Article de Jacques MARMAIN
Avant qu’il n’ait effectué un seul vol, la totalité des essais de « Concorde” contenue dans 250 mémoires de contrôle, représentait un volume de quelque 3800 pages. 3800 pages de technologie nouvelle. Car ce bel enfant de ”l’Entente concordiale » a posé une collection de problèmes du simple fait qu’il volera pendant deux heures à Mach 2, deux fois la vitesse du son ; il existe dans le monde de nombreux appareils capable de voler aussi vite, et même plus vite, mais ce sont des avions militaires qui ne maintiennent cette vitesse que pendant quelques minutes.
Principales rubriques : l’échauffement cinétique, le revêtement et la structure, la température du combustible, le conditionnement de la cabine, le comportement aérodynamique, les équipements.
Pour enrichir le dossier ; plus que par esprit de rivalité, Français et Anglais ont travaillé séparément là-dessus, unissant leurs recherches, confrontant leurs résultats pour les approfondir. C’est ainsi que sont nés, presque simultanément, un prototype anglais et un français, qui feront séparément, leurs vols d’essais.
L’un des plus formidables problèmes de Concorde, c’est qu’à Mach 2, il devient un gril volant, la « peau” passant à 120°C par suite de l’échauffement cinétique, phénomène dû à la recompression adiabatique à l’impact de l’air sur l’avion et au frottement de cet air sur les surfaces de l’appareil. Jusqu’à Mach 2,2, on avion peut se contenter d’un revêtement d’aluminium. Mais il a quand même fallu cinq ans d’essais, réalisés par Cegedur-Pechiney, Sud Aviation et l’ONERA, avant que l’on puisse mettre au point un matériau, désigné sous le sigle d’AUZGN, dont les caractéristiques techniques ne sont pas altérées après un vieillissement de 30.000 heures à 130°C et dont la tenue en fatigue n’est pas affecté jusqu’à 150°C.
Cependant, les parties ”chaudes », les nacelles des réacteurs, par exemple, seront en matériau plus résistant, le titane, et d’autres en acier.
Autre problème majeur : l’échauffement cinétique se traduit par un apport continuel d’énergie thermique pendant le vol et qui peut atteindre 750 kilocalories par minute ; cette énergie est partiellement absorbée par la structure, les circuits hydrauliques et de conditionnement, mais aussi, ce qui est encore plus épineux, par le carburant ; celui-ci peut alors atteindre une température de 85°C dans les réservoirs et de 160°C aux brûleurs. De plus, à l’altitude de croisière de 17.000 mètres, la pression atmosphérique n’est que de 0,072 kg/cm2 et la tension de vapeur des carburateurs usuels, aux températures d’utilisation, est assez nettement supérieure à cette valeur ; de sorte que, sans mise sous pression des réservoirs, le kérosène se mettrait à bouillir.
Il faut donc pressuriser ; mais qui dit pressurisation dit également augmentation des poids de structure. De nombres essais ont été nécessaires pour trouver la solution de ce dilemme ; Concorde utilise du JP-1, dont la tension de vapeur est de 0,063 kg/cm2 et les réservoirs seront légèrement pressurisés à partir de 18.000 mètres d’altitude.
Tous les problèmes concernant le circuit du combustible lui-même ont dû être étudiés sur un banc d’essai spécial, à Thornton, en Grande-Bretagne, longuement sollicité pour la mise à l’épreuve des composants mécaniques du circuit et la détermination précise du rôle de la stabilité thermique du combustible ; conséquence : élimination totale du cuivre et de ses alliages dans le circuit.
Le conditionnent représentait l’un des problèmes-monstres de l’ensemble du dossier : il faut, en effet, que les passagers puissent respirer, à 17.000 mètres dans une température humide, protégée de certaines particules radioactives et de gaz nocifs à haute dose, comme l’ozone ; il a donc fallu choisir soigneusement l’altitude fictive que l’on établirait dans la cabine : des mois d’études ont abouti à la fixer à 3100 mètres. Par ailleurs, il faut que l’évolution de cette altitude fictive soit lente, car les variations rapides de pression ambiante provoquent, on le sait, des douleurs d’oreilles assez pénibles. C’est pourquoi les vitesses de montée ou de descente apparentes sont limitées à 2,50 mètres par seconde.
