Article de Jacques MORISSET

L’avion franco-britannique a déjà coûté plus de dix milliards de francs. Si ses derniers essais s’avèrent satisfaisants, on ignore encore des possibilités réelles de Concorde. Mais on sait déjà que des améliorations seront nécessaires pour que son exploitation commerciale doit possible.

Concorde 002, deuxième prototype du futur avion de transport supersonique franco-britannique, a repris le 25 mars ses essais en vol à Fairford. Du 9 avril au 6 août 1969, l’appareil avait effectué 24 sorties et totalisé 42 heures de vol subsonique, avant d’entrer en chantier de modifications : un chantier particulièrement important puisqu’il a permis tout d’abord de modifier certains éléments du système de commande de vol et de monter le pilote automatique, ensuite de remplacer les entrées d’air à géométrie fixe par les entrées d’air à géométrie variable prévues dès l’origine, mais dont la réalisation avait demandé plus de temps que prévu.


Concorde 002 a repris ses essais le 25 mars, à la mi-avril, il totalisait déjà une dizaine d’heures de vol en six sorties, était monté à plus de 12.000 mètres et avait atteint Mach 1,38 (1500 km/h). L’appareil émet beaucoup de fumée au décollage, mais cet inconvénient disparaîtra sur les avions de série, dont les moteurs recevront des chambres de combustion anti-fumées assurant une combustion plus complète.

Ce chantier a enfin permis de substituer aux moteurs Olympus utilisés jusque-là des moteurs un peu plus puissant et surtout capables de tenir les températures plus élevées qui seront enregistrées lors du vol à Mach 2 et un peu au-delà.

Dès la reprise de ses essais, Concorde 002 a passé le ”mur du son », c’est-à-dire Mach 1, performance que Concorde 001 avait effectué le 1er octobre. Progressivement, l’appareil « ouvrira” le domaine de vol (vitesse et altitude) jusqu’à atteindre Mach 2, fin mai ou début juin. A la même date, les techniciens français prépareront à Toulouse Concorde 001 pour une nouvelle phase d’essais en vol qui lui permettra de voler lui aussi à Mach 2, mais après une progression beaucoup plus rapide étant donné le défrichage préalable accompli par son ”sistership”. Cette phase d’essais de Concorde 001 commencera probablement en juillet, l’appareil ayant reçu également les nouvelles entrées d’air, et la version la plus puissante de l’Olympus, le 593-3B.

Cette progression des essais peut sembler relativement lente. Les spécialistes la trouvent au contraire tout à fait remarquable ; du 2 mars 1969, date de son premier vol, au 31 janvier 1970, Concorde 001 a effectué 91 sorties et totalisé 168 heures de vol, dont une trentaine en régime supersonique, jusqu’à Mach 1,53 (plus de 1600 km/h) et 47.500 pieds (14.500 mètres) d’altitude. En vitesse comme en altitude l’avion et ses moteurs a donc exploré les trois quarts de son domaine de vol, avec un total pour les deux prototypes de 115 sorties et 211 heures de vol. Les Américains eux-mêmes, après une longue période de scepticisme, reconnaissent maintenant que la mise au point de l’avion s’est révélée exempte de tout incident sérieux, malgré sa nouveauté et sa complexité ; chez les Français et les Britanniques, on se montre soulagé et même agréablement surpris Les moteurs en particulier n’ont eu aucune défaillance malgré une expérience en vol préalable réduite Et le moins surprenant n’est pas de constater que Concorde, qui ne devait pas dépasser Mach 1,2 ou Mach 1,3 avec ses entrées d’air provisoires à géométrie fixe, a fini par dépasser Mach 1,5 ce qui a d’ailleurs entraîné une prolongation imprévue de la phase d’essais correspondante

La facilité apparente avec laquelle se sont déroulés jusqu’ici les essais s’explique en bonne partie par la méthode prudente adoptée. Tout d’abord en ce qui concerne l’avion ; les essais sur le simulateur de vol et de pilotage de Toulouse avaient déjà permis de vérifier le comportement probable de de l’avion en vol et d’entraîner les pilotes ; ce même simulateur avait même permis de prévoir certaines modifications des commandes de vol souhaitables pour le régime supersonique, modifications dont le principe a d’ailleurs été vérifié depuis en vol, et qui sont maintenant apportés aux appareils.

