L’avion Russe Tupolev Tu-144 a explosé en plein vol il y a 50 ans. Les habitants et les forces de l’ordre racontent ce souvenir encore gravé dans leur mémoire.

C’était il y a cinquante ans, mais ses souvenirs sont intacts. Ces images de désolation de maisons détruites et ces cris des habitants qui l’appellent au secours restent gravés dans la mémoire de Pierre Grenier, 85 ans.

« Ce n’est pas un choc que j’ai ressenti à l’arrivée, mais la panique au sol », souffle-t-il. Le dimanche 3 juin 1973, il est 15h29 lorsque le Tupolev Tu-144, le supersonique russe, explose en plein vol, au cours d’une démonstration, et s’écrase dans le quartier des Noues, à Goussainville.

Dans la foulée, celui qui dirigeait alors les pompiers du Val d’Oise reçoit un appel.

J’étais sur le poste de commandement pour le salon du Bourget lorsque mon général me prévient du crash et me dit :  »commandant, montez immédiatement dans l’hélicoptère ».

Pierre GrenierDirecteur des pompiers du Val-d’Oise au moment du crash

« La vision d’une bombe »

En survolant la zone, Pierre Grenier découvre l’horreur. « C’était la vision d’une bombe, d’une explosion… Sur 100m, il n’y avait pas un pavillon debout. »

Il passe un message sur les ondes, estimant entre 300 et 400 personnes sur place et craignant « un nombre de morts très élevé ».

Lorsque l’hélicoptère atterrit, il se retrouve au milieu des débris éparpillés de l’avion en flammes dont se dégage un énorme nuage de fumée. Il est le premier arrivé sur le lieu du crash et le seul pompier en tenue.

« Les gens m’appelaient à l’aide. Les secours n’étaient pas encore arrivés… » Le commandant court sur la zone afin de déterminer l’étendue des dégâts et établir un plan d’intervention.

Une fois que mon équipe est arrivée, j’ai coordonné tous les effectifs. Certains s’occupaient des morts, d’autres des victimes, et toute une équipe ralentissait les foyers de feux autour de l’avion en miettes. Je devais traiter cette intervention comme une autre. C’est un crash impressionnant oui, mais il faut installer une certaine barrière face à ce type d’événement. Dans ces moments-là, on est pris par l’action. Le temps n’est pas à la compassion.

Pierre Grenier
Il commandera par la suite l’intervention sur le crash du DC 10 dans la forêt d’Ermenonville, puis sur celui du Concorde, à Gonesse, le 24 juillet 2000.Le bilan final fera état de quatorze morts, six membres d’équipage et huit habitants de Goussainville, 26 blessés ayant été hospitalisés.

Parmi les victimes, Lydia Alvarez, 11 ans au moment du crash.

Je me trouvais chez ma tante, avec mes trois cousines, Martine 12 ans, Marianne, 10 ans et mon autre petite cousine de 3 ans. Je jouais tranquillement à la poupée avec elles dans la chambre. Et ensuite, c’est le trou noir.

Lydia AlvarezVictime du crash du Tupolev Tu-144

L’avion s’abat sur leur maison. Une des cousines décède sur le coup, tandis que Marianne est gravement blessée.

Sortie des décombres par son oncle et son père, Lydia est conduite en urgence à l’hôpital de Gonesse.

« Je me suis réveillée à l’hôpital amputée du bras »

Les médecins m’ont dit que j’avais perdu énormément de sang. J’étais entre la vie et la mort pendant 48h », se souvient la sexagénaire marquée à vie par ce drame. « Je me réveille, perdue, dans un lit, entourée par des infirmiers en blouse blanche. Je me demandais ce que j’avais, les médecins m’ont répondu de ne pas m’inquiéter, que j’avais juste le bras cassé. Je me suis finalement réveillée à l’hôpital, le lundi matin, amputée du bras droit.

Lydia Alvarez

Le personnel soignant attend que Lydia, encore fragile, soit sortie d’affaire avant de lui annoncer ce qu’il s’est passé.

Je me souviens d’avoir été bien entourée à l’hôpital. Les médecins ont été porteurs d’espoir concernant mon rétablissement », se rappelle-t-elle. « Ça a été un vrai soulagement. Quand je vois aujourd’hui le traumatisme que cet événement avait engendré chez ma cousine, même si j’ai perdu mon bras, j’estime avoir eu cette douleur mentale en moins.

Lydia Alvarez

Aujourd’hui, Lydia Alvarez voyage en avion sans crainte et n’a développé aucun traumatisme lié au crash.

Elle garde tout de même en tête cette expérience bouleversante. « Le plus dur pour moi, c’était de réapprendre à écrire, à vivre sans mon bras droit, dès mon plus jeune âge ».

LA GAZETTE VAL D’OISE . Maëva LOUIS-ALEXANDRE