L’avion de présérie
On sait que les progrès réalisés dans le développement de ”Concorde » ont permis d’apporter à l’avion de présérie un certain nombre de changements donnant une amélioration appréciable des performances, des caractéristiques opérationnelles et de la rentabilité sans toutefois engendrer des répercussions importantes sur la conception de la structure et des systèmes. Les dimensions, la masse et la charge marchande de « Concorde” sont devenues les suivantes :
Prototype | Présérie | |
Longueur | 56,3 mètres | 58 mètres |
Capacité | 118 Passagers | 136 Passagers |
Masse maxi au décollage | 148 tonnes | 154 tonnes |
Charge marchande | 10,7 tonnes | 12,7 tonnes |
Structures et systèmes
La longueur de la partie pressurisée de la cabine de l’avion de présérie a augmentée de 5,90 mètres par rapport à celle du prototype, bien que l’augmentation de longueur du fuselage ne soit que de 2 mètres environ. Ceci a été obtenu grâce à un allongement de 1,10 mètre du fuselage vers l’avant (c’est-à-dire 2 travées de hublots) et à un recul de 4,80 mètres de la cloison arrière pressurisée. La pointe arrière a été augmentée de 0,905 mètre, ce qui lui donne un allongement total du fuselage de 2 m.
La porte centrale arrière a été remplacée par 2 portes latérales situées dans la partie pressurisée de la cabine, juste en avant de la cloison pressurisée arrière. La porte gauche mesure 0,962 x 1,676 mètre, et la porte droite 0,61 x 1,22 mètre. L’utilisation faite de l’espace situé sous le plancher, entre le train avant et le train principal, a été revue, ce qui permet l’aménagement d’une soute à bagages unique d’un volume de 8,8 m3 comparés au 10,9 m3 de la double soute existant sur le prototype. Mais la nouvelle disposition a permis une augmentation de la capacité de carburant contenu dans le réservoir du fuselage. Le volume maximum du carburant utilisable en vol a été porté de 79,000 kg à 84,200 kg.
Aménagements commerciaux
La cabine allongée et la nouvelle disposition de la cloison pressurisée arrière et des portes ont amélioré possibilités de transport de l’avion de présérie et les conditions d’évacuation en secours.
L’un des aménagements types proposés pour cet avion comporte 136 fauteuils au pas de 34 pouces. Deux toilettes sont installées au milieu de la cabine et une du côté gauche, en avant de la porte d’entrée principale des passagers. Il est également possible d’installer une seule toilette à l’avant et deux à l’arrière de la cabine, de disposer les offices de différentes façons ou d’aménager une version mixte.
L’avion de présérie possède 4 issues de secours de chaque côté du fuselage, dont deux du type l et deux du type lll.
Les bagages sont transportés dans une soute unique sous plancher et une soute supérieure à l’extrémité arrière de la cabine, de volume variable ; dans le cas d’un aménagement à 136 passagers, le volume total des soutes correspond en moyenne à 0,11 m3 par passager ou membre d’équipage.
Performances et rentabilité
La masse plus élevée de l’avion de présérie lui permet de transporter une charge marchande supérieure à celle du prototype sur des distances atteignant 3500 miles nautiques (6500 kilomètres), la charge marchande maximum étant 12,700 kg au lieu de 10.700 kg pour le prototype.
Les coûts de l’avion/km de l’avion de présérie sont légèrement supérieurs à ceux du prototype, mais par contre, grâce à un nombre de passagers plus élevé, les coûts de siège/km sont inférieurs de 15%.
Programmes d’essais
On a assisté ces derniers mois à, une augmentation notable des activités consacrées aux essais de « Concorde”, en particulier en ce qui concerne la fabrication des éprouvettes de grandes dimensions et la construction des bancs d’essais à l’échelle grandeur.
Aérodynamique
Les formes aérodynamiques sont fixées depuis un certain temps et la plus grande partie des essais en soufflerie actuellement en cours a pour but d’établir définitivement les caractéristiques générales de l’avion. Ceci entraîne une vérification détaillée des paramètres aérodynamiques de base y compris les caractéristiques de stabilité, les charges et les moments de charnière de gouvernes et la mesure des champs de pression sur la voilure de la partie avant du fuselage. Des maquettes au 1/8 pour les basses vitesses, au 1/30 et au 1/60 pour les grandes vitesses sont utilisées actuellement pour des essais qui sont effectués dans une douzaine de souffleries françaises et britanniques.