Ensuite, l’air de la cabine doit être sans cesse renouvelé, car il se pollue et se réchauffe, mais il doit être complètement renouvelé toutes les deux minutes ! Or, à l’altitude de pointe de 19.000 mètres, la poussée atmosphérique n’est que de 6% de la pression au sol : cette énorme masse d’air est donc retirée aux compresseurs des réacteurs ; cependant, autre chausse-trappe, l’air est à cet endroit surchauffé à 60°C. Il a fallu mettre au point un système complexe, appelé « bootstrap”, pour rabaisser sa température à 20-25°C. Et, pour qu’il soit parfaitement respirable et sans danger, il a également fallu installer un convertisseur catalytique afin d’éliminer l’ozone, un filtre à particules radioactives et un séparateur d’eau pour maintenir un degré hygrométrique correct, afin que les passagers ne voient pas soudain des nappes de brouillard se former dans la cabine ou de la pluie tomber du plafond.
On n’en finirait pas d’énumérer les problèmes posés par l’échauffement cinétique, l’un des inattendus est qu’à Mach 2,05, Concorde s’allongera de 15 cm, par dilatation de la structure et de la ”peau » ! Rien que pour cela, il fallut trouver une peinture suffisamment élastique et résistante pour supporter et l’échauffement, et l’allongement s’en s’écailler.
Une fois posé le principe l’aile Delta effilée est le profil qui convient le mieux à Concorde, il fallait le contrôler dans des bureaux d’études ; pour cela, des dizaines de maquettes, souvent très complexes et d’une grande précision, ont été étudiées en soufflerie. C’est-à-dire dans plus de 50 souffleries en France, en Grande-Bretagne, en Hollande et, plus précisément, au CEAT, à Toulouse, à l’ONERA, à Modane, au Royal Aircraft Establishment, à Bedford. Parallèlement, des prototypes expérimentaux ont été construits pour défricher, en vol réel, les problèmes aérodynamiques en vitesse subsonique, transsonique et supersonique.
« Haut” et ”chaud », Concorde imposait des solutions de structure profondément originales, et, bien sûr, les essais afférents furent organisés de façon parfaitement méthodique, chaque ensemble étant séparément soumis aux épreuves statiques et aux épreuves de fatigue dans lesquelles les effets combinés des charges mécaniques et des contraintes thermiques étaient étudiés.
Ce qui a amené à découper Concorde en « rondelles”, plus noblement appelées ”tronçons éprouvettes », soumises à des efforts de traction en fonction de température. Pour la certification, deux cellules complètes passaient à la torture. La première à un programme d’essais statiques au CEAT de Toulouse, la seconde aux essais de fatigue du RAE de Farnborough.
On a pu ainsi estimer la durée de vie de la cellule à 45.000 heures, dont 30.000 seulement en supersonique élevé.
C’est bref à dire sur le papier, mais les essais statiques d’une cellule complète ont nécessité la construction à l’Hers, près de Toulouse, d’un hall spécial de 68 mètres de long, 51 mètres de large et 28 mètres de hauteur, où l’on installa l’équipement capable de fournir la puissance de 30.000 kW pour obtenir l’échauffement nécessaire. Un exemple : pour le refroidissement de la structure, un seul essai exige 30.000 litres d’azote liquide. De plus ces essais comporteront la pressurisation du fuselage, sa climatisation, la mise en pression des réservoirs, la circulation du combustible froid et chaud.
Pour conduire un essai, sa programmation et ses mesures, une section spéciale a été installée avec l’emploi d’un calculateur numérique Pallas permettant l’exécution de l’essai à partir d’un programme mis en mémoire sur bande magnétique rapide. Pour situer l’importance des moyens de mesure et leur rapidité, indiquons qu’une éprouvette, comportant 5,50 mètres de fuselage et 20,50 mètres de voilure d’un seul tenant est capable de recevoir jusqu’à 5000 capteurs et que 10 secondes suffisent pour recueillir les informations fournies par 2000 de ces capteurs.
Essais des équipements
Tous les avions moderne font appel, longuement, aux énergies hydraulique, électrique, pneumatique pour le fonctionnement des équipements. Il est donc indispensable que ces sources d’énergie et ces équipements soient essayés séparément avant le premier vol et subissent des essais de fatigue aussi complets que ceux de la cellule. A Toulouse-Blagnac, Sud Aviation a construit, pour se faire, un hall spécial long de 87 mètres, large de 47,10 mètres et haut de 15,50 mètres. On y a installé un banc d’essais dans lequel toutes les commandes, toutes les gouvernes de vol sont installées exactement à la place qu’elles occupent dans l’avion. Les systèmes électriques de sollicitation des commandes hydrauliques sont également en place, ainsi que les circuits de conditionnement d’air, le train d’atterrissage. Tout cet ensemble est connecté au simulateur de vol dont nous avons parlé par ailleurs. Tous les équipements ont subi, sur ce banc, les 1000 heures d’essai d’endurance qui doivent obligatoirement précéder le premier vol du prototype. Les essais de fatigue, eux, ne se termineront qu’après les 24.000 vols simulés qui représentent 45.000 heures de vie de la cellule.
