L’avion supersonique qui a tant marqué l’imaginaire français fête ses 50 ans.

L’arrivée du Concorde : un grand moment pour les Tourangeaux. © Photo collection privée Chantal Rian

Souvenirs. À deux reprises, il a atterri à Tours

. « J’avais reçu un simple télex, huit mois avant. Le message disait que British Airways envisageait de faire atterrir le Concorde sur la piste de Tours. On me demandait si c’était possible ! « Chantal Rian était alors chef d’escale à l’aéroport de Tours. « J’étais le chef d’orchestre qui doit mettre tous les moyens en place pour que tout se passe bien au sol « . Elle était habituée à accueillir des avions d’Air France (à l’exception du 747 et du DC-10) déroutés pour cause de brouillard, et à organiser en une trentaine de minutes, des navettes vers la gare et des trains pour Paris. Mais un avion de cette envergure, c’était une autre affaire. ”Je suis rentrée en contact avec Fernand Andreani, pilote de Concorde sur Air France qui habitait Villeperdue ». Lui, pensait que c’était possible. Air France avait déjà fait savoir qu’il ne viendrait pas à Tours avec un Concorde, British Airways voulait tenter.

On n’aurait donc jamais dû voir cette photo ! © Photo NR, Pierre Jeannin

Une piste de 2400 mètres, le minimum nécessaire

« Mon patron – j’étais employée de la Compagnie aérienne TAT – n’était pas tranquille. Je me suis retrouvée entre les deux ». La longueur de la piste était de 2400 mètres, le minimum nécessaire. « Comme il n’y avait pas besoin de faire le plein de carburant depuis Londres, l’avion serait léger, la distance d’atterrissage réduite ». Huit mois de travail avec le bureau d’études de British Airways ont suivi. Huit mois de doutes et de complications pour Chantal Rian.

La piste de Tours avait la longueur minimum nécessaire. © Photo collection privée Chantal Rian Les

Les bagages sur un monte-foin !

« La préparation a été plutôt folklorique. L’échelle pour faire descendre les passagers était beaucoup trop courte. On a fabriqué un adaptateur à boulonner sur la nôtre, en se basant sur les plans de celle de Châteauroux. C’était le système “D”, on n’avait pas de moyens. A l’époque, les bagages étaient encore déchargés des avions à la main « par une équipe de garçons ». Mais là encore, l’escabeau était trop court, il fallait au moins une échelle pour atteindre la soute. Un copain de la chambre de commerce m’a donné une idée. On s’est rendu chez un paysan, et on a acheté un tapis mécanique qui permettait de monter les bottes de foin. On lui a refait une beauté, on la repeint. Et les bagages ont transité par un monte-foin ! ».

Le fameux monte-foin, transformé en tapis à bagages. © Photo collection privée Chantal Rian

Sur la passerelle allongée d’un adaptateur boulonné, la silhouette de la chef d’escale © Photo collection privée Chantal Rian

80 Anglais fortunés

Le samedi 15 juin 1985 à 8h33, « après une heure et dix-huit minutes de vol – ces données très précises ont été retrouvées par Gérard Souedet, président de Fondett’ailes, le Concorde s’est finalement posé sans encombre à Tours. Arrivant de Londres, avec 80 Anglais fortunés à son bord. « Pour le rentabiliser, British Airways avait eu cette idée de charter pour les 24 Heures du Mans. Une boucle avait été faite sur l’Atlantique pour voler à deux fois la vitesse du son et dépasser le fameux « mur ». C’était tout le prestige du supersonique Concorde ! « .

La passerelle rallongée avec un adaptateur « boulonné ». © Photo NR, Pierre Jeannin

Des centaines de curieux

Dans le hall de l’aéroport tourangeau, plusieurs centaines de personnes n’ont pas tardé à affluer. « La venue du Concorde n’avait pas été annoncée dans les journaux, mais les gens l’ont vu ou entendu, et spontanément ils ont débarqué. On a reçu beaucoup de coups de fils aussi, de Tourangeaux qui voulaient vérifier que c’était bien vrai Les voyageurs ont été orientés vers deux cars.  » L’un est parti vers Le Mans. L’autre vers le château d’Artigny, pour un week-end de prestige ! « .