Matériaux et structures
D’une façon générale, les essais ayant pour but de déterminer les caractéristiques de l’AU2GN ‘RR.58) sont terminés. A l’heure actuelle on recherche surtout la simulation exacte des conditions d’ambiance ; les matériaux sont soumis d’une façon continue à des cycles complets figurant les conditions d’un vol type. De cette façon, il est possible d’étudier en détail l’influence de la superposition des charges mécaniques et de la température et donc d’évaluer les effets de l’interaction des différentes charges sur les caractéristiques du matériau. Un grand nombre d’éprouvettes ont déjà été soumises à des essais accélérés et les essais en temps réel se poursuivent.
Les essais structuraux sur éprouvettes en vraie grandeur se développent à Toulouse et à Filton ; deux tronçons de fuselage de 4,5 m de long (dont un comprend les emplantures d’ailes) ont été utilisés pour la mesure des niveaux de contraintes d’une structure soumise à des combinaisons de pression, de charges mécaniques et de cycles de températures. L’installation d’essai de Filton comporte un système d’air ventilé utilisant successivement de l’air chaud et de l’azote liquide, pour simuler complètement les températures auxquelles Concorde sera exposé. L’installation de Toulouse utilise des lampes à rayonnement infra-rouge pour le chauffage en phase d’accélération et un courant d’air, refroidit par de l’azote liquide, pour la phase de décélération.
En plus de ces deux tronçons de fuselage, d’autres éprouvettes en vraie grandeur sont en construction : une pointe arrière du fuselage en cours d’assemblage à Warton, un tronçon de fuselage avec caissons de voilure et ailes extrêmes en construction à Toulouse, et un autre tronçon de fuselage avec caissons de voilure dans la zone du tain principal, en voie de finition à Toulouse. De plus, un tronçon de fuselage avant est en cours d’assemblage à Filton et la partie avant du fuselage est en construction à Weybridge.
Le poids de ces diverses éprouvettes varie entre 3 et 7 tonnes, et leurs dimensions atteignent jusqu’à 22 m en envergure, ou 16 m dans le sens longitudinal.
Dans le même temps, de petites éprouvettes d’étude de structure sont admises à des essais de fatigue thermique.
Systèmes
La construction du banc d’essai du système complet de combustible progresse suivant le programme. La construction du laboratoire est presque achevée.
Un nouveau laboratoire d’équipements a été construit à Toulouse. Il abritera notamment le banc d’essais combinés du système hydraulique et des commandes de vol qui permettra de vérifier les caractéristiques d’éléments tels que les pompes, les échangeurs de chaleur, les bâches, les servocommandes, etc, et de contrôler le fonctionnement et l’endurance des systèmes complets. Tous les équipements de commande des atterrisseurs, des entrées d’air, de la visière et du nez basculant, seront également incorporés à ce banc d’essai, auquel sera connecté ultérieurement le simulateur de vol qui doit entrer en fonctionnement dans le deuxième semestre de 1966. Ce simulateur est appelé à jouer un rôle considérable pour la mise au point et l’optimisation d’ensemble des systèmes, avant de servir, le moment venu, à l’analyse des résultats d’essais en vol. L’installation comprend aussi des laboratoires, des bureaux d’études, des bureaux de dépouillement et d’analyse des résultats, des ateliers et une chambre de climatisation.
La plus avancées des installations générales est celle qui à Filton, servira aux essais du système de génération et de distribution électrique. Elle comprend une maquette du poste de pilotage et du compartiment électronique, et est en cours de câblage. Les prises de mouvement des ensembles d’entrainement à vitesse constante des alternateurs sont montées et sont en ordre de marcher. Un des systèmes de génération fonctionne déjà et dès la fin de l’année 1965, il a été possible de procéder à des essais partiels.
