Les avions de transport supersoniques feront leur apparition un jour ou l’autre. C’est une perspective tenue pour inéluctable aux Etats-Unis et en Angleterre, comme ailleurs sans aucun doute. En Amérique, au moins une importante compagnie de constructions aéronautiques, la Lockheed Aircraft Corporation, a pris le parti de se tenir à l’écart de la course au long-courrier supersonique à réaction pour se concentrer dans l’immédiat sur la construction en série d’un moyen-courrier à turbopropulseurs et pour travailler à la réalisation à échéance lointaine d’un avion de transport supersonique.
En Grande-Bretagne, un groupe de constructeurs, en collaboration avec les établissements de recherche du gouvernement et les deux corporations nationalisés de transport aérien, ont institué un comité dont la mission consistera à trouver la réponse à différentes questions, à savoir en particulier :
- A quel moment l’avion de transport supersonique sera-t-il nécessaire ?
- Quelle sera sa formule ?
- A quelle vitesse volera-t-il et sur quelles distances ?
L’industrie aéronautique britannique n’étant pas engagée dans la course au long-courrier subsonique à réaction, il a été possible d’obtenir une vue d’ensemble des raisonnements sur lesquels sont fondés les projets qu’elle élabore dans le sens du transport supersonique.
Un précurseur des études d’avions civils supersoniques en Angleterre est M. George H. Miles, qui a appartenu à l’ancienne Miles Aircraft Ltd et qui appartient maintenant à la F.G Miles Ltd de Shorehan-by-Sea. A la fin de 1941 il conçut un avion à ailes en tandem baptisé “Libellula ». En 1942, avec l’appui du gouvernement, il commença l’étude du M 52, un avion civil de formule classique destiné à voler à 1600 km/h, mais en 1946 le marché au titre duquel était poursuivie l’étude de cet appareil fut résilié.
Cette même année, il utilisa les résultats fournis par ces deux études pour établir le projet d’un avion supersonique (Mach 1,2) pour 20 passagers, aux ailes en tandem, dont la construction ne fut pas entreprise. Les caractéristiques principales de l’appareil étaient les suivantes :
- Aile avant : envergure 13,70 mètres.
- Surface : 23,20 m²Aile arrière : envergure 22,30 mètres
- Surface : 81,20 m²
- Longueur : 30,20 mètres
- Poids total maximum au décollage 36.230 kg
La propulsion devait être assurée par une batterie de turbo-réacteurs de grande puissance installée à l’arrière du fuselage avec une entrée d’air ventrale. Le train tricycle (voie 4,6 mètres) devait s’escamoter dans le fuselage.
Les long-courriers subsoniques, tels que le Boeing 707 et le Douglas DC-8, sont destinés à faire carrière pendant 10 ans au moins, à partir de 1959-1960 ; il n’est donc pas question pour un constructeur britannique quelconque de se lancer, aussi tardivement, dans la réalisation d’un éventuel concurrent des appareils américains. Ce raisonnement est à l’origine de l’abandon rapide du projet d’un avion qui devait s’adapter à la fois aux distances transatlantiques et aux étapes moyennes, le De Havilland 118, lequel d’ailleurs avait suscité plus d’enthousiasme dans les ministères que d’intérêt de la part des transporteurs. Dans le domaine des long-courriers de gros tonnage, la logique exige que le prochain objectif soit le supersonique pour 1970.
A cet effet, il est indispensable que soit lancé le programme civil d’étude le plus onéreux, le plus complexe jamais entrepris. Ce programme impliquera des études au moins quatre fois plus étendues dans le temps que celles qui ont été nécessaires pour la réalisation d’un avion classique comme le Bristol Britannia ; en outre les compagnies appelées à utiliser ces machines supersoniques auront à modifier radicalement leur optique et leurs méthodes.
A peine l’existence de ce comité fut-elle connue en Angleterre que les quotidiens publièrent à l’envie des articles retentissants annonçant à la ronde que les constructeurs britanniques s’étaient unis pour construire un avion super sensationnel. C’était un malentendu. Le British Supersonic Consortium, comme a été baptisé le comité, a été crée par Avro, Bristol, de Havilland, Rolls-Royce, Vickers, Short, Handley-Page,
Les BEA, la BOAC et le Royal Aircraft Establishment (en l’absence de Fairey et English Electric, dépositaires cependant de la plus grande partie de l’expérience britannique en matière de vol supersonique). Pour étudier diverses formules d’avion et pour définir les dimensions et les vitesses pratiquement réalisables justifiant un engagement de la part du gouvernement et de l’industrie.