Un banc similaire a été construit à Filton, en Grande-Bretagne. Il est chargé de l’expérimentation des circuits de combustible et des circuits électriques.
Dix-sept moteurs d’essais
Partagé par la France et la Grande-Bretagne, le programme de développement du propulseur de Concorde comprendra environ 30.000 heures d’essais au banc ou en vol jusqu’à la fin de 1971, date de la certification de l’appareil. Le programme comporte quatre phases :
1 – Essais au banc en conditions standard.
2 – Essais avec conditions simulées en caisson.
3 – Essais sur banc volants.
4 – Essais sur les prototypes et avions de présérie « Concorde”.
Soit 12.000 heures d’essais au sol, 18.000 heures au moins d’essais en vol et 3000 heures d’essais complémentaires après l’entrée en service commercial des avions.
Dix-sept moteurs expérimentaux ont été construits pour la mise au point sur banc terrestre et volant. Quatre moteurs supplémentaires ont été livrés pour les essais de point fixe et quatre autres pour les premiers vols.*
Cinq bancs d’essais spéciaux sont utilisés à Bristol (Siddeley), trois à Melun-Villaroche (SNECMA) et un à Saclay (Centre d’Essai des Propulseurs). Quatre bancs-caissons pour essais en altitude simulée sont employés également, deux en Angleterre (National Gas Turbine Establishment), et deux en France (CEP). D’autres bancs seront construits des deux côtés de la Manche, pour répondre à la demande croissante d’essais inhérents à la production de série et à la livraison des moteurs de production et de rechange.
L’utilisation d’un bombardier britannique ”Vulcan » transformé a permis de réaliser des essais absolument réels du réacteur en vol, y compris l’étude des caractéristiques d’emploi de la réchauffe (postcombustion), depuis 297 km/h jusqu’à Mach 0,98. Pour les essais haute-vitesse, on utilise le grand banc d’essai du NGTE à Puestock.
Le simulateur mis au point par la firme française LMT et la firme anglaise Redifon est sans nul doute l’un des principaux équipements d’essais du « Concorde”. En effet, il a une double mission. Il est à la fois simulateur d’études et simulateur de vol. Les études sont à la fois une précaution, et un complément des vols d’essais sur prototype.
Le simulateur est une installation au sol, comportant une cabine de pilotage identique intérieurement à celle de Concorde et à l’intérieur de laquelle l’équipage est placé dans le même environnement qu’en vol réel. Le pilote sent des efforts de pilotage sur les commandes de vol et suis les instructions des instruments depuis le décollage jusqu’à l’atterrissage durant toutes les manoeuvres subsoniques et supersoniques. Au cours des périodes de roulement au sol, de décollage et d’atterrissage, la vision en couleurs du terrain et de la piste de Toulouse-Blagnac se présente devant les yeux et varie en fonction de la position et de l’altitude de la cabine. L’ensemble de l’équipage ressent les mouvements et les accélérations correspondant au roulement au sol et à l’action du vent et des rafales au cours du vol. Le basculement du nez de l’avion est simulé, ainsi que les liaisons radioélectriques de communication et de navigation.
Enfin l’harmonie de vol peut être perturbée de 200 manières différentes par l’introduction de pannes diverses, depuis le pneu crevé, jusqu’au train d’atterrissage qui se refuse à sortir.
Tout cet univers est créé grâce à un ensemble de calcul qui, travaillant en temps réel, élabore les données nécessaires pour déterminer à tout instant la réponse de l’avion aux actions de l’équipage. Il est envisagé de relier le simulateur d’études au simulateur du trafic aérien d’Eurocontrol à Brétigny, pour étudier les problèmes posés par l’intégration d’avions de transport supersoniques dans le contrôle du trafic aérien.