Pas à pas

Dès ses premiers essais en vol, Concorde 001 était doté d’un énorme appareillage de mesures et de télémesures permettant aux ingénieurs navigants et à des spécialistes restés au sol de contrôler le comportement de l’avion dans tous les domaines, et plus particulièrement celui de l’aéroélasticité. Dès que fut atteint le régime transsonique (de Mach 0,8 à Mach 1,3), il devenait indispensable de vérifier le comportement de l’avion et de sa structure à toute excitation aérodynamique. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, la voilure du Concorde n’es pas vraiment rigide, sa minceur (l’épaisseur relative (1) varie entre 3 et 1,8%) et la forme compliquée de son squelette (2) entraînant tout naturellement une certaine souplesse ; cette souplesse est normale, à condition qu’elle ne puisse laisser s’établir,, en aucun point de la structure, une résonnance entre sa période de vibration et une quelconque excitation aérodynamique ; c’est tout le problème de l’aéroélasticité et du dangereux phénomène qu’est le flutter (ou frottement), c’est-à-dire l’apparition d’une vibration structurale d’origine aérodynamique allant en s’amplifiant au lieu de s’amortir

Aussi a-t-on installé sur Concorde, encore plus que pour n’importe quel autre avion, un système qui permet, lors de chaque essai, ”d’exciter » la structure en des points reconnus comme les plus caractéristiques par des moyens électromécaniques (balourds), pyrotechniques (impulseurs à poudre), ou aérodynamiques (oscillations rapides des gouvernes). On mesure ainsi la « réponse” de la structure, c’est-à-dire ses ”modes » de vibration et son amortissement mécanique, ce qui permet de détecter légèrement à l’avance l’apparition de toute réponse dangereuse, laissant prévoir une zone de non-amortissement puis de divergence.

En pratique, on opère de la façon suivante : après un vol, effectué à un nombre de Mach donné, par exemple Mach 0,92, une analyse serrée des mesures est faite. Cette analyse peut demander une à deux journées, malgré l’utilisation intensive des ordinateurs, car le problème (les méthodes de mesure et d’analyse représentant le fruit de plus de 20 années de recherches effectuées à l’ONERA, et à Sud Aviation) est terriblement complexe. C’est seulement à l’issue de cette analyse, et si rien de suspect n’apparait, que le domaine de vol est débloqué sur quelques « points” de Mach supplémentaires, le feu vert étant par exemple donné pour passer de Mach 0,92 à Mach 0,94. Ensuite, on recommence.

Cette méthode de pas à pas explique à la fois la lenteur de la progression se sa sûreté, d’autant plus que les essais doivent être effectués dans diverses configurations : remplissage différent des réservoirs, centrage, pannes simulées des circuits de commandes, valeur de l’échauffement cinétique, etc. Jusqu’ici, seul Concorde 001 emportait l’appareillage nécessaire (il pèse plus de 10 tonnes). Or la prolongation des essais sur Concorde 001 pendant plusieurs mois a eu pour conséquence que c’est désormais Concorde 002 qui ouvrira le domaine de vol de Mach 1,5 à Mach 2. Le prototype volant en Grande-Bretagne a reçu à son tour l’appareillage nécessaire, et ses essais seront d’ailleurs suivis et contrôlés par des techniciens français de l’ONERA. Les dispositifs d’excitation sont montés principalement sur la dérive, sur les gouvernes de direction et sur les ”élevons » gouvernes montées au bord de fuite de l’aile et qui assurent à la fois le pilotage en tangage et le pilotage en roulis.

(1) L’épaisseur relative d’une aile est le rapport entre son épaisseur et sa profondeur à l’endroit considéré. En vol supersonique, un des meilleurs moyens de réduire la traînée créée par les ondes de choc (traînées d’ondes) est de limiter son épaisseur. On est cependant rapidement limité dans cette voie par des considérations structurales.
(2) Le squelette d’une voilure est le lieu géométrique des points équidistants de l’intrados (surface inférieure) et de l’extrados (surface supérieure). Le squelette de l’aile de Concorde est une surface gauche de définition très complexe, car à l’évolution des profils le long de l’envergure s’ajoutent une variation d’incidence très marquée et une cambrure du bord d’attaque dont l’étude n’est d’ailleurs pas terminée.

