ECHOS Sud Aviation – Novembre 1968

Parmi les nombreuses visites effectuées, dans nos usines de Toulouse, du 15 octobre au 18 novembre, il convient de citer :
– Le 15 octobre : un groupe de journalistes japonais, accompagnés de personnalités de Japan Airlines, qui a visité les installations de Caravelle et Concorde. Cette visite a été suivie le 23 octobre par celle de Gouverneurs Japonais.
– Le 23 octobre également, la visite du Captain Ellis, ”Chairman Line Pilot Association SST Comittee » d’American Airlines qui a été reçu par M. Jacques Guignard de la Direction des Essais en Vol.
– Le 25 octobre : M. G.A. Spatier, Président d’American Airlines, accompagné de quatre personnalités de cette Compagnie et assisté de M.M Jakimiuk et Blanchet, a visité nos installations Concorde sous la direction de M. Dufour. Notre Président Directeur Général a accueilli ces personnalités.
Le prototype Concorde 001 a subi récemment, à Toulouse, des essais de déformation de la voilure vers le haut et vers le bas. Ces essais avaient notamment pour but de contrôler la garde entre certains circuits et la structure, de vérifier le fonctionnement des commandes de vol sous différentes configurations simulées.

Concorde 001 Essais de déformation de la voilure

Par ailleurs, des essais de conditionnement d’air ont été également effectués

Concorde 001 Essais de conditionnement d’air

Extraits de la conférence du Président Henri Ziegler le 7 novembre :

« Le domaine des avions, représente la part la plus importante de l’activité de la Société.
– Le programme Caravelle (267 appareils), a bien tenu sa place tant sur le marché du transport que dans nos fabrications.
– Pour le Concorde, le programme s’exécute en collaboration avec BAC. Pourquoi ce programme est-il difficile ? Bien que la technique très avancé soit maintenant bien connue et bien maîtrisée, car on fait couramment voler des appareils à Mach 2 et au-delà ; il s’agit d’associer cette technologie avancée à l’économie d’exploitation et c’est là où l’extrême difficulté, car dans des projets de cette nature, le rapport de la charge utile et le poids total de l’appareil est beaucoup plus réduit que sur les appareils classiques. Dans le Concorde, il se situe autour de 5%. C’est dire que les difficultés courantes de respect du poids de structure, de respect des traînées, du respect des rendements de moteurs qui sont l’éternel problème de la réalisation de tout avion nouveau, ne permettent pas de grands écarts dans le cadre du programme supersonique. La rigueur de tenue des objectifs est plus grande et elle est d’autant plus grande en même temps que les difficultés sont importantes. C’est pour cela que les ingénieurs, que les services de production, que les services d’essais ont a faire face à des difficultés plus importantes et demandent plus de temps qu’avec un programme classique comme le sont tous les appareils subsoniques par exemple.

Où en sommes-nous aujourd’hui ? Au mois d’août un appareil a subi des essais de moteurs ainsi qu’un certain nombre d’essais de roulement ; il est maintenant en préparation pour les essais en vol, ce qui nécessite une mise au point très attentive de tous ses composants dont la technologie très avancée et très complexe doit être surveillée, avec un soin particulier.
Raisonnablement, l’appareil devrait passer aux essais en vol en décembre. Ensuite l’équipe des essais en vol procèdera aux vérifications et contrôles de rigueur pour lesquels 5 semaines environ seront nécessaires. On peut donc escompter les essais en vol dans le courant de janvier 1969.
Le Président a tenu à être très précis sur le point suivant : les premiers vols seront faits sur l’appareil 001, qui est l’appareil français parce que le planning d’ensemble du programme a été ainsi fait. Il n’y a pas l’ombre d’une compétition ou d’une concurrence entre les équipes anglaises et les équipes françaises dans cette affaire, nous sommes des équipes pleinement associées.
L’ensemble des opérations résulte d’un planning intégré. Au cours de 1969 se déroulera un programme d’essais en vol qui fera intervenir les 2 prototypes pendant que se dérouleront suivant les dispositions classiques les programmes d’essais statiques et d’essais de fatigue.
Les objectifs communs de BAC et de Sud Aviation restent d’aboutir à une certification en 1972 et par conséquent à une entrée en service à la fin de 1972 ou en 1973.
A cette date Concorde a, au départ, sa place sur le marché, en attendant qu’apparaissent éventuellement des appareils plus importants et dans une perspective à plus long terme, que les différents développements de Concorde et de ses concurrents puissent intervenir.

