Le programme de mise au point de l’avion de transport supersonique américain étant suspendu jusqu’aux élections présidentielles, on pourrait penser que l’Europe prendrait tête dans ce domaine de l’industrie aéronautique. Les Etats-Unis dominent le marchés des avions commerciaux depuis trente ans et il paraît impensable qu’ils puissent céder leur place aussi facilement. Les raisons de cette décision ne sont pas très claires.
L’administrateur de la FAA, M. Halaby, a toujours été un partisan enthousiaste du programme SST et MM. Black et Osborne, dans leur rapport adressé au Président, suggéraient certaines modifications mais recommandaient chaleureusement la poursuite d’un programme qu’ils considèrent d’intérêt national. Par contre ils proposaient comme deuxième solution, au cas où le gouvernement n’aurait pas l’intention d’apporter toute son aide au projet, que le programme soit abandonné purement et simplement avant que d’importants fonds publics et privés soient gaspillés. Que s’est-il passé entre la publication de ce rapport et la récente décision d’adopter une ligne de conduite intermédiaire.
Le Président Johnson a récemment révélé qu’aucun des projets soumis ne répondait à deux spécifications importantes : transport d’une charge marchande de 15.000 kilos sur une distance de 6400 kilomètres et exploitation économique. Peut-être faut-il voir là l’explication de l’interruption du programme. Il n’est pas douteux que le groupe SST de la FAA et certaines compagnies aériennes ont effectué leur propre évaluation des projets et peut-être sont-ils parvenus à une conclusion peu encourageante.
A lui seul le prix d’achat de l’appareil – compris entre 25 millions et 40 millions de dollars – grève les frais d’exploitation d’une manière inacceptable. Les frais fixes d’exploitation seraient deux fois supérieurs à ceux du Boeing 707 ou du Douglas DC 8 et ne pourraient être diminués qu’en prolongeant la période extensive. La première solution ne plaît pas aux fabricants et la seconde, pas aux fabricants et la seconde, est difficile à réaliser. Par contre ce facteur n’affecte pas beaucoup les frais fixes d’exploitation du Concorde dont le prix d’achat est d’environ 10 millions de dollars. Avec cet appareil, il est possible d’augmenter la période d’utilisation pour contrebalancer le prix d’achat qui est plus élevé que celui d’un avion subsonique.
Les heures favorables d’arrivée et de départ imposent des limitations car le passager n’aime pas partir ou arriver au milieu de la nuit. Les heures de départ et d’arrivée pendant la journée dépendent également des possibilités de correspondances. Par ailleurs, les temps d’immobilisations au sol ne peuvent pas être réduits au-delà d’une certaine limite et ils sont les mêmes pour un avion à Mach 3 que pour un avion à Mach 2,2. En conséquence, il est permis de supposer que le temps d’utilisation de l’avion de 25 millions de dollars ne serait pas supérieur à celui de l’avion de 10 millions de dollars.
Le Président Johnson a demandé une révision du projet dans tous ses aspects et une étude particulièrement approfondie de la partie financière. Cette demande pourrait être la conséquence de l’attitude des constructions américains qui s’opposent à une participation de 10% aux frais de mise au point, mais elle pourrait tout aussi bien avoir été provoquée par le coût trop élevé des travaux de mise au point et de fabrication.
Peut-être a-t-il réalisé qu’on avait visé trop haut dans le but de surclasser Concorde. Peut-être un projet moins ambitieux, peu différent de Concorde, verra-t-il le Jour ? Un tel appareil pourrait être fabriqué en alliage d’aluminium et ne comporterait pas nécessairement des perfectionnements tels que l’aile à géométrie variable ; les frais de mise au point et de fabrication pourraient être alors considérablement réduits. Si une telle décision venait à être prise, le nouvel avion constituerait pour le Concorde une menace bien plus sérieuse que celle d’un avion plus gros et plus rapide.
L’industrie américaine a prouvé à plusieurs reprises qu’elle était capable de fabriquer un avion dans des délais assez courts. L’avance que semble détenir Concorde à l’heure actuelle serait rapidement perdue et ce qui paraît être un retard dans le programme américain pourrait constituer en fait le prélude à une concurrence dans le domaine du transport supersonique.
Réduction du bruit, mais à quel prix ?
L’an dernier, à Londres, un pilote de ligne parlant devant le Congrès de l’IFALPA des procédures de décollage et de montée des avions commerciaux à réaction déclarait : “Un certain nombre d’évolutions à basse et moyenne altitude devront s’effectuer à puissance réduite pour diminuer le niveau de bruit. Je ne suis pas partisan de cette procédure mais j’ai peur qu’on ne puisse l’éviter”.
