Le rapport sur les budgets civils  britanniques (Civil Appropriation Accounts) révèle que,  pour les exercices 1961-1962 à 1963-1964, les dépenses engagées par la Royal Aircraft Establishment de Farnborough en liaison avec le programme Concorde ont dépassé les prévisions dans les conditions suivantes :

Exercice 1961-1962 : 197.000 Livres, soit 68% de plus que prévu, 1962-1963 : 289.000 Livres, soit 63% de plus que prévu, 1963-1965 : 337.000 Livres, soit 28% de dépassement.

Pour la période de 1961-1962 à 1970-1971, il est prévu de dépenser pour les travaux d’études et de développement sur les avions de transport supersoniques : au RAE de Farnborough : 12,9 millions de Livres (dont 6,9 millions d’amortissements du capital et de remboursements à d’autres Départements Ministériels).

Au National Gas Turbine Establishment de Pyestock, plus de 6 millions de Livres (dont 1,4 millions d’amortissements) seront dépensées simultanément. Le total de ces sommes correspond à la contre-valeur de 265 millions de F environ.

Le Gouvernement Français a pris note le 21 janvier, de la position britannique sur Concorde.

C’est au cours du Conseil des Ministres du 21 janvier, que le Gouvernement français a été informé par M. Marc Jacquet, Ministre des Travaux Publics et des Transports, des assurances données par les autorités britanniques sur la poursuite du programme ”Concorde » qui sera poursuivi par l’effort commun des industries françaises et britanniques, conformément à l’accord qui avait été conclu de part et d’autre.

La missive du Gouvernement « Wilson” a eu pour effet immédiat la reprise de la coopération entre les Administrations, reprise consacrée, dès le début de cette semaine, par la réunion du Comité des Fonctionnaires. Cette réunion a permis une utile confrontation à l’occasion de laquelle ont été réaffirmées les thèses françaises tendant à la réalisation du projet dans les meilleurs délais et en respectant l’échéancier initial.

CONCORDE : reprise des travaux du Comité des Fonctionnaires.

La remise en route effective du programme ”Concorde » a été manquée au début de cette semaine par une session à Paris, sous la présidence de M. Robert Vergnaud, Directeur des Transports Aériens au SGAC et Président du Comité des Fonctionnaires chargé de suivre l’affaire « Concorde”, d’une importante réunion de ce Comité. Cette conférence, qui s’est déroulée dans un climat très constructif, a permis de faire le point sur l’état d’avancement du programme et de dégager un certain nombre de directives à l’attention de l’industrie.

Le cours normal des consultations entre fonctionnaires et entre constructeurs a donc maintenant repris et on espère que le programme Concorde ne sera pas affecté outre mesure par les hésitations politiques des derniers mois.

Concorde : l’Olympus 593-B tournera au banc cette année.

Malgrés les hésitations gouvernementales, le programme de développement (cellules et moteurs) de Concorde a suivi normalement son cours pendant les mois qui viennent de s’écouler : couvertes par des engagements de dépenses allant jusqu’en mars prochain, les sociétés  intéressées n’ont pas ralenti leurs efforts, le but  actuel étant, rappelons-le, de faire voler le prototype n° 1 vers la fin de 1967.Le premier 593-B.

C’est ainsi que le premier Olympus 593-B doit commencer ses essais au banc à Patchway, chez Bristol Siddeley, au cours du dernier trimestre de l’année en cours. On sait, que deux Olympus 593-D, moteurs de développement qui préfigurent le réacteur définitif, sont aux essais, l’un d’entre eux ayant déjà permis d’atteindre, grâce aux aubes de turbine refroidies par air, une température devant turbine de 1420° K (1147°C). De son côté, l’Olympus 320 du TSR 2 a subi déjà plusieurs milliers d’heures d’essais au banc, et les enseignements tirés de ces essais ont permis de revoir certains des éléments techniques de l’Olympus 593 (1). Les ingénieurs des deux sociétés (Bristol-Siddeley et la SNECMA) accumulent donc les données nécessaires à la continuation du programme et bénéficieront d’ailleurs de nouveaux atouts lorsque dans quelques semaines, en France aussi (c’est-à-dire au CEP de Saclay) tournera un Olympus 593-D. Le 593-B, rappelons-le également, est destiné à partir du 593-D par accroissement du débit d’air (10% en plus environ), le diamètre du moteur ayant été augmenté en conséquence (121 cm, contre 115).

Un programme complet

Que représentera la mise au point du réacteur de Concorde ? Bien qu’aucun chiffre officiel n’ait été publié, on peut estimer, par recoupement et par comparaison avec le développement d’autres gros turboréacteurs, que la seule mise au point au banc nécessitera une quinzaine de moteurs et 300 « mises au banc », c’est-à-dire en moyenne une vingtaine par moteur et autant de démontages pour inspection et révision). Certains de ses moteurs seront surtout utilisés pour le développement proprement dit, les recherches sur les problèmes techniques ; d’autres accumuleront les heures d’endurance ; quelques pointes à des températures (devant turbine)  un peu plus élevées, par exemple, jusqu’à 1500°K (1230°C) figurent probablement au programme ; finalement, lorsque Concorde entrera en service (1970), une dizaine de milliers d’heures au banc aura été effectuée auxquelles s’ajouteront bien entendu les heures les heures de vols accumulées sur les prototypes  et les appareils de présérie. L’homologation au banc sera d’abord obtenue, puis la certification complète grâce aux heures de vol effectuées. Le nombre d’heures d’essais en vol nécessaire pour cette certification n’est pas encore connu, mais les autorités certifiantes étudient le problème, avec l’aide des services compétents (le chiffre de 5000 heures déjà cité n’a bien entendu, qu’une valeur indicative). De toute façon, les essais au sol seront extrêmement complets grâce à l’utilisation des nouveaux bancs haute altitude en achèvement à Pyestack et à Saclay.

Le bruit final

Les promoteurs de l’Olympus 593 ont un double but final : d’une part, obtenir une durée de vie entre révisions de l’ordre de 2000 heures, d’autre part, mette au point des versions encore plus puissantes, allant peut-être jusqu’à 18 tonnes de poussée.

Le premier point exigera évidement l’accumulation de très nombreuses heures d’essais ; en fait, lors de l’entrée en service de l’appareil, la durée de vie entre révisions sera alors inférieure à 1000 heures ; ce n’est que progressivement, comme c’est d’ailleurs le cas pour toutes les turbines à gaz, que la durée de vie atteindra les valeurs cherchées.

Le deuxième point, celui de l’accroissement de poussée, revient à exiger du moteur des performances encore accrues, donc à l’améliorer sur de nombreux points (aubes, paliers, graissage, etc..). Mais les conditions de fonctionnement devenant alors de plus en plus sévères, il faudra accumuler des dizaines de milliers d’heures de vol sur les avions en service pour qu’il soit possible de sortir, en série, un réacteur plus puissant.

Une dernière précision, enfin : le système de réchauffe légère (à l’étude à la SNECMA) qui doit équiper l’Olympus 593 est destiné, on le sait, à accroitre d’environ 10% la poussée du réacteur. Ce supplément de poussée permettra à l’appareil de passer le mur du son à une altitude plus élevée. Mais il pourra donner  aussi à Concorde une marge de sécurité accrue au décollage en conditions limites, c’est-à-dire à pleine charge, par température élevée, avec panne d’un réacteur après le décollage.