Des entrées d’air auto-adaptables

De la même façon, l’utilisation en vol des entrées d’air à géométrie variable s’appuie sur des essais effectués en particulier au Centre d’Essais des Propulseurs de Saclay, sur une maquette des nacelles motrices de Concorde ; chaque nacelle, on le sait, est double et contient deux « Olympus”, chacun de ceux-ci disposant cependant de sa propre entrée d’air afin que l’arrêt d’un moteur ne perturbe pas le fonctionnement de l’autre. A Saclay, pendant plusieurs années, les techniciens de Nord-Aviation ont ainsi expérimenté une nacelle double à l’échelle 1/2 dotée de deux petits turboréacteurs de 1200 kg de poussée, chargés de simuler les ”Olympus » (quatorze fois plus puissants). Le système d’entrée d’air à géométrie variable est en effet très compliqué, puisqu’il doit à la fois s’adapter au débit d’air nécessaire au moteur et au régime de vol ; au-delà de Mach 1, l’air capté doit être ralenti et devenir subsonique avant de pénétrer dans le compresseur du moteur, opération qui lui permet d’ailleurs de gagner en pression (au bénéfice du rendement du moteur) ce qu’il perd en vitesse ; c’est le phénomène de la récupération de la pression dynamique. Mais e passage d’une vitesse supersonique à une vitesse subsonique s’opère à travers un système d’ondes de choc (3) qu’il convient de discipliner et de fixer, ce qui ne peut être obtenu que par une adaptation permanente de la forme de l’entrée d’air. Cette adaptation, compliquée par la nécessité d’éliminer l’air en excès en l’éjection par des ouïes ou en le faisant circuler autour du moteur (il est éjecté ensuite dans la tuyère de sortie), s’opère au moyen de trappes à ouverture automatique et de parois réglables en inclinaison et dont la position est contrôlée au dixième de seconde près par un petit calculateur électronique auquel parviennent diverses informations relatives au champ aérodynamique à l’extérieur et à l’intérieur de la nacelle et au régime de fonctionnement du moteur.

(3) Les ondes de choc sont des surfaces de discontinuité au travers desquelles la pression, la température, la densité et la vitesse (en grandeur et en direction) de l’air subissent une variation. Elles caractérisent les écoulements supersoniques.

Concorde 002 devra maintenant vérifier les réglages et le bon comportement en vol aux vitesses supersoniques (il n’est indispensable qu’à partir de Mach 1,2-Mach 1,3) de ce système dont dépend en partie à la fois le rendement de propulsion et la sécurité de l’avion ; en cas d’arrêt brutal d’un moteur en vol supersonique, il convient en effet de modifier rapidement le débit de son entrée d’air car les perturbations créées dans le fonctionnement de celle-ci pourraient remonter en amont, jusqu’au niveau de l’entrée d’air jumelle, et entraîner alors son désamorçage, d’où troubles de fonctionnement et arrêt d’un deuxième moteur. Or si Concorde peur encore voler en régime supersonique (jusqu’à Mach 1,6 ou Mach 1,7) sur trois moteurs, le cas de vol sur deux moteurs ne fait quand même pas partie des configurations normalement envisagées, bien que l’appareil puisse
encore maintenir sa ligne de vol en régime subsonique, à Mach 0,93, en ne consommant pas plus de carburant au kilomètres qu’à Mach 2.