Le nombre d’heures consacrées au développement du conditionnement d’air est déjà considérable, et un tronçon de cabine de 6 m de long complètement équipé, a été soumis en caisson d’altitude à plusieurs séries d’essais de vols types. Ces essais, au cours desquels l’échauffement cinétique était simulé, ont démontré le fonctionnement satisfaisant du circuit de distribution d’air dans la cabine dans les conditions normales et en secours. Une éprouvette similaire, en cours d’achèvement à Toulouse, sera d’abord utilisée pour les essais du système de régulation de température. A une date ultérieure, les deux tronçons seront soumis ensemble à un programme d’essais combinés. A Filton enfin, la construction d’une éprouvette du poste de pilotage permettant d’étudier les conditions d’ambiance de l’équipage est très avancée.
”Concorde » stimulant technique
La délégation générale à la Recherche Scientifique a récemment a alerté l’opinion sur les conséquences de l’introduction du facteur science dans l’industrie moderne.
Alors que jusqu’à ces dernières années, « la puissance industrielle était faite de matières premières, de main-d’œuvre, d’énergie et de capitaux, une nouvelle génération d’industries et de procédés technologiques se développe, pour lesquels l’apport scientifique représente le cinquième ou le quart des prix de revient”.
Des produits de qualité supérieure sont ainsi obtenus de façon économique, et s’imposent sur le marché. De découvertes en découvertes leurs applications s’étendent et gagnent progressivement tous les secteurs de consommation.
Dans cette perspective, la concurrence industrielle prend un nouveau caractère, et conduit inéluctablement à ”la domination des pionniers sur ceux qui n’auront plus la possibilité de renouveler connaissances et d’intégrer dans leurs techniques les dernières progressions du savoir« .
C’est aussi qu’en fait, la situation des industries européennes se trouve actuellement menacée par l’avance déjà prise par l’industrie américaine, avance qui ne peut que s’amplifier dans l’avenir en raison de l’immense potentiel dont elle dispose, et des milliards qu’elle consacre chaque année à ses programmes de recherches et de développement (100 milliards de francs en 1964-65).
Sous peine de s’exposer aux drames économiques et sociaux qui menacent les entreprises dépassées par le progrès, les industries européennes doivent réagir, et si elles veulent maintenir leur indépendance, il faut qu’elles se plient à l’évolution et consacrent à leur tour aux recherches des ressources et des moyens substantiels.
De plus, pour que cette action soit efficace étant donné le rapport des forces en présence, la seule politique qui paraisse susceptible de réussir repose sur les deux principes de la coopération internationale et de la concentration des efforts sur des objectifs bien choisis dans les secteurs clés.
C’est dans ce contexte qu’en dehors et en plus de l’utilité que présente par elle-même la réalisation d’un avion de transport supersonique, l’opération « Concorde” prend un caractère d’intérêt beaucoup plus général par les possibilités qu’elle apporte à l’industrie franco-britannique de poursuivre avec succès l’effort d’adaptation qui conditionne son avenir.
En proposant à la coopération franco-britannique une réalisation d’avant-garde qui lui donne l’occasion de s’affirmer dans un rôle de pionnier, l’opération ”Concorde » fournit, en effet, aux industriels des deux pays le moyen de mettre en valeur le potentiel de leurs équipes de recherche et l’efficacité de leurs méthodes de travail, de développer de nouveaux moyens de calcul et d’expérimentation, et de stimuler les progrès de la technologie dans les secteurs les plus divers.
Les incidences favorables de l’opération « Concorde” se manifestent ainsi sous de nombreux aspects dont les principaux sont les suivants :
Coopération
« Concorde” a joué et continue à jouer un grand rôle en faveur du développement de la coopération des industries européennes.
A l’origine, ce fut, en face des dimensions inusitées du programme d’études et de réalisation à engager, et de l’importance des ressources techniques et financières à lui consacrer, une prise de conscience de la désuétude des méthodes concurrentielles traditionnelles.
Dès 1960, les gouvernements français et britanniques avaient acquis la conviction que la réalisation d’un projet commun était seule susceptible de trouver dans un marché élargi les débouchés suffisants pour équilibrer commercialement l’opération, et qu’elle aurait en outre l’avantage d’alléger leur effort technique et financier et d’en accroître l’efficacité.