En raison de la réduction constante, en volume et en nombre, des commandes militaires et de l’importance croissante accordée à l’exportation des avions civils, les appels officiels à la concurrence (qui pourraient intervenir vers 1959) en vue de l’étude de nouveaux projets seront le plus étroitement disputés que l’industrie n’aura jamais connus. Certes les membres du comité ont pleinement conscience de la nécessité d’une collaboration préliminaire, mais nul n’ignore que les contrats définitifs seront finalement attribués à une seule compagnie pour le travail d’un seul ingénieur en chef des études.
Pour la première fois les compagnies ne sont pas en mesure de définir exactement leurs desiderata sauf qu’elles protestent lorsque leur est mentionnée une vitesse d’approche qu’elles estiment trop élevée. Si les corporations ont calculé diverses catégories de frais valables pour un avion possible pour X passagers volant à Mach Y, elles sont absolument tributaires de l’ingénieur d’étude lorsqu’il est question des caractéristiques réelles d’un avion de transport possible.
Les constructeurs semblent unanimes sur un point, à savoir que les frais d’exploitation prévus pour les futurs avions supersoniques seront supérieurs de 40 à 50% à ceux des avions qui doivent prochainement être mis en service. Dans ces conditions l’avion supersonique sera essentiellement un véhicule de luxe aux tarifs très élevés. Il n’est pas impossible que les délibérations actuelles relatives à un barème de tarif à trois classes aboutissent à un système à quatre classes, la nouvelle classe étant appelée à coûter terriblement cher.
Le Supersonic Consortium a restreint ses investigations d ‘ensemble à trois domaines de vitesses : Mach 1,2, Mach 1,5, et Mach 1,8 ; dans chaque cas l’autonomie serait soit de 2400 soit de 4800 kilomètres, avec une capacité d’une centaine de passagers. Il est évident, au premier abord, que sur la base des connaissances actuelles et des moteurs possibles, il ne saurait être question d’un appareil supersonique capable de traverser l’Atlantique Nord sans escale avec une charge marchande raisonnable.
Dans une conférence prononcée devant le Royal Aeronautical Society, M.R.F. Creasey (English Electric) a déclaré : Les longs parcours, qui se sont révélés possibles aux vitesses subsoniques, sont absolument hors de question aux vitesses transsoniques, en raison du fait que les formules réalisables dans ce domaine de vitesses présentent une finesse aérodynamique (portance/traînée) peu favorable impliquant une médiocre utilisation de l’énergie du carburant. Aux vitesses plus élevées, l’augmentation de rendement des turboréacteurs permet d’envisager progressivement un nouvel allongement de l’autonomie.
Sir Arnold Hall, administrateur du groupe Hawker Siddeley, propose des formules suivantes pour l’avion commercial supersonique. A gauche, appareil destiné à croiser à Mach 1,2, aile en M, réacteurs jumelés, train monotrace avec balancines aux cassures de l’aile. En haut à droite : Mach 2 environ, aile delta extrêmement mince. En bas : Mach 2 environ, bi-réacteur à aile droite.
Plusieurs membres du comité préconisent l’adoption d’une vitesse comprise entre Mach 1,5 et Mach 1,8 pour une distance franchissable de 2400-3200 kilomètres ; ils proposent même de pousser une incursion vers Mach 2 ou 2,5. L’intérêt de l’échelon supérieur des vitesses, pour lequel les moteurs travaillent avec leur meilleur rendement propulsif et thermique, est cependant freiné par les problèmes inhérents à l’échauffement cinétique, lesquels exigeraient le recours à des sandwiches d’acier inoxydable et de titane.
Quelle que soit la formule envisagée, le problème fondamental est celui des conditions dans lesquelles pourront être intégrées, à un ensemble aérodynamique très évolué le carburant et les moteurs capables de lui conférer les performances requises. Un avion à 100 places, par exemple, conçu pour croiser à Mach 0,9 avec une finesse de 18, se contenterait de quatre turboréacteurs de 8200 kg de poussée. Par contre si la vitesse est accrue jusqu’à Mach 1,8 ; avec une finesse très favorable de 9, la puissance requise serait celle de huit turboréacteurs de 8200 kgp.