Nacelles entrées d’air montées sur Concorde 001, se distingue à l’intérieur les deux plans inclinés réglables en position et, sous la nacelle, les deux trappes destinées à capter de l’air additionnel aux hautes vitesses. Aux grandes vitesses, ces trappes basculent en sens inverse et évacuent au contraire l’air en excès.
Après les entrées d’air, les moteurs ; si Concorde n’existe encore qu’à l’état de deux prototypes (les avions de présérie voleront cependant l’an prochain), l’Olympus 593 a par contre derrière lui une longue histoire, et totalise maintenant plus de 10.000 heures d’essais dont un peu plus de 10% en vol. Ces chiffres rapportés à un avion prototype utilisant des nouveaux moteurs (4) sont inhabituels mais s’expliquent par la nécessité de ne pas freiner le développement de l’avion par des incidents concernant la motorisation, phénomène devenu trop fréquent en aéronautique.
(4) Il n’y a plus rien de commun entre l’Olympus subsonique monté sur les Bombardiers « V” britanniques et l’Olympus supersonique de Concorde. Et la poussée a pratiquement doublé. En fait, l’Olympus 593 est le plus puissant moteur du monde actuellement construit.
Les fabricants, c’est-à-dire, Rolls-Royce/Bristol Siddeley et la SNECMA ont donc vu large. Aux installations d’essais classiques propres à chaque motoriste, s’ajoutent les caissons d’altitudes du National Gas Turbine Establishment (NGTE) de Pyetock et du Centre d’Essais des Propulseurs de Saclay (5), où les moteurs sont essayés dans tous le domaine de vol de Concorde. Des bancs d’essais classiques sont également équipés avec une installation de pré-chauffe de l’air admis dans le moteur, qui restitue les conditions de température rencontrées en vol à Mach 2 dans la manche d’entrée d’air ; la température d’entrée d’air s’élève en effet rapidement avec le nombre de Mach ; elle atteint par exemple en altitude 50°C à Mach 1,6 et 127°C à Mach 2 ; les conditions de fonctionnement du moteur en sont évidemment affectées.
(5) Les bancs d’essais ou caissons ”haute altitude » permettent de reproduire les conditions d’utilisation réelles des moteurs ; on alimente ceux-ci avec de l’air porté à la pression et à la température nécessaires, et on extrait ensuite le jet de gaz issu du moteur, en reproduisant également les conditions de pression extérieure qui seraient celles du vol. De tels bancs d’essais exigent l’utilisation d’énormes sources de puissance sous forme d’air comprimé. Au CEP, on utilise les chaudières d’un croiseur (100.000 ch).
Ce problème est bien connu de l’industrie aéronautique française, puisque les Mirage III et Mirage IV, dépassent couramment Mach 2,1. Mais pour Concorde, le problème prend une autre dimension : celle du temps, car c’est une chose d’admettre des pointes de température de 120-130°C pendant quelques minutes sur le bord d’attaque de l’aile, le nez du fuselage, et l’entrée d’air des moteurs, et c’en en est une autre de considérer que ces températures correspondent au régime de fonctionnement normal et permanent de l’avion et de ses moteurs ; sur l’étape Paris-New York, parcourue en 200 minutes, 132 minutes s’effectueront en effet à Mach 2,05, entre 51.3000 pieds d’altitude (15.600 mètres) et 59.000 pieds (18.000 mètres). Si l’altitude de vol choisie était plus faible, la température serait même encore plus élevée, car l’élévation de température due à la vitesse (6) est égale à Mach 2, à 175°C ; mais il faut en déduire la température ambiante, soit – 56°C au-dessus de 11.000 mètres d’altitude (atmosphère standard).
(6) L’augmentation de température, ou échauffement cinétique est due à la transformation de l’énergie cinétique de l’air en chaleur par suite du principe de la conservation de l’énergie. C’est échauffement est évidemment maximal aux points de l’avion où la vitesse s’annule presque entièrement, c’est-à-dire à la pointe avant du fuselage, au bord d’attaque de l’aile, au niveau des prises d’air (l’air y est ralenti de Mach 2,05 à Mach 0,5), etc. A un point d’arrêt (vitesse ramenée à 0), l’échauffement cinétique exprimé en °C est égal à V2, 2000 V étant donné en m/sec. A Mach 2, c’est-à-dire 2125 km/h, on trouve 175°C et à Mach 2,2 (2335 km/h), 211°C ; en déduisant la température ambiante soit – 56°C à haute altitude, on retrouve une température d’arrêt de 120°C à Mach 2 et 150°C à Mach 2,2.

Variation des températures de structure en fonction de la vitesse

Le problème d’échauffement est loin d’être le seul. Toujours en ce qui concerne les moteurs, la propulsion d’un avion bisonique exige qu’un très haut niveau soit obtenu en ce qui concerne deux critères essentiels : le rapport poussée/poids et le rapport poussée/surface du moteur au maître-couple. Ces rapports sont respectivement de 6 et 15 tonnes au m2 sur l’Olympus 593, soit 50% de plus que sur les turboréacteurs civils classiques comparables (c’est-à-dire à simple flux). A ce haut niveau de performance, correspondent des températures de gaz devant turbine très élevées (près de 1150°C au décollage et 1050°C en croisière continue), un débit de compresseur très élevé également, l’obligation de de refroidir les aubes de turbine avec de l’air froid qui se trouve en fait à 550°C, la nécessité de mettre au point des huiles e graissage conservant de bonnes qualités de lubrification et de non-inflammabilité à des températures inhabituelles, etc. Enfin, une sujétion particulière au type d’entrée d’air bi-dimensionnelle de Concorde doit être signalée : cette entrée étant adaptée au vol supersonique, ses arrêtes sont très effilées et en vol subsonique induisent obligatoirement des décollements générateurs de tourbillons ; l’écoulement dans la manche d’entrée est alors hétérogène, et le compresseur basse pression du moteur doit être étudié en conséquence afin de ne pas « décrocher” au moindre remous ; or cette exigence est contradictoire avec l’obtention d’un rendement très élevé, qui s’obtient, aux grandes vitesse, à la limite du décrochage.