A la même conférence, un pilote d’essais de la FAA, traitant du même sujet, déclarait que, pour lui, les conditions de sécurité primaient toutes les autres et qu’il n’aimait pas l’idée d’avoir à réduire la puissance pour diminuer le bruit.
Au cours d’un Flight forum consacré à la sécurité aérienne et qui s’est récemment tenu aux Etats-Unis, un pilote de TWA, le capitaine Buck, parlant des procédures de réduction du bruit a déclaré : “nous avons le sentiment d’être parvenu au point où il n’est plus possible de faire attention à tout, dans les moindres détails. Cela signifie que la sécurité est compromise. Vous vous présenter en bout de piste, à Idlewild par exemple, et vous vous préparer à décoller en pensant que vous devrez vous plier à une procédure de réduction du bruit qui, vous le savez, peut être dangereuse dans certains cas. Je pense que la réduction du bruit ne vaut pas le risque que l’on court. Par très mauvais temps, je ne suivrait jamais cette procédure”.
De son côté l’administrateur de la FAA, M. Halaby, a déclaré : “je n’aime pas du tout le fait que les compagnies aériennes et la Pot Of New York Authority se soient mises en accord pour que les pilotes réduisent les gaz lors de la montée au-dessus de zones habitées alors que les pilotes eux-mêmes disent qu’ils sont inquiets de cette procédure. Le seul fait qu’ils soient inquiets est important.
Ce n’est pas seulement parce que cette procédure peut être dangereuse mais c’est aussi parce qu’ils pensent qu’elle est dangereuse, parce que cela soulève la question de savoir si leurs réactions seront normales en cas de danger alors qu’ils sont déjà anxieux au départ. Ceci m’inquiète profondément. Je ne possède cependant aucune preuve me permettant d’affirmer que cette procédure a été à l’origine d’incident ou d’accident. Quelle preuve de danger pouvez-vous fournir ? ”
Réponse du Capitaine Buck : Plusieurs preuves m’ont été fournies par de pilotes qui m’ont déclaré s’être trouvés en difficulté à la suite d’une perte de vitesse due à des rafales ou à d’autres causes qui ne feront jamais l’objet d’un rapport à la FAA. Je sais que de tels faits se sont réellement produits. Ces pilotes sont habiles et ils ont pu s’en sortir. Il y a une raison qui explique pourquoi il n’y a jamais eu d’accident ; c’est que la plupart des pilotes ne se soucient pas de la procédure de réduction du bruit. Personnellement je ne l’ai pas suivie à la lettre depuis plusieurs mois. J’ai appris une foule de petits trucs pour tourner le règlement.
Ces quelques déclarations résument l’opinion des pilotes de lignes et des autorités sur la procédure de réduction du bruit. Il Apparaît que cette procédure est considérée comme dangereuse et que de nombreux pilotes, en particulier les plus expérimentés, ne respectent pas les règlements. Les pilotes moins expérimentés se plieront peut-être au règlement car ils n’aiment pas en général répondre aux questions du rapport qui est établi après chaque infraction. C’est là que réside le danger.
Les pilotes les plus expérimentés qui pourraient mieux faire face à la situation si les choses venaient à mal tourner reconnaissent que la procédure est peu sûre et ne la suivent pas. Les moins expérimentés, tout en connaissant peut-être le danger, s’y conforment. N’est-il pas grand temps que les autorités responsables se penchent avec attention sur le problème ? Il fait déterminer si la procédure de réduction du bruit peut être source d’accident et, si elle l’est, il importe de savoir ce qui compte le plus, de la sécurité des passagers aériens ou de la tranquillité des habitants qui vivent près des aéroports.
A prendre ou à laisser.
Charles C. Tillinghast Junior à récemment donné des chiffres intéressants qui permette de comparer la durée du trajet routier centre-ville-aéroport à la durée totale du voyage. Sur les cinquante lignes interurbaines les plus fréquentées des Etats-Unis, longues de 1600 kilomètres et plus, le passager passe plus de 20% de son temps à parcourir seulement 2% du trajet. Sur les routes de moins de 400 kilomètres de longueur, il passe plus de la moitié de son temps à parcourir 11% de la distance totale. Il apparaît que dix minutes économisées sur le voyage par route à chaque extrémité de la ligne New York-Washington équivaudrait à une augmentation de la vitesse de l’avion de 720 km/h à 1600 km/h.
En réalité la durée du voyage par route risque plutôt d’augmenter de dix minutes. On apprend également qu’en triplant la vitesse des avions à réaction actuels, ce qui donne Mach 2,7, la durée du voyage du centre de Manhattan au centre de Londres ne serait réduite que de 20%.
Comme les compagnies aériennes sont actuellement occupées à hypothéquer leur avenir pour acheter des avions supersoniques et que le trafic routier ne va pas en s’améliorant, c’est le moment d’acheter des actions de compagnies ferroviaires ou maritime ! ”