En ce qui concerne l’aile, les configurations sont très classiques : aile delta ou aile en flèche très accusée (de la formule ”canard », éventuellement) pour Mach 1,5 et Mach 1,8 ; aile droite, aile en « flèche” ou ”delta » très mince autour de Mach 2. Comme l’a exprimé une éminente personnalité : nous avons épuisé tous les artifices de l’aérodynamique ; Il nous faut maintenant faire face aux réalités de la vie.
Cependant autour de Mach 1,1-1,2 une controverse animée oppose l’aile en « M” et l’aile en ”W » (en projection horizontale).
L’aile en “M” en combinaison avec les principes de la règle des sections est envisagée essentiellement pour permettre de conserver une finesse élevée dans le domaine critique de Mach 0,85 à Mach 1,2 ; elle présente en outre des avantages du point de vue de la résistance en raison de son élasticité. La conception de détail d’une telle aile pose des problèmes très ardus et certains estiment que l’ampleur considérable des calculs mathématiques et des expériences en soufflerie qu’elle impliquerait trouverait une application plus utile dans les projets relevant de nombres de Mach plus élevés.
Les autres problèmes qui préoccupent les constructeurs et les compagnies de transports se rapportent au bruit, à la structure des cabines étanches, à la fatigue des divers alliages nouveaux, aux servitudes internes, à l’essor vertical, à la déflexion de l’éjection et à l’hypersustentation par réaction. Il intervient en outre la question des bangs supersoniques qui peuvent être néfastes pour les régions survolées.
En ce qui concerne le bruit perçu au sol, il est peu probable que les constructeurs acceptent le sacrifice d’une diminution de la poussée et d’une augmentation du poids que représente l’incorporation du silencieux à des installations délicates, en sorte que le niveau sonore, compte tenu de la puissance considérable, sera trop élevé. Les problèmes de résistance à la fatigue imposeront de très longues études et les ingénieurs semblent hésiter encore entre la cabine pressurisée répondant au principe de la sécurité malgré la défaillance et la cabine conçue selon le principe de la sécurité intrinsèque ; il est cependant vraisemblable que les autorités d’homologation exigeront une conception répondant effectivement au principe sécurité malgré défaillance.
L’hypersustentation à réaction a la faveur, de préférence aux batteries de moteurs permettant l’essor vertical qui n’interviendront sans doute pas avant Mach 2. Pour le moment la difficulté réside dans l’installation de tuyauteries distribuant un gaz à température très élevée sur de très longues distances et dans l’établissement d’une fente de grande distance dans le bord de fuite d’une aile extrêmement mince. Une solution provisoire possible serait fournie par le soufflage des volets. Initialement, la déflexion de l’éjection pourrait être adoptée de préférence aux moteurs de l’essor vertical ou à l’hypersustentation à réaction.
Si la plupart des ingénieurs d’études souhaiteraient des moteurs présentant des rapports poids/puissance et des consommations spécifiques encore plus favorables, ils admettent que les moteurs à taux de compression élevé de la génération actuelle, comme l’Olympus et l’Avon, leur suffiront jusqu’à Mach 1,8, s’ils peuvent obtenir les caractéristiques requises. Au-delà de Mach 1,8, il sera nécessaire d’abaisser à 7 environ le taux de compression pour tenir compte de l’effet de bourrage. Les carburants chimiques permettraient une certaine réduction de la consommation, insuffisante toutefois pour correspondre à une augmentation appréciable de la charge marchande ou de l’autonomie ; l’incidence du prix serait d’ailleurs prohibitive.
Un autre élément qui pourrait modifier la situation surgit à l’horizon : les groupes moteurs nucléaires, tels que les petites piles régénératrices, présentent un inconvénient majeur sous la forme du poids considérable requis pour les écrans de protection. Si une nouvelle méthode de protection est élaborée, ce qui semble plausible, l’avion commercial supersonique pourra être sérieusement envisagé avant 1970. Au regard du poids des moteurs et du carburant dont devra se charger l’avion volant à Mach 1,8 le poids d’une petite pile atomique et de son enveloppe de protection commence à paraître beaucoup plus acceptable.