Les dessins ci-dessus, représentent l’écoulement de l’air dans les nacelles motrices. Le premier schéma montre le fonctionnement en régime subsonique. La trappe auxiliaire inférieure dont plusieurs types ont été étudiés, permet d’accroître le débit d’air capté. Le second schéma est relatif au supersonique. Les deux rampes mobiles focalisent les ondes de choc sur la lèvre de la manche d’entrée, la trappe auxiliaire est utilisée pour évacuer, éventuellement, l’air en excès. Une partie de celui-ci est également injectée autour du moteur et le refroidit (air secondaire). Cet air est ensuite rejeté à l’arrière, après avoir été mélangé au jet chaud. La tuyère secondaire est ouverte au maximum afin d’obtenir la plus grande détente possible du jet de gaz.

Finalement, malgré des essais qui ont débuté très tôt (le premier Olympus 593 a tourné au banc le 10 novembre 1965), les ingénieurs ont estimé que les installations de simulation au sol ne permettrait pas d’assurer une sécurité suffisante pour les premiers vols de Concorde : d’où la décision d’installer sous le ventre d’un Bombardier quadriréacteur ”Vulcan » une nacelle motrice de Concorde, avec sa manche d’entrée d’air, son moteur en fonctionnement réel et sa tuyère d’éjection convergente-divergente à section variable ; cette tuyère, longuement étudiée par la SNECMA et par l’ONERA, dans ses souffleries de Modane-Avrieux, effectue un travail inverse de celui de la manche d’entrée d’air : elle redonne aux gaz issus du moteur, une vitesse supersonique, par détente jusqu’à la pression ambiante.

Le « Vulcan” permet d’essayer le fonctionnement de cet ensemble dans tout le domaine de vol subsonique, avec plus de certitude que le permettent les caissons d’altitude, car le comportement du moteur en région transitoire (accélération ou décélération de l’avion, allumage ou extinction de la réchauffe) est plus facilement mesurable sur un banc volant qui permet au moteur de réagir comme sur Concorde, alors que dans un caisson d’essais la réponse du moteur aux diverses sollicitations et variations des conditions de vol est modifiée par l’inertie propre aux installations d’alimentation en air et d’extraction des gaz. Le ”Vulcan » permet ainsi d’évaluer la « pilotabilité” de l’Olympus 593, et de rechercher les meilleurs réglages de ses dispositifs de régulation ; il a permis aussi de familiariser les pilotes d’essais de Concorde avec les réactions des moteurs (le ”Vulcan » peut voler jusqu’à Mach 0,9 à 50.000 pieds, ou 15.000 mètres).

La course aux tonnes de poussée

A quelques semaines des premiers vols à Mach 2, il est intéressant de faire le point sur l’évolution de l’Olympus 593. Les moteurs utilisés pour le programme d’essais en vol et de développement de Concorde sont pratiquement tous au même standard mécanique, les modifications apportées au cours du déroulement du programme étant des modifications mécaniques mineures. L’augmentation de la poussée autorisée est obtenue essentiellement par des accroissements de la température d’entrée turbine et de la vitesse de rotation ; les moteurs sont ainsi progressivement libérés pour fonctionner à des nombres de Mach plus élevés.

Ont été ainsi successivement livrés :
– Des Olympus au standard 593-1 et 593-2A de 13.050 kg de poussée nominale au décollage, et qui ont fourni en fait une poussée de 13.590 kg (avec postcombustion ou réchauffe). Ce sont ces moteurs qui ont été utilisés pour les premières tranches d’essais en vol de Concorde 001 et 002 avec un potentiel de 50 heures de marche, porté successivement à 70, 100 et 125 heures. Ils étaient utilisables jusqu’à Mach 1,6.
– Des Olympus 593-2B de 14.900 kg de poussée nominale au décollage. Ces moteurs montés actuellement sur Concorde 002, ont une durée de vie provisoirement limitée à 100 heures, mais sont homologués « Mach 2”, c’est-à-dire capables d’avaler de l’air porté à plus de 125°C pendant une courte période.
– Des Olympus 593-3B de 15.750 kg de poussée : ils vont être montés sur les deux Concorde prototypes, et sont homologués ”Mach 2″ également, mais en régime continu après essais en vol sur le ”Vulcan ». Durée de vie initiale : 100 heures.