L’objectif est de transporter dans une première phase 20.000 livres de charge utile sur les parcours transatlantiques et au fur et à mesure du développement des réacteurs de porter sa charge de 24 ou 25.000 livres.
A propos du bruit, des études sont poursuivies conjointement avec tous les services d’études et de recherches du monde entier. Toutefois, dans les applications les plus proches, les vols de Concorde auront lieu au-dessus des mers et des surfaces non habitées sauf les phases initiales et terminales où le vol subsonique ne pose pas les problèmes de bang. De l’expérience sera acquise sans se heurter au départ à des difficultés insurmontables. Le Président indique : Je suis convaincu que même si les problèmes ne sont pas immédiatement résolus, ils le seront ; je ne pense pas qu’il y ait là problème plus insurmontable que le franchissement du mur du son, il y a quelques années.

– En ce qui concerne les nouveaux avions subsoniques, il est frappant de constater les dimensions de leur fuselage. L’environnement est différent de celui des avions classiques. On se trouve dans de véritables salles avec un niveau supérieur de niveau de confort et il en résulte une autre attitude psychologique.
Autres caractères importants et plus techniques : l’aérodynamique très avancée et les nouveaux réacteurs à taux de dilution élevé permettant des rendements accrus. Enfin, ces avions comporteront des systèmes automatiques d’approche et d’atterrissage permettant une meilleure planification des mouvements autour des aérodromes de plus en plus encombrés”.

Réponses aux questions posées par les journalistes.

Aux très nombreuses questions posées par les journalistes, le Président faisant parfois appel à ses collaborateurs, a pu apporter quelques précisions sur différents points.
Bien entendu un nombre important de ces questions avait trait à Concorde. Voici très résumées les réponses faites à ces questions :
9 à 10.000 personnes (productifs et improductifs) du Groupe Sud Aviation travaillent sur ce programme.
Le budget français (hors taxes) du programme Concorde n’a pas été modifié récemment, il est toujours de 7,5 à 8 milliards de francs.

Pour la série, il n’y a pas de problème de circuits. Il y a évidemment les problèmes des collectionneurs des poids de structure, de raffinement des traînées e de développement des moteurs.
Comme il s’agit ici d’un domaine nouveau, il est nécessaire de disposer d’un certain nombre de données réellement mesurées, c’est-à-dire d’un certain nombre de résultats d’essais en vol pour arrêter les dernières données permettant d’achever le lancement de la série. Toutefois celle-ci est en cours car les études générales sont entreprises et des outillages sont en fabrication.
– Pour que l’opération Concorde soit rentable, il a été dit qu’il faudrait vendre 150 avions, le Président pense que ce chiffre reste stable, mais les caractéristiques financières précises ne peuvent être encore complètement arrêtées car nous n’en sommes : qu’à un stade encore relativement initial du programme.
– Il est un peu tôt pour fixer définitivement le prix de Concorde car il reste quelques problèmes techniques à résoudre.
– Toutes les options (au nombre de 74) ont été maintenues au-delà de leur durée initiale car les utilisateurs sont bien conscients des problèmes relatifs à ce nouveau type de matériel.
Deux questions ont été posées à propose des rumeurs, évoquées à l’Assemblée Nationale, au sujet du rapport poids total, charge utile.
Le Président insiste à nouveau sur le fait que les problèmes à résoudre ne sont pas différents de ceux qui se posent habituellement (chasse aux excès de poids de structure, aux excédents de traînée, et problèmes de motorisation). La seule chose c’est que s’ils ne sont pas différents en nature, ils sont un peu plus serrés en tolérance.

Nous ne voyons aucune raison de douter d’arriver à remplir notre objectif et les choses se présentent, je pense, convenablement ; c’est l’avis des techniciens.
En fait : notre Groupe Industriel a décidé de fixer à 385.000 livres le poids total de la version actuelle. Les capacités de transport doivent être au départ de 20.000 livres garanties, sur l’Atlantique Nord, sur Paris-New York font ce qui définit bien les conditions d’exploitation et elles doivent passer ultérieurement à 25.000 livres. Cela suppose évidemment, un certain stade absolument classique du développement des groupes propulseurs et qui permet de franchir une étape du développement de l’avion sans modifications fondamentales de ce dernier.
– L’objectif du programme Concorde est de transporter 134 passagers sur Paris-New York.