Les accords franco-britanniques de novembre 1962, résulte de cette conviction et marquent la résolution prise par les deux gouvernements de donner à leur association le cadre le plus favorable, sur la base d’une stricte égalité dans le partage des responsabilités, des charges et du produit des ventes.
Ces accords constituent pour le développement de la coopération industrielle européenne un précédent d’une extrême importance. C’est la première fois, en effet, que deux pays voisins s’associaient aussi étroitement pour faire aboutir une entreprise de cette envergure.
On peut déjà mettre à l’actif de cette première impulsion les nouveaux projets dont la réalisation en commun est actuellement décidée par les deux gouvernements dans divers secteurs de l’aéronautique civile et militaire.
Le climat favorable dans lequel se déroule l’opération ”Concorde », les progrès qu’elle a permis de réaliser dans l’organisation administrative et technique de la coopération qu’ils apportent à la validité des principes adoptés, ne sont pas étrangers à l’optimisme dont s’entourent ces nouveaux projets, bien accueillis des industriels intéressés et de l’opinion des deux pays.
Dans l’ordre pratique, un certain nombre de difficultés relatives à l’harmonisation des techniques et des méthodes de travail en usage dans les deux pays ont été aplanies. Les solutions ainsi adoptées pour « Concorde” ont souvent une portée générale et constituent des précédents dont le développement futur de la coopération est appelé à bénéficier.
Il s’agit en particulier des mesures d’unification qui ont été prises pour la cotation des dessins sur la base du système métrique, pour les normes et spécifications technique, les règles d’interchangeabilité, les méthodes d’essais et de mesures, etc.
Développement du potentiel industriel
Bien qu’il se défende de faire appel à des techniques révolutionnaires dont les inconnues compromettraient la progression régulière de son programme, le projet ”Concorde » représente, dans le secteur de la construction aéronautique, une synthèse d’avant-garde qui retient la vedette et permet à l’industrie franco-britannique de s’affirmer dans un rôle de pionnier en face de l’industrie américaine.
Il possède ainsi le dynamisme nécessaire pour provoquer le développement d’un potentiel industriel adapté aux dernières exigences de l’évolution des techniques de recherche et de l’application des méthodes scientifiques les plus récentes.
C’est ainsi que l’étude aérodynamique de « Concorde”, notamment en ce qui a trait à la mécanique de vol, ainsi que d’autre part, l’étude de la résistance structure, font appel à des modèles mathématiques extrêmement complexes au traitement desquels s’appliquent les derniers perfectionnements du calcul électronique.
En fait, depuis 10 ans, la puissance de calcul des machines utilisées par les bureaux d’études de Sud Aviation s’est trouvée multiplié par 5000, dans des installations qui, utilisant une dizaine d’ordinateurs de types divers et autant calculateurs analogiques, constituent l’ensemble le plus important de l’Europe.
D’autre part, les études de ”Concorde » mobilisent des moyens de recherche expérimentale très importants aux divers échelons des laboratoires universitaires, des laboratoires officiels ou privés de recherche appliquée, et des centres d’essais des industriels.
D’une façon générale, les problèmes relatifs à ”Concorde » entraînent ces laboratoires à se surpasser tant pour l’exploration de phénomènes moins connus, que pour la simulation d’ambiances plus sévères, ou l’analyse d’interactions plus complexe. D’où l’obligation où ils se trouvent de perfectionner leurs méthodes et leurs appareillages, ce qui ne peut manquer de bénéficier à leur qualification sur le plan industriel général.
Ces travaux favorisent dans tous les secteurs la formation d’équipes bien exercées au maniement de ces méthodes modernes de recherche, de calcul et d’expérimentation et capable de les faire progresser.
Grâce au programme « Concorde”, l’industrie aéronautique poursuit ainsi son évolution, caractérisée depuis quelques années par l’augmentation continue des effectifs affectés aux service d’études, et par des exigences croissantes de qualification supérieure et de spécialisation dans les disciplines de création plus récente.
