La Chambre des Représentants a émis le 11 mai une note surprise demandant que 85 millions de dollars d’indemnités de résiliation destinées à Boeing (52 millions) et à General Electric (33 millions) soient affectés à la poursuite du programme SST. Le voté a été acquis par 201 voix contre 197 alors que, six semaines plus tôt l’abandon du SST avait été décidé par 215 voix contre 204.

A l’heure où nous mettons sous presse, le Sénat, où le SST avait été condamné par 51 voix, contre 46, s’est consulté sur la proposition des Représentants. Une majorité traditionnellement hostile au SST existant au Sénat, on n’attendait pas un vote favorable à l’avion de transport supersonique US.

Les déclarations des dirigeants de General Electric et de Boeing influencèrent certainement les sénateurs. Aussi bien M. Fred J. Borch, pour General Electric, que M. William Allen pour Boeing ont expliqué qu’ils ne reprendront les travaux sur le programme SST que si l’Etat leur garantit désormais des crédits dont M. Allen situe le montant entre un demi-milliard et un milliard de dollars.

Pour faire face à des programmes ”Concorde » et « Tu-144”, bénéficiant du soutien financier des Etats, les constructeurs américains réclament désormais la garantie de pouvoir aller jusqu’au bout. M. Allen a reconnu que les chiffres cités par lui sont choquants ”mais dans une industrie de ce genre on n’arrête pas et on ne reprend pas le travail comme on ferme et on ouvre un robinet ».

Boeing n’a aucune certitude de pouvoir mobiliser au profit du programme SST le concours de sous-traitants comme elle l’avait fait pour l’exécution de la première phase du projet.

« Nous pensons, a déclaré M. Allen, que le fait de ne pas avoir un SST est une grande tragédie pour les Etats-Unis. Nous croyons fermement au SST et espérons que quelque chose sera fait à son sujet. Mais nous devons voir la réalité en face”.

La Maison Blanche, qui a monté l’opération à la Chambre des Représentants n’a guère apprécié les déclarations des constructeurs. Le Ministre des Transports, John A. Volpe a dit que personne n’est actuellement capable de chiffrer d’une manière précise le coût de la reprise des travaux sur le SST. Il a exprimé l’espoir que le Sénat suivrait les Représentants.

Mais le sénateur William Proxmire veille. Il a proposé un amendement au terme duquel la ligne relative au crédit de 85 millions de dollars serait omise du collectif budgétaire. Si cette initiative est approuvée, l’affaire devra être étudiée par une commission mixte du Sénat et de la Chambre des Représentants. Si le sénateur Proxmire échoue, on prévoir qu’une procédure de blocage du collectif sera utilisée pour arrêter l’affaire pendant plusieurs semaines.

Concorde 001 sur Paris-Dakar

C’est finalement juste avant l’ouverture du Salon du Bourget que se déroulera le vol Paris-Dakar que Concorde 001 devait effectuer début février, lorsque ses essais furent interrompus par l’incident survenu le 27 janvier à l’une de ses entrées d’air.

L’appareil décollera de Toulouse le 25 mai, piloté par André Turcat, et se posera environ trois heures plus tard à Dakar, après un trajet non rectiligne qui lui permettra d’éviter le survol de la péninsule ibérique en régime supersonique ; ce léger détour lui fera franchir près de 4500 kilomètres, la vitesse bloc à bloc devant donc être d’environ 1600 km/h. L’appareil reviendra dès le lendemain, en gagnant directement Le Bourget.

Rappelons que les deux Concorde ont déjà réalisé chacun plusieurs vols de plus de trois heures; Concorde 002, par exemple, après avoir effectué le 2 décembre (60ème sortie) un vol de 184 minutes, a effectué le 5 janvier (71ème sortie) un vol de 193 minutes ; mais ce deux vols étaient entièrement subsoniques. Concorde 001, par contre, a effectué le 17 décembre (117ème sortie) un vol de 182 minutes, dont 75 en régime supersonique, et le 23 décembre (120ème sortie) un vol de 185 minutes, dont 73 en régime supersonique. Son plus long vol (17 avril) est de 3 heures 23 minutes.

Enfin, lors de sa 131ème sortie (29 avril), Concorde 001 a volé 103 minutes en régime supersonique.

Premier atterrissage automatique

Lors de son 135ème vol (11 mai), Concorde 001 avait effectué sa première approche automatique. Lors des deux vols qui suivirent, effectués les 13 et 14 mai, trois atterrissages entièrement automatiques furent effectués avec un plein succès, à la grande satisfaction de l’avionneur et des deux sociétés qui ont réalisé le pilote automatique de Concorde : la SFENA et Elliot Flight Automation (GEC-Marconi Electronics Company), sans oublier TRT qui a mis au point la sonde altimètrique.

A la fin de la semaine dernière, Concorde 001 totalisait ainsi 138 sorties et 282 heures 37 minutes de vol, dont 75h 49 mn en régime supersonique. Le 17 mai, la 139ème sortie a duré 94 minutes, dont 37 en vol supersonique. A noter enfin des décollages avec procédure anti-bruit.

L’équipage du Tu-144 se prépare pour le Bourget

C’est le pilote d’essais Edouard Vaganovitch Elian (qui, le 31 décembre 1968, se trouvait aux commandes de l’avion supersonique soviétique lors de son premier vol) qui pilotera le Tu-144 lors de son arrivée au Bourget.

Agé de 44 ans, Elian s’est mis depuis quelques temps à apprendre l’anglais pour pouvoir piloter le supersonique au-dessus des territoires étrangers où cette langue est indispensable pour les communications radio avec les tours de contrôle.

L’indicatif radio du Tu-144 est d’ailleurs ”Delphine-I », ce qui en russe signifie « dauphin”, le cétacé marin

La Komsomoskaya Pravda nous apprend que dans sa prime jeunesse, Elian fut affecté d’une grave maladie, vraisemblablement la poliomyélite qui manqua de lui enlever l’usage de sa chambre droite. Depuis, il chasse l’ours dans les montagnes d’Extrême-Orient et fait du ski au Caucase.

Edouard Elian était venu au Salon du Bourget, en 1968, mais personne ne se douta alors qu’il allait être le premier à piloter le Tu-144.