Les ”poubelles à bangs »
Si, d’une façon générale, « Concorde” est moins bruyant que les avions actuels dans les zones terminales, il n’en sera pas de même lorsqu’il volera en supersonique. Le phénomène du bang sonique est sans doute celui qui soulève les problèmes opérationnels les plus délicats de l’exploitation du transport supersonique. Il est produit par les sautes de pression d’air qui se manifestent lorsque les ondes de choc émanant de l’avion atteignent le sol sous le passage de l’avion. Son intensité est d’autant plus grande que l’avion est plus lourd et qu’il vole plus bas. C’est donc pendant la phase d’accélération qu’elle peut atteindre les valeurs les plus élevées, parce que l’avion ne s’est encore que faiblement allégé du combustible consommé et en raison des effets de focalisation qui peuvent se produire par la superposition locale des ondes de choc. Pour étudier ce problème, on s’est servi d’un bombardier ”Mirage IV A” ayant le même rapport poussée/poids que ”Concorde ». L’exercice de mesure s’est effectué à l’altitude à laquelle Concorde pourra passer en supersonique. C’était la première fois que l’on tentait de placer une focalisation, en vol rectiligne et en virage, sur un espace aussi réduit, vu l’altitude de vol utilisée (10.000 mètres). C’est ce que l’on a appelé l’opération « Jéricho-Focalisation”.
Faudra-t-il placer les super-bangs produits sur les itinéraires commerciaux de demain, dans des zones inhabitées pittoresquement surnommées poubelles à bangs ? Sans doute pas. En effet, le coefficient d’amplification dépend fortement de l’accélération et, dans ce cas, elle était beaucoup plus forte que celle de ”Concorde ». D’autre part, il ne faut pas oublier que, pour la majorité des parcours long-courrier, il est possible de placer la phase d’accélération qui ne représente qu’une faible partie de la durée du vol, soit au-dessus de la mer, soit au-dessus des régions très peu peuplées. De toute façons, les études de « Concorde” ont été menées de façon à lui réserver des possibilités grâce auxquelles c’est avion est assuré de s’adapter de façon économique aux règlements limitatifs qui pourraient lui être imposés.
Le programme des essais en vol de ”Concorde », qui débutera dans quelques semaines, doit s’étendre sur plus de trois ans. Il ne faudra pas moins de sept avions pour le mener à bien, et ils totaliseront ensembles 4375 heures de vol. Ce programme vise deux objectifs bien déterminés : la mise au point et l’obtention du certificat de navigabilité.
2460 heures d’essais
• La mise au point : elle consiste à contrôler l’exactitude des prévisions de calcul (polaire, stabilité, etc…) et assurer, pour les différents équipements, les meilleurs réglages possibles. Cette phase sera explorée principalement par les prototypes 001 et 002, mais pour tenir compte des modifications qui interviennent toujours, les avions de présérie 01 et 02 devront exécuter une partie de ces essais.
• La certification : cette phase comporte deux aspects différents. Elle comporte les vols de certifications proprement dit qui ont pour but de montrer que la sécurité et la fiabilité de l’appareil permettent de l’affecter au transport des passagers. Elle comporte également les vols d’endurance destinés) prouver que l’avion est capable de satisfaire à toutes les exigences opérationnelles des règlements en vigueur, préfigurant les vols commerciaux eux-mêmes.
La plus grande partie des vols est consacrée, avec 1915 heures, aux vols de mise au point. Les vols de certification demanderont 750 heures et les vols d’endurance 1500 heures. Un fois le CDN obtenu, fin 1971, 210 heures d’essais seront nécessaires, à savoir 60 heures pour essais sur terrains en altitude, et 150 heures pour la certification du système d’atterrissage automatique (ATT). Le tableau ci-dessous, donne une idée très précise de la répartition des tâches de chacun des 7 avions d’essais.
Le premier vol : 45 minutes
Une fois les derniers contrôles effectués, l’autorisation du premier vol sera donnée par lettre du directeur d’essais en vol (CEV) au directeur des essais de Sud Aviation. Si le vent est faible et le ciel clair, André Turcat, qui se trouve être à la fois le premier pilote d’essai et le directeur des essais, pourra lancer Concorde 001 sur la piste de Toulouse-Blagnac.
Pour ce premier vol, le poids de l’avion sera limité à 110 tonnes. Il exécutera tout son vol, d’une durée de 45 minutes environ, avec le train sorti et le nez basculant en position basse. Il effectuera son premier virage à une altitude qui ne pourra pas être inférieure à 300 mètres. Il montera ensuite jusqu’à 4500 mètres. Après appréciation de la réponse aux commandes, « Concorde” effectuera ensuite une approche fictive en altitude puis viendra se poser. Pour ce vol, la poussée unitaire des réacteurs sera limitée à 13 tonnes (réchauffe non autorisée) et la vitesse à 460 km/. Pendant la totalité de cette première sortie, ”Concorde » sera accompagné d’avions et d’hélicoptères qui observeront son comportement.
