Article de Jacques MORISSET

Le prototype 001 de Concorde commencera sa nouvelle tranche d’essais en vol (passage du transsonique en particulier) dans la deuxième quinzaine de septembre. L’appareil est désormais doté du système d’entrée d’air à géométrie variable qui permet, jusqu’à Mach 0,5, d’accroître le débit d’air capté : dans ce cas, la trappe additionnelle encastrée dans la paroi inférieure de la manche d’admission est ouverte vers l’avant. En vol supersonique, cette trappe est normalement fermée, le contrôle du débit et de la vitesse de l’air alimentant le compresseur de l’Olympus étant uniquement assuré par la rampe supérieure, dont la position est réglée automatiquement de façon à positionner correctement les ondes de choc au travers desquelles s’effectue le passage à une vitesse subsonique et la recompression. Mais la trappe inférieure, articulée cette fois en en sens inverse, est alors utilisable comme trappe de décharge afin d’éliminer l’air en excès ; cette éventualité peut survenir, par exemple, en cas d’arrêt du moteur, afin de protéger le moteur adjacent de la remontée, dangereuse car très rapide, des perturbations aérodynamiques ainsi provoquées.
Ce système n’avait pu être monté sur le prototype 001, car des difficultés étaient survenues dans sa réalisation et sa mise au point ; il est d’ailleurs remarquable que l’appareil ait pu ainsi voler jusqu’à Mach 0,95-Mach 0,96 ; mais, entre-temps, il fut essayé sur la nacelle gauche du prototype 002, qui est maintenant, lui aussi, entièrement doté du système à géométrie variable. Celui-ci sera cependant probablement modifié sur les avions de série.


Sur cette photographie, prise à Toulouse, on distingue nettement, à droite, les lobes escamotables de silencieux ; sur le moteur de gauche, les coquilles de l’inverseur de poussée, réalisé également par la SNECMA.

Modification du train d’atterrissage

Parmi les autres modifications dont bénéficiera l’avion de série, citons l’allongement du train d’atterrissage principal. Cet allongement – une dizaine de centimètres environ – permettra à Concorde de décoller et de se poser à son incidence optimale sans perdre le risque de voir les nacelles motrices trop approcher le sol. L’opération est difficile, et entraîne un léger supplément du poids du train, mais elle n’a été considérée comme indispensable. C’est ainsi que le prototype 002 a effectué ses approches à des vitesses allant de 210-220 noeuds à 165-175 noeuds (approche finale). Le nouveau train permettra de descendre jusqu’à 150 noeuds environ (280 km/h).

Progrès sur l’Olympus

En ce qui concerne les moteurs Olympus, nous avons fait le point sur l’avancement du programme de développement. Ajoutons encore que l’Olympus a déjà fourni au banc une poussée de 17 tonnes avec utilisation de la réchauffe à 14%. Rolls-Royce poursuit maintenant l’étude de la chambre de combustion annulaire faite par la SNECMA et qui devrait conduire à des améliorations appréciables puisque les spécialistes estiment
pouvoir ainsi gagner 2% sur la perte de charge, ce qui se traduirait par un gain de 1% sur la consommation spécifique, soit près de 500 kg sur le carburant consommé lors d’une traversée transatlantique. Autres avantages attendus : une nette diminution des fumées et une meilleure répartition circulaire des températures au niveau de la turbine ; il s’ensuivra, par équivalence, une diminution d’une vingtaine de degrés des pointes locales de température, et par conséquent une amélioration possible du TBO (temps entre révisions) ou, à TBO égal, la possibilité de fonctionner à une température plus élevée.
Plus de 5500 heures d’essais au banc ont été réalisées déjà sur l’Olympus-593 par Rolls-Royce, la SNECMA, la NGTE et le Centre d’Essais des Propulseurs (Saclay). Photographié à Melun-Villaroche, voici l’un des seize moteurs de bancs déjà réalisés. S’y ajoutent les vingt-huit moteurs de vol livrés, sur un total de 60 moteurs de développement prévus.


Amélioration possible du silencieux

Le silencieux d’éjection SNECMA, enfin, continue à être l’objet d’études visant à améliorer les résultats déjà obtenus au banc (gain de 4,5 PNdB). Ce silencieux, rappelons-le, est monté actuellement mais non utilisé pour des raisons pratiques (présence d’équipements provisoires propres aux essais en vol). Il sera probablement essayé en vol vers la fin de l’année. Les techniciens estiment possible d’obtenir ultérieurement un gain de 6 à 7 PNdB, au prix d’un travail d’ailleurs assez important. Le problème essentiel reste de ne pas trop accroître la consommation de carburant, car si le silencieux n’est utilisé que pendant peu de temps, il l’est par contre à un moment (décollage et montée) où la consommation est maximale (pleine poussée).

Combien de Concorde sont-ils en construction ?

A strictement parler, en sus des deux prototypes 001 et 002, il y a les deux appareils de présérie (01 et 02), dont l’un a sa structure pratiquement achevée, et les deux cellules d’essais statiques (à Toulouse) et dynamiques (à Filton). Soit six appareils en tout.
S’y ajoutent cependant déjà les trois premiers avions de série, dont la fabrication a dû être lancée afin que le planning des essais en vol et de la certification puisse être respecté : ces trois avions (1, 2 et 3) seront en effet utilisés pour la certification (vols d’endurance). Lors de leur prochaine rencontre, les deux ministres, MM. Wedgwood Benn et Raymond Mondon, auront à examiner le problème du feu vert à donner pour qu’une première tranche d’avions de série (une demi-douzaine par exemple) soit lancée, au moins en ce qui concerne les approvisionnements à long terme et le début de la fabrication.
Quant à l’Olympus, il serait question de lancer la fabrication d’une nouvelle tranche de 16 moteurs de vol. Comme pour la cellule, les industriels concernés ont d’ailleurs besoin de maintenir un plan de charge suffisant.