, toutes les mesures sont transmises à Fairford pour y être analysées par les calculateurs.
Les servitudes au sol et l’entretien de routine sont très simples et ne nécessitent pas d’équipements spéciaux. Deux types de démarreurs sont installés sur le prototype 002 ; des démarreurs à turbine à air sur les moteurs 1 et 3 et des démarreurs à turbine à gaz sur les moteurs 2 et 4 ; tous sont actionnés par un compresseur d’air extérieur et un groupe électrogène sur remorque. BAC a étudié une plate-forme spéciale pour les changements de moteurs, mais il n’est pas dit que ce soit la solution définitive.
Le premier vol du prototype 002 avec les nouvelles entrées d’air auxiliaires a eu lieu le 18 juillet. Il était prévu au moment de notre visite qu’il serait suivi de plusieurs vols (jusqu’à 4), afin que soit essayé à fond ce nouveau système. Une dizaine de vols étaient également programmés pour étudier le comportement de l’avion en cas de centrage arrière. Ces essais terminés, le feu vert devait être donné pour le premier vol supersonique du 001 à Toulouse.
John Cochrane (à droite), chef-pilote d’essais adjoint et Peter Baker, pilote d’essais, qui étaient aux commandes du Concorde 002 lors du premier vol d’essais de l’appareil équipé des portes auxiliaires d’entrée d’air. Au haut de la passerelle, John Allan, ingénieur navigant.
A partir de la mi-août, le prototype 002 devrait rester au sol pendant quatre mois et demi, temps nécessaire pour procéder aux modifications nécessaires au vol à Mach 2. Ces modifications consistent à :
1 – changer les mécanismes des élevons intérieurs, de façon à réduire leur course de 50% dans le sens du roulis et d’accroître de 50% dans le plan du tangage ; cela facilitera considérablement le problème du transit subsonique-supersonique.
2 – installer des moteurs techniquement améliorés ayant une poussée accrue et un système de commande des entrées d’air complet, les moteurs actuels ne permettant pas d’atteindre Mach 2.
3 – rendre l’appareil conforme au standard final, grâce à un nombre de modifications et à l’adjonction de quelques systèmes, notamment de l’autopilote.
4 – utiliser le circuit de carburant complet.
La reprise des essais en vol du prototype 002 coïncidera avec l’achèvement du programme des vols à vitesse supersonique réduite du 001. Le prototype de Toulouse sera à son tour immobilisé au sol pour être complètement modifié, cependant que l’appareil de Fairford étendra sa gamme de vitesses jusqu’à Mach 2 (au début de l’an prochain). Le prochain appareil qui participera au programme d’essais en vol combiné, à la fin de 1970, sera l’avion de présérie 01, dont la construction est en cours à Filton. La question se pose de savoir quel type d’appareil sera mis en oeuvre pour l’accompagnement des Concorde pendant les essais supersoniques. Le seul appareil disponible qui satisfasse à toutes les exigences semble être le McDonnell Douglas F-4 Phantom. N’est-il pas réjouissant de constater que les avions de transport commerciaux américains sont sur le point de surclasser la plupart des intercepteurs militaires sur le plan de la vitesse soutenue et la distance franchissable ?
Lors de notre visite à Fairford il nous est apparu avec évidence qu’un programme de coopération comme celui du Concorde peut être mené à bien dans d’excellentes conditions si chacun des partenaires y met du sien. Les échanges d’idées et d’informations sont nombreux et profitables. Le programme des essais en vol est soigneusement réparti entre les deux partenaires, en sorte qu’aucun travail n’est effectué deux fois sans nécessité. Du fait que deux appareils sont soumis aux essais en vol, il est évident que le programme Concorde exige deux fois plus de modifications qu’un programme d’essais en vol classique.
Les équipages ont, eux aussi, une lourde responsabilité, mais il est réconfortant de constater que ni eux ni les “rampants” ne sont dépassés par la situation. Les uns et les autres connaissent parfaitement l’avion et ses circuits et considèrent l’ensemble du projet avec une confiance totale. L’équipe de BAC et celle de Sud-Aviation dirigée par André Turcat constituent, réunie, une élite de pilotes dont il serait sinon impossible, du moins difficile de trouver l’équivalent dans le monde. Si le Concorde se comporte aussi bien en régime supersonique qu’il le fait aux vitesses actuelles, les compagnies de transport aérien feront bien de se dépêcher si elles veulent recevoir, en temps utile, un TSS aussi parfaitement au point, aussi agréable à piloter et qui aura des années d’avance sur tout autre avion de transport.