La vedette du 28ème Salon est évidemment Concorde : à l’heure où nous écrivons ces lignes, la venue des deux prototypes est toujours prévue ; l’appareil n° 001, sortie de chantier, a effectué son dixième vol à Toulouse le 24 mai, après avoir reçu de nouveaux moteurs ; ce dixième vol, d’une durée de 80 minutes, succédait à une brillante série de neufs vols entre le 2 mars et le 2 avril, au cours desquels l’appareil avait totalisé 9 heures et demie de vol effectif. L’appareil était ensuite entré en chantier de vérifications, et la reprise de ses vols, à la date prévue, confirme s’il en était encore besoin que le déroulement du programme d’essais se poursuit normalement, sous la direction d’André Turcat.

Premier décollage à Toulouse le 2 mars de Concorde 001

Du côté britannique, le prototype avait effectué son premier vol entre Filton et Faiford le 9 avril ; Brian Trubshaw se déclarait, comme Turcat, satisfait du comportement de l’avion ; le 13 mai, Concorde 002 effectuait ainsi son cinquième vol (durée : 72 minutes), au cours duquel il montait à 4600 mètres et atteignait 650 km/h. Au début de cette semaine, la venue de Concorde 002 au Bourget était toujours espérée, malgré le nombre d’heures de vol plus restreint effectuées par le second prototype.

Ci-dessus, le train d’atterrissage principal construit par Hispano-Suiza (coopération Messier).
A droite, installation d’essais dynamique du train avant au centre d’essais aéronautique de Toulouse.

 

Le train avant, dû à Messier

Nacelle motrice du prototype 001 contenant deux Olympus 593 Lors de la mise en service de l’appareil, les moteurs seront des Olympus 593 Mk 601 de 17.800 kg de poussée au décollage avec réchauffe.

Comportement satisfaisant des Olympus 593

Le comportement des moteurs Olympus 593 était évidemment un des points essentiels de ces premiers vols d’essais. Or ce comportement s’est révélé très correct. Dès le neuvième vol du prototype 001 terminé, deux des moteurs furent renvoyés à Bristol chez Rolls-Royce pour être démontés et contrôlés ; or toutes les pièces de ce moteur se sont révélées être dans un parfait état (1). Ce résultat n’est évidemment pas dû au hasard : de même que le comportement de l’avion avait été soigneusement étudié au préalable sur simulateurs, les Olympus avaient été longuement essayés au sol dans quatre centres (CAP de Saclay ; Centre de la SNECMA à Melun-Villaroche ; Centre de Patchway chez Rolls-Royce/Bristol ; National Gas Turbine Establishment à Pyestock) et en vol sur un bombardier Vulcan. A la date d’aujourd’hui, plus de 6000 heures d’essais au banc ont ainsi réalisées sur le moteur proprement dit (responsabilité : Rolls-Royce) et sur le système d’éjection (responsabilité : SNECMA ; quant au total des heures d’essais sur Vulcan transformé, il dépasse 200 heures.
Ce programme d’essais, tant sur l’avion que sur ses moteurs, atteint d’ailleurs une ampleur encore inconnue en Europe. Les sept avions qui seront utilisés jusqu’à la certification devront en effet voler plus de 40.000 heures, au cours desquelles 44 moteurs de vol totaliseront donc 16.000 heures de fonctionnement ; en outre, le programme au bang totalisera 14.000 heures d’essais supplémentaires, soit un total général de plus de 30.000 heures. Ce programme est lancé à une grande échelle puisque au milieu de cette année, 46 moteurs de développement auront été construits, dont 30 pour les seuls essais de roulage et les essais en vol, et 16 pour les essais au banc.

Ci-contre, préparation d’un Olympus et de son système d’éjection à Melun-Villaroche, à la SNECMA. On distingue les lobes escamotables du silencieux, placés juste avant la tuyère à diamètre variable auto-réglable, et la grille supérieure de l’inverseur de poussée. A noter que ce dernier a déjà été utilisé, mais non le silencieux, par suite de la présence provisoire de divers équipements de mesure.

Premiers résultats

Un des aspects les plus remarquables du programme de développement de l’Olympus 593 réside dans le fait que la consommation spécifique en régime de croisière est conforme, à un pour cent près, aux spécifications imposées. Ce résultat est en lui-même très encourageant à ce stade préliminaire, et un programme intensif de développement est en cours pour obtenir et même améliorer la consommation spécifique demandée. D’autre part lors des neuf premiers vols du Concorde 001, la vitesse de Mach 0,8 a déjà été réalisée, et des altitudes de 9000 mètres atteinte avec utilisation de la réchauffe au décollage et l’inverseur de poussée à l’atterrissage. Ce programme comprend des essais avec un moteur arrêté, et réallumage en vol.
Quant aux essais au sol, un moteur a déjà totalisé 500 heures de marche, et l’essai d’endurance le plus long avant démontage et remontage dépasse 200 heures.
Les vols supersoniques commenceront au tout début de l’année prochaine, tandis que s’achèvera le montage des deux appareils de présérie, à Bristol (Concorde 01) et à Toulouse (Concorde 02). Ces deux appareils devraient voler au début de 1971 et seront en fait les véritables prototypes de Concorde. Ce sont eux qui permettront de vérifier sans discussion la capacité de transport effective de Concorde : 12 tonnes à 2100-2300 km/h sur 6400 kilomètres. Tout se jouera sur la consommation des moteurs, le rendement du système éjecteur et la traînée aérodynamique réelle en vol bisonique.