En se dotant ainsi de cadres techniques étoffés, la construction aéronautique s’associe d’une façon efficace au renouvellement des structures industrielles du pays, auquel elle fournit une nouvelle impulsion, et l’on saurait trop souligner l’importance du soutien qu’elle apporte à l’effort national de formation et de promotion du personnel scientifique et technique sur la compétence et l’efficience duquel reposent en définitive toutes les promesses et tous les espoirs de l’avenir.
Progrès technologiques
La réalisation d’un avion moderne, qui intègre une variété d’équipements de plus en plus nombreux et de plus en plus complexes, fait appel au concours des branches les plus diverses de la technique et de l’industrie.
Mais pour chacune d’elles, les exigences du progrès aéronautique imposent des spécifications extrêmement sévères tant au point de vue des performances, et de la qualité fonctionnelle, qu’à celui des conditions d’emplois.
L’obtention des caractéristiques aussi exceptionnelles de qualité et de fiabilité requiert donc dans tous les domaines des raffinements techniques qui supposent de la part des fournisseurs la maîtrise parfaite des technologies les plus évoluées.
Fraiseuse Cramic-Ferranti à commande numérique utilisée pour l’usinage intégral des pièces de structures. Le déplacement de la fraise dans les trois dimensions est obtenu à partir de données numériques sur bande magnétique.
Dans ces conditions, ”Concorde » apporte à l’industrie franco-britannique un programme coordonné qui lui permet d’aligner ses productions au niveau compétitif le plus élevé dans les secteurs clés.
Le programme « Concorde” joue ainsi un rôle essentiel alimentant dans de nombreuses direction des activités de recherches qui sans ce stimulant et sans cette orientation précise risqueraient de s’anémier ou de perdre le contact des problèmes concrets de l’actualité.
De plus, l’esprit de coopération qui guide le développement de l’opération ”Concorde » dans son ensemble, intervient ici pour remédier aux inconvénients de la dispersion des efforts. En resserrant et complétant le réseau des ententes techniques qui unit déjà les industriels des deux pays permet d’édifier des structures durables, grâce auxquelles les recherches entreprisses gagneront en efficacité par la mise en commun des compétences et des progrès acquis par les uns et par les autres dans des voies complémentaires.
En faisant place, d’autre part, dans la mesure nécessaire, à la collaboration de firmes américaines notoirement qualifiées par la maitrise qu’elles ont acquises dans la mise en œuvre de certaines techniques d’avant-garde, « Concorde” ménage aux industries européennes la possibilité d’accéder dans les meilleurs conditions à ces techniques et de combler les handicaps dont elles avaient à souffrir.
Sur tous ses aspects, ”Concorde » apporte à une multitude de fournisseurs de matériaux et d’appareillages électriques, électroniques, hydrauliques et autres encore, la possibilité de perfectionner leurs méthodes et leurs produits. L’impulsion de son dynamisme pénètre ainsi les domaines d’activité industrielles les plus divers, dans lesquels les progrès accomplis ne peuvent manquer d’étendre leurs répercussions favorables, et de trouver de nouvelles applications.
Matériaux
C’est par son action déterminante en vue de la mise en production industrielle de l’alliage d’aluminium AU2GN que « Concorde” a exercé son influence la plus caractéristique en métallurgie.
Cet alliage déjà connu n’était précédemment utilisé qu’en pièces forgées, pour les réacteurs et les cellules d’avions. Les nouvelles utilisations sous forme de profilés et surtout de tôles épaisses de grandes dimensions (jusqu’à 15 m) sont à l’origine d’un développement considérable de l’outillage de production, laminoirs, fours de traitement, bancs d’étirage ou de contrôle et des techniques d’usinage intégral.
Le gain qui en résulte pour la productivité est également considérable, et ne se limite au cadre de production ”Concorde”.
Des progrès semblables sont enregistrés dans la production, le traitement et l’usinage des aciers de haute résistance 20 kg) qui, pour la fabrication des atterrisseurs, par exemple, sont utilisés en éléments de très grandes dimensions (3 m) avec des tolérances ‘ajustage extrêmement serrées. En ce qui concerne les matériaux et ingrédients divers utilisés pour les surfaces transparentes, les isolants, les joints, l’étanchéité, les lubrifiants, les liquides hydrauliques, les enduits et peintures, les revêtements, etc., les exigences de ”Concorde » sont extrêmement sévères.
