Article de Jacques MORISSET

A Toulouse comme à Filton, le programme « Concorde” se poursuit dans une ambiance calme et lucide : on sait maintenant que l’appareil supersonique franco-britannique est une réussite ; ses qualités aérodynamiques correspondent aux espoirs des techniciens, ses moteurs donnent satisfaction ; et même, dit-on, le niveau de performance atteint est peut-être supérieur à celui qu’il était raisonnable d’espérer.

Concorde 01 photographier à Filton il y a quelques jours ; les essais de vibration vont bientôt commencer

Ce ”peut-être” mérite quelques explications : comme l’a expliqué Lucien Servanty, 36 paliers de performances d’une étonnante convergence ont déjà été effectuées. Mais les techniciens ne sont pas encore totalement satisfaits, aussi Concorde 001 achève à Toulouse un chantier au cours duquel l’étanchéité des nacelles a été améliorée. L’appareil devait quitter ce chantier cette semaine, effectuer un point fixe le 20 janvier, puis reprendre ses essais pour une série de six nouveaux paliers de performances. C’est l’exploitation de ces données, puis leur extrapolation à l’avion de série qui permettra aux bureaux d’études de communiquer en mars à la Direction Commerciale la donnée-clé : la charge marchande minimale qu’il est possible de garantir sur l’étape type New York-Paris ou Londres, c’est-à-dire 3150 N.M. (5830 kilomètres). L’Aérospatiale et la BAC seront alors en mesure :

– d’engager avec les 16 compagnies ayant pris des options sur Concorde les négociations contractuelles proprement dites, devant aboutir à la signature des premiers contrats de vente ferme.

– de demander à leurs gouvernements respectifs de financer la poursuite du programme, c’est-à-dire essentiellement (dans l’immédiat) le lancement des approvisionnements nécessaires à la fabrication des avions de série n° 11 à 18, et la mise en fabrication des avions de série n° 7 à 10 (déjà approvisionnés).

Or tout indique que cette charge marchande minimale atteindra bien le niveau prévu, c’est-à-dire :

– 20.000livres (9tonnes) sur l’étape considérée, à la mise en service (1974) de l’avion.
– 25.000 livres (11,3 tonnes) sur cette même étape, dans un délai qui ne saurait excéder deux années, c’est-à-dire lorsque rentreront en service les Olympus 621 de 33.250Ib (15.050 kg) de poussée à sec, légèrement plus puissants et surtout consommant environ 6% de carburant en moins que les Olympus 602 prévus pour la mise en service.

A titre indicatif, à 200 livres (90 kg) par passagers + bagages, 20.000 Ib correspondant à 100 passagers, 25.000 Ib à 125 passagers. Mais il s’agit de charges marchandes minimales, et il est permis de penser que dès
sa mise en service, Concorde pourra emporter les 110 passagers correspondant à l’aménagement classe unique dont il est le plus souvent question.

En attendant, le travail se poursuit aussi sur les deux avions de présérie en construction

:- à Filton, Concorde 01 est pratiquement achevé et va subir six semaines d’essais de vibrations. L’avion est doté de la nouvelle pointe arrière, plus affilée, et qui permettra d’abaisser encore la traînée. Le premier vol est prévu pour la mi-71 avec des Olympus proches des moteurs actuels, et des tuyères type II.

▲ Concorde 01 dans l’attente de ses moteurs

– à Toulouse, l’achèvement de Concorde 02 est volontairement ralenti, afin que l’appareil puisse commencer ses essais directement avec des moteurs proches de la définition de série, et dotés de la nouvelle tuyère 28 (dite T.R.A). En fait, Concorde 02 sera pratiquement un avion de série. Il volera vers la mi-72. Quant au programme des essais en vol, étant donné les résultats obtenus, il vient d’être ramené à 3850 heures, contre 4500 précédemment. Ce qui permet effectivement de croire, comme l’a rappelé M. Henri Ziegler, que la certification de Concorde sera acquise fin 1973 : la fourchette prévue est septembre1 1973-janvier 1974. La mise en service aura donc bien lieu début 1974.

▲ Concorde 02 à Toulouse