Tout le week-end, les curieux ont afflué pour voir le Concorde. © Photo collection privée Chantal Rian

Intérieur « décevant »

Prenant contact avec l’équipage, comme le voulait son métier, Chantal Rian a pu monter à l’intérieur. « C’était très décevant, très étroit. Cela ressemblait à une grosse caravelle. Le champagne y était illimité, mais le confort limité « .

L’intérieur du Concorde, très étroit ! © Photo collection privée Chantal Rian

Le week-end s’est achevé sur une belle image, lors du départ, le dimanche soir.  » Le pilote de British Airways, qui avait été très chaleureux, est revenu faire un passage en basse altitude sur l’aéroport et saluer la foule. Ce fut une grande émotion ! « .

Le salut en basse altitude. Le Concorde est revenu sur ses pas, pour saluer la foule. © Photo collection privée Chantal Rian

Retour du Concorde en 1988

Trois ans plus tard, le 3 juillet 1988, Air France faisait à son tour atterrir un Concorde à Tours, en provenance de Paris Charles-De-Gaulle. Initialement, il devait se rendre au meeting aérien de Saumur qu’il n’avait pas été autorisé à survoler. Le vol avait duré 25 minutes, pour 10 tonnes de pétrole consommées. « On a repris le matériel fabriqué, mais ce fut beaucoup moins chaleureux. Nous n’avions plus aucune marche de manoeuvre !  » La chef d’escale, dont la retraite a sonné en 2014, n’aura finalement jamais volé en Concorde. « Les Anglais me l’avaient proposé. Mais ma fille venait de naître, je n’ai pas voulu l’abandonner”.

Les Tourangeaux ont apprécié le spectacle depuis la cafétéria de l’aéroport. © Photo NR, Pierre Jeannin

Témoignage : “ Les fesses collées au siège au décollage ”

Gérard Proust, ancien photographe de la NR, a volé deux fois à bord du Concorde. La première le 24 mai 1983, entre Paris et New York, piloté par le Tourangeau Fernand Andreani qui avait décroché un nouveau record de vitesse. C’est le décollage qui l’avait le plus impressionné. « Nous avions les fesses collées au siège ! Je me rappelle que tout était petit, je manquais de place pour faire des photos. Il avait aperçu Michel Sardou, et fait une photo de Jacques Revaux, le compositeur de My Way qui demeurait à Azay-sur-Cher. Le repas avait été exceptionnel. Le second voyage fut en direction de l’Islande le 21 juin 1984”.
”J’étais parti à midi de Paris. On était monté dans le Concorde sans aucun contrôle de sécurité. J’avais vu le soleil de minuit à Reykjavik et j’étais de retour le lendemain à 9 h à la rédaction ! C’était incroyable ! ». Il en a gardé les billets, les fiches d’embarquement et même un diplôme de vol supersonique.

Une photo du Concorde, prise en 1984, par Gérard Proust, en Islande. © Photo NR, Gérard Proust

Des souvenirs du Concorde exposés à Fondettes

Ce week-end, l’association Fondett’ailes fête le Concorde, à l’occasion d’une exposition rassemblant documents, photos ou encore plis philatéliques ayant voyagé sur le Concorde, et signés par les pilotes ou le président de la République. Une maquette de 3,4 mètres, prêtée par le musée d’Angers Marcé, sera également présentée, ainsi qu’un siège de passager provenant de la société Zodiac Aérospace d’Issoudun. Depuis qu’il est à la retraite, Gérard Souedet, président de l’association, compile toutes les informations sur le Concorde, dont il a visité le premier au centre d’essais en vol Bretigny où il a exercé pendant sept ans. « Le Concorde était très en avance sur son temps, assure-t-il. Ses matériaux ou ses commandes numériques sont depuis utilisés sur tous les avions civils et militaires”*

. Samedi 9 et dimanche 10 mars, salle des fêtes de l’Aubrière.