La solution finale : l’avion supersonique à deux réacteurs actionnés par un moteur nucléaire, tel que le voit MEP Hawthorne de la Hawker Siddeley Nuclear Power Co. Ltd. Les dimensions et le poids de cet appareil seraient impressionnants, mais son autonomie serait pratiquement illimitée.
L’opinion des constructeurs
Le rédacteur londonien d’Interavia a demandé le mois dernier aux plus éminents constructeurs britanniques de lui exposer leurs opinions quant à la possibilité de réaliser un avion commercial supersonique. Leurs réponses sont consignées ci-après.
1 – English Electric Company :
Un des points les plus importants à établir est celui de la vitesse nominale à prévoir pour l’étude d’un avion commercial supersonique. Au-delà de Mach 2 il intervient des problèmes en trop grand nombre (l’échauffement, par exemple) incompatibles avec le confort, l’économie et la sécurité de l’avion, en sorte que, pour un premier projet, l’objectif se limitera sans doute aux abords de Mach 2. Cette vitesse de Mach 2 est considérablement plus grande que celles des prochains avions de transport à réaction ; de ce fait, il est raisonnable d’attendre le moment opportun pour entreprendre l’étude d’un avion commercial supersonique.
A la vitesse du son correspondrait une discontinuité qui va à l’encontre des exigences générales du transport tendues vers des vitesses constamment plus élevées sur de longues distances. L’exploitation d’un avion commercial supersonique sur de courtes distances pourrait fournir une expérience utile, mais son intérêt économique serait discutable. Il pourrait donc être avantageux d’attendre que l’expérience acquise avec les avions supersoniques militaires dans les domaines de la conception et de la mise en œuvre soit suffisante pour permettre l’élaboration d’une formule plus économique.
2 – M.A.E Russell C.B.E.B Sc-F.R.Ae.S-F.I.Ae.S, administrateur et ingénieur en chef des études de la British Aircraft Ltd :
Il n’y a pas si longtemps que les bangs supersoniques des chasseurs produisaient encore une sensation. Ces bang, ils ne pouvaient les engendrer qu’en perdant une considérable altitude. Aujourd’hui quelques chasseurs supersoniques en permanence, commencent à rejoindre les formations. Cette évolution semble inciter diverses personnes à envisager la réalisation d’un avion commercial transatlantique supersonique.
Avant que cette éventualité ne se dégage du royaume des projets lointains, il sera nécessaire de mener à bien de considérables travaux de recherche et d’analyse. Même s’il est établi que les problèmes techniques peuvent être résolus, il faudra encore que l’entreprise se justifie sur le plan économique.
3 – M.R.L Lickley–B.Sc–D.I.C–M.I Mech.E–F.R.Ae.S, administrateur et ingénieur en chef des études de la Fairey Aviation Co. Ltd :
L’apparition de l’avion supersonique de transport est inéluctable mais il n’en vaudra vraiment la peine que s’il croise entre Mach 1,5 et Mach 1,8. Il devra être capable de vitesses supersoniques supérieures pour que le public accepte de payer un tarif qui sera très élevé. Il ne parviendra jamais à valoir l’avion commercial à réaction, parfaitement mis au point et volant à la frontière du supersonique, en ce qui concerne le rendement et le niveau des tarifs.
4 – M. David Keith-Lucas–BA–M.I Mech.E-F.R.Ae.S, administrateur et ingénieur en chef des études de la Shorts Brothers and Harland Ltd :
Nous possédons sans doute d’ores et déjà les connaissances requises pour construire un avion commercial supersonique valable. Nous ne savons pas encore ce qu’il conviendra de faire pour obtenir des frais d’exploitation aussi faibles que possible. Nous ne savons même pas si nous devons nous orienter vers la vitesse de Mach 1,3 avec une aile en flèche (éventuellement en “M » ou “W ») ou vers Mach 2 avec une aile rectiligne.
A mon avis, en fin de compte, les vitesses égales ou supérieures à Mach 2 se démontrent plus économiques que les vitesses de l’échelle supersonique inférieures, mais les problèmes techniques sont fantastiques et il faudra de nombreuses années pour en venir à bout. En attendant la meilleure économie d’exploitation sera obtenue autour de Mach 1,3.
Dans la mesure du prévisible, les frais d’exploitation seront vraisemblablement plus élevés de 50% que dans le cas des avions subsoniques mais l’avion supersonique sera néanmoins utilisé principalement pour des raisons de prestige.