Si tout se passe bien, comme on l’espère, ce premier prototype effectuera 15 heures de vol par mois pendant les trois premiers mois, cette cadence passant à 23 heures pendant les mois suivants.
Les 15 essayeurs d’élite
La composition de l’équipage qui aura l’honneur exaltant d’effectuer le premier vol de notre supersonique est enfin connue. La voici : André Turcat, premier pilote; Jacques Guignard, co-pilote ; Henry Perrier, ingénieur navigant ; Michel Rétif, mécanicien navigant. Cependant, au cas où André Turcat ou Jacques Guignard seraient dans l’impossibilité d’assurer ce premier vol, le calendrier des essais ne serait en rien compromis. En effet, quatre autres pilotes, tout aussi qualifiés et ayant le même entraînement, sont prêts à prendre la relève. Il s’agit de Jean Franchi, Max Fischl, Jean Dabos et Jean Pinet. Quant aux équipages de remplacement, mentionnons, MM. Durand et Maille, ingénieurs navigants, Zinzonni et Pingret, mécaniciens navigants et Guyonnet, radionavigant. Du côté britannique les trois premiers pilotes de Concorde seront MM. Trubshaw, Cochrane et Walker.
Les moyens d’entraînement
Lorsque ces hommes décolleront « Concorde” pour la première fois, ils auront déjà à leur actif plus de 80 heures de vol sur cette machine. Il ne s’agit pas là d’un paradoxe. En effet, ils auront effectué ces heures sur simulateur dont nous avons déjà parlé. Grâce à lui, ils se sentiront familiers avec le poste de pilotage et ses commandes. Grâce à lui, ils connaîtront déjà certaines des réactions de l’appareil. Par ailleurs chacun de ces pilotes aura effectué un certain nombre d’heures de vol sur deux avions militaires français modifiés pour que leur comportement en vol soit le plus proche possible de celui de ”Concorde », un « Mirage IV A” et un ”Mirage III B » à stabilité variable, dont on peut déplacer le centre de gravité.
Comme on le voit, rien n’a été négligé pour que les pilotes qui auront la lourde responsabilité des essais de Concorde, soient parfaitement conditionnés pour ces premiers vols.
Très peu de temps après le vol de « Concorde” 001, le 002 construit par la British Aircraft Corporation fera son premier vol, piloté par Brian Trubshaw. Son programme d’essais viendra compléter celui du prototype français :
► Essais systématiques des turboréacteurs et de l’installation motrice.
► Détermination des performances.
► Essais des systèmes électriques.
► Essais du circuit combustible.
► Essais du système de dégivrage, etc.
L’informatique, principale marraine de ”Concorde »
Sur les prototypes, la cabine-passagers, dans sa totalité, a été transformée en un véritable laboratoire. Pour pouvoir surveiller les 3000 paramètres indispensables pour juger des qualités de la machine, plus de 350 instruments ont été installés. L’ensemble de ces matériels pèse plus de 12 tonnes ! Et le câblage nécessaire à leur installation représente 450kilomètres de fil !
Toutes les installations de calcul électronique dont dispose Sud Aviation et la BAC seront mobilisées pour assurer le dépouillement rapide des essais en vol. Il existe à Toulouse un ensemble très complet de calculatrices IBM, un ordinateur CAE 9040 et un énorme ordinateur Central Data 6600, dont la location, personne compris, coûte quelque 770.000 F par mois 77 millions d’anciens francs !). Cette machine très complexe, à laquelle sont connectées plusieurs imprimantes, sera chargée de l’exploitation et de l’affinement des résultats. Filton est également équipé de plusieurs ordinateurs, en particulier d’un Léo Marconi KDF 9.
La liste de tous les essais que nous venons de passer en revue n’est pas exhaustive. Il faudrait un numéro entier de Science & Vie pour les passer tous en revue. Aussi n’avons-nous choisi que les plus significatifs. Mais il ne faut pas oublier que près de 100 fournisseurs d’équipement et de sous-traitants ont dû faire subir au matériel commandé des essais aussi poussés que ceux que nous avons étudiés. C’est donc plusieurs milliers de personnes qui ont été directement concernés par la seule phase « essais” de ”Concorde ».