Aux qualités exceptionnelles de résistance qui sont souvent demandées dans une plage de température qui s’étend de – 60° à + 130° centigrade, est parfois au-delà, s’ajoutent encore celles d’une grande stabilité à l’égard des divers agents de corrosion.
Les verres trempés et plastiques transparents de qualité, ainsi qu’une grande variété de matières nouvelles, téflon, viton, oronite, fluorosilicones, etc., fournissent dès maintenant les éléments essentiels de réponse à ces exigences. Leur perfectionnement et la mise au point technologique de leur utilisation offrent à l’industrie chimique et à ses prolongements spécialisés un champ de recherche extrêmement vaste. Il est à prévoir que comme dans le passé le progrès ainsi accomplis, trouveront immédiatement des généralisations spectaculaires de leurs applications dans toutes les branches de production.
Dans une catégorie voisine, la fabrication des pneumatiques adaptées aux grandes vitesses de roulement de « Concorde”, et spécialement étudiés pour réduire les effets d’aquaplanage apporte déjà dans la conception des carcasses et dans le dessin des surfaces de contact des progrès qui, comme par le passé, sont appelées à bénéficier à l’industrie automobile.
Carburants
Les températures auxquelles seront soumis les carburants de ”Concorde », dans les réservoirs et dans les échangeurs de températures, ont déjà amené les techniciens du pétrole à compléter leurs connaissances des phénomènes de cockéfaction et de goudronnage, et à améliorer, dans l’intérêt général, la composition et l’épuration de leurs produits.
Electronique
On a déjà fait mention du développement considérable que prend le calcul électronique dans les recherches directement engagées pour la réalisation de « Concorde”. La complexité des problèmes traités, conduit même dans les simulateurs à donner la préférence aux calculateurs numériques, tout en exigeant d’elles une rapidité d’exécution compatible avec le fonctionnement en temps réel. Le simulateur de pilotage en construction à Toulouse, représentera ainsi, avec la collaboration LMT/Redifon une réalisation de tout premier ordre.
A bord de l’avion, les nécessités d’automatisme, pour le pilotage et la navigation, exigent également l’emploi de calculateurs électronique auxquels la technique de microminiaturisation s’impose, pour des raisons évidentes de poids et d’encombrement, mais aussi pour la fiabilité exceptionnelle qu’elle permet de réaliser.
La réalisation de ces équipements dont l’importance est primordiale, fournit un exemple de la collaboration qui a été demandée entre les firmes les plus qualifiées. C’est ainsi que Bendix est appelée à coopérer avec Elliott Automation et la SFENA pour la réalisation des divers ensembles du pilote automatique, et avec Crouzet pour la centrale anémométrique. De même Ferranti et SAGEM constituent ensemble la plate-forme à inertie et le calculateur de navigation.
”Concorde » fournit ainsi à ces sociétés la possibilité de faire la synthèse de leurs techniques respectives et favorise l’implantation en France et en Angleterre de la fabrication des circuits intégrés actifs et passifs qui constituent les éléments de base de la microminiaturisation.
C’est donc à l’industrie électronique tout entière que « Concorde” apporte ici une impulsion efficace, dont les incidences doivent normalement s’étendre à toutes les applications générales des télécommunications, de la télévision et du calcul électronique, et tout particulièrement dans le domaine spatial, pour les missiles et pour les satellites.
D’autre part, sur ”Concorde » on a automatisé par un système de Check List Automatique, le contrôle de fonctionnement de la plupart des circuits, afin de permettre d’accélérer les opérations au sol et d’augmenter la rentabilité et la sécurité de l’exploitation.
De nombreuses applications industrielles peuvent être envisagées, en particulier pour le contrôle continu de toute usine automatisée (laminoirs, textile, machines transfert) et pour le contrôle automatique de toute modification de grande série (électronique), automobile, etc.).
Electricité
L’électricité continue à jouer à borde de « Concorde” son rôle traditionnel pour l’alimentation de nombreux instruments, le réchauffage à régulation rapide de certains éléments, et de nombreuses actions à distance.