5 – M.C.F Joy–F.R.Ae.S, ingénieur en chef des études de la Handley Page Ltd :
La réalisation d’un avion commercial supersonique est une entreprise ambitieuse, en raison non seulement des problèmes techniques à résoudre mais aussi des nouvelles exigences qui se feront probablement jour dans le domaine des conditions d’homologation et des techniques d’exploitation.
Les avions supersoniques seront plus onéreux, à l’exploitation, que les matériels actuels. En définitive c’est le public qui sera juge de la mesure dans laquelle les grandes vitesses et l’attrait qu’elles exercent sur les passagers pourront se concilier avec les frais d’exploitation plus élevés. La simple transition des vitesses subsoniques supérieures aux vitesses supersoniques inférieures pourra se traduire par une augmentation de 40 à 50% des frais d’exploitation directs ; la hausse sera plus prononcée encore pour une vitesse de Mach 2. Si la première étape se démontre justifiée, il en sera de même, sans doute, de la seconde. Conviendra-t-il de les combiner en une seule étape ? C’est aux compagnies de transport qu’il appartient de répondre à ces questions et leur rôle dans la décision à prendre quant à la vitesse à choisir est d’une importance fondamentale.
L’élaboration des formes aérodynamiques exigera une somme énorme de recherches en soufflerie et autres calculs. Cependant il est certain que l’étude d’un avion destiné à croiser entre Mach 1,5 et Mach 2 ne sera pas plus difficile, sera peut-être plus simple même que celle d’un appareil conçu pour le domaine partiellement transsonique limité entre Mach 1 et Mach 1,5.
La conception de la cellule n’est pas obligatoirement difficile pour les vitesses ne dépassant pas Mach 2 car l’échauffement aérodynamique n’exclut pas le recours aux matériaux classiques. A vrai dire la cellule d’un avion supersonique pourra même être plus simple que celle de l’avion de transport conçu pour le subsonique supérieur, avec son aile de grand allongement et à flèche très prononcée.
6 – Sir Roy Dobson–C.B.E–Hon F.R.Ae.S, administrateur délégué de l’AV.Roe and Co Ltd :
Une saine émulation doit découler du fait que sept compagnies de constructions aéronautiques de premier plan se disputeront les commandes portant sur la construction de cet avion supersonique. A mon avis, la Grande Bretagne a la possibilité de surclasser les avions à réactions américains actuels en se lançant immédiatement dans la réalisation d’appareils de transport des passagers plus rapides encore. Il serait souhaitable que deux spécifications soient établies, l’une définissant un avion appelé à voler à quelques 1300 km/h et l’autre un avion croisant aux alentours de 2000 km/h. Je suppose, en fait, que le comité commun proposera deux appareils dans chaque catégorie. Cependant, si vous prétendez voyager supersoniquement vous aurez à débourser car il est possible que les frais d’exploitation soient doublés par rapport aux valeurs actuelles. Il ne fait aucun doute que l’age du transport supersonique viendra, mais d’énormes efforts de recherche seront indispensables.
7 – E.E. Marshall, chef adjoint des études (projets) de la Vickers-Armstrongs (Aircraft) Ldt :
Il est manifeste que l’industrie aéronautique britannique ambitionne de conquérir une portion aussi grosse que possible du marché des avions long-courriers ; c’est pour définir les conditions dans lesquelles cet objectif pourra être atteint que vient d’être institué un comité qui rassemble un groupe de constructeurs d’avion et le R.A.E
En premier lieu que convient-il d’offrir aux compagnies de transport pour les convaincre de la nécessité d’engager de fortes sommes au renouvellement de leurs matériels aériens ? Il est évident qu’elles réclameront une vitesse plus grande, ce qui signifie une vitesse supersonique car la vitesse des avions à remplacer sera de l’ordre du subsonique supérieur. Elles réclameront également des frais d’exploitation compatibles avec les exigences de la concurrence, un confort amélioré pour les passagers et des conditions d’entretien plus favorables.
La première génération d’avions commerciaux supersoniques pourra apparaître sur les lignes vers 1970. Aux vitesses prévues, il ne se posera aucun problème particulièrement difficile d’échauffement en ce qui concerne la résistance de la cellule et la climatisation de la cabine.
Quels aspects présenteront ces appareils ? On peut avancer que pour répondre aux conditions économiques propres à attirer les exploitants ils transporteront quelque 200 passagers.