Se substituant aux convertisseurs rotatifs, ces appareils assurent une grande stabilité en amplitude et en fréquence de courant fourni et trouvent de nombreuses applications extra-aéronautiques.
Pour ces matériels, dont l’emploi est soumis aux mêmes conditions d’environnement très sévères, notamment en ce qui concerne les températures, l’accent est mis sur les performances et l’endurance, et sur un standard de qualité et de fiabilité extrêmement élevé des circuits, des isolants, des connecteurs et des micros rupteurs.
L’emploi du courant alternatif réclame de nouvelles réalisations d’alternateurs et de petits moteurs à hautes performances, dont les applications sont essentiellement polyvalentes, tandis que les recherches visent à assurer une grande stabilité du courant en amplitude et en fréquence.
A ce titre, les convertisseurs statiques, qui se substituent avec toute la facilité désirable aux convertisseurs rotatifs, apportent des progrès remarquables qui trouvent déjà de nombreuses applications extra aéronautiques au profit d’EDF, des PTT, de la RTF, de la Marine et de la SNCF entre autres. On peut signaler également l’intérêt d’ordre général des nouveaux progrès réalisés pour ”Concorde » dans la construction des batteries au cadmium-nickel, dont la légèreté et l’endurance se sont encore améliorées.
Hydraulique
La réalisation du système hydraulique et des commandes de vol de « Concorde” est une extrapolation des principes déjà expérimentés sur des avions existants, avec des pressions et des températures et des charges plus élevées. Ces caractéristiques plus sévères réclament donc de tous les éléments des circuits, servocommandes, pompes, accumulateurs, tuyauteries, vannes et accessoires divers, un standard de qualité et une fiabilité encore accrue.
Ces problèmes particuliers sont posés par la réalisation des roulements et des articulations à rotules capables de fonctionner sous des charges très élevées, et notamment pour assurer l’efficacité de leur lubrification. L’emploi de garnitures de tissu chargé de Teflon est envisagé, et l’on trouve ici un exemple de ces recherches de détail dont le succès peut permettre à la technologie générale de progresser.
Avec ”Concorde » le mode de commande électromécanique des servocommandes hydrauliques est appliqué pour la première fois sur un avion civil. Ce mode de commande favorise l’évolution vers des solutions de pilotage de plus en plus automatiques, nécessairement appelées à se généraliser même en dehors de l’industrie aéronautique.
Les techniques déjà mises au point dans cette industrie pour l’utilisation de l’énergie hydraulique en vue de commander diverses servitudes qui demande une puissance instantanée relativement importante, ont, en effet, déjà été utilisées dans d’autres secteurs industriels, industries chimique et atomique en particulier.
Celles-ci sont appelées à bénéficier également de l’expérience de « Concorde” en vue d’un automatisme plus souple et plus précis, ainsi que des progrès réalisés à l’égard de la fiabilité dans des conditions d’ambiance plus sévères en ce qui concerne les températures, les pressions et les facteurs de corrosion
Conditionnement d’air
La principale innovation de ”Concorde » en ce domaine, concerne la réalisation d’échangeurs de chaleur très efficaces entre milieux liquide et gazeux. De tels échangeurs, et les techniques mises au point pour les réaliser peuvent trouver de nombreuses applications d’ordre général.
Il en est de même des progrès que l’on peut escompter dans la régulation de la pression et de la température de cabine, directement transposables à tous les problèmes de climatisation.
Circulation aérienne-météorologie-télécommunications
On serait incomplet si l’on ne mentionnait ici les progrès que l’utilisation d’un avion aussi rapide que « Concorde” ne peut manquer de provoquer ou de réclamer de la part des activités diverses qui encadrent l’exploitation du transport aérien, et qui seront profitables à l’ensemble de cette exploitation.
Parmi les activités dont le progrès sera inévitablement stimulé par la présence de ”Concorde » sur les lignes aériennes, on peut citer sans insister davantage : la recherche, l’exploitation et la transmission des informations météorologiques, le contrôle de la circulation aérienne, les facilités aéroportuaires, les aides à la navigation, etc.