Les essais commencent maintenant, toujours sur le « Vulcan”, de l’Olympus 593-4 allégé sur certains points. Au total, une cinquantaine d’Olympus ont été fabriqués à ce jour, qui totalisent déjà plus de 10.000 heures de fonctionnement : 7000 heures environ pour les moteurs de développement, et 3000 heures pour les moteurs de vol. Sur ces 10.000 heures, environ 900 ont été effectuées en vol sur les deux Concorde, et 200 sur le « Vulcan”. Mais il reste encore beaucoup à faire : le programme de mise au point des moteurs en effet 30.000 heures d’essais, dont plus de la moitié en vol avec le ”Vulcan » (250 heures) et les sept premiers Concorde, qui totaliseront en 1973, lors de l’obtention du certificat de navigabilité, 4300 heures de vol (soit 17.200 heures moteur).

A cette date, l’Olympus 593 type 601 devra fournir au décollage une poussée de 14,9 tonnes sans la postcombustion, et 17,15 tonnes avec cette dernière, tout en offrant une durée de vie minimale de 1000 heures (300 traversées de l’Atlantique). Deux ans plus tard, c’est-à-dire en 1975, alors qu’une quarantaine de Concorde auront été livrés, la poussée (Olympus 593 type 621) passera à 15,9 tonnes sans la postcombustion et 17,4 tonnes avec cette dernière (soit un taux de postcombustion abaissé de 16 à 9%) grâce à l’expérience acquise sur la tenue du moteur aux hautes températures.


La tuyère actuelle est ici photographiée à l’arrière. A gauche, les deux demi-coquilles de l’inverseur de jet sont fermées ; elles font obstacle au passage du gaz. Ceux-ci sont rejetés vers le haut et vers le bas, puis vers l’avant grâce à des grilles de reverse. Ainsi obtient-on, quel que soit l’état de la piste, une force de freinage qui peut atteindre 30 à 40% de l’effort de propulsion. A droite, les demi-coquilles sont complètement escamotées, laissant voir la sortie de la tuyère primaire, dotée de nombreux volets qui permettent d’en régler le diamètre ; on distingue également à la partie supérieure, en position semi escamotée, quelques éléments (ou lobes) du silencieux utilisés pour injecter de l’air frais dans le jet.

Les schémas ci-dessous montrent le principe de la tuyère à reverse aval (TRA) : la sortie de gaz s’effectue à l’intérieur de deux demi-coquilles situées tout à l’arrière et qui remplacent à la fois la tuyère secondaire du système actuel et les obstacles en forme de coquilles utilisés pour dévier le jet lorsque le pilote a besoin d’inverser la poussée (reverse). Ces deux demi-coquilles, en tournant, permettent en effet de faire varier la section du jet (c’est le rôle de la tuyère secondaire actuelle) afin de l’adapter aux conditions de vol subsoniques et supersoniques. En les refermant, on dévie directement le jet vers le haut et vers le bas, mais les deux demi-coquilles encaissent alors un choc thermique extrêmement important. Il y a quelques années, leur réalisation apparaissait impossible. On sait maintenant comment les fabriquer : en nid d’abeille d’acier soudé. Le procédé de fabrication est le même que celui qui a été adopté pour certains éléments du transport supersonique américain.

Vers une nouvelle tuyère

Tout ceci, c’est de la théorie : Rolls-Royce et la SNECMA, se sont engagés sur ces chiffres, et ont confirmé qu’ils seraient respectés. Mais de nouveaux éléments sont intervenus depuis, qui permettent de penser que ces données et ces prévisions seront probablement modifiées.
Il y a tout d’abord les futurs utilisateurs : bien que la méthode soit en passe de devenir classique, les compagnies qui vont mettre Concorde en service dans trois ans ne sont pas tellement chaudes pour utilise d’abord l’appareil avec des moteurs ne donnant pas les performances maximales, car sur Concorde cela se traduira en pratique par une nette diminution de la charge payante ; au lieu de 110 à 130 passagers, l’appareil en emporterait moins de 100. Même s’il est provisoire, le manque à gagner serait d’autant plus regrettable que les deux premières années verront certainement les compagnies faire le plein de l’appareil facilement, l’attrait de la nouveauté jouant dans le même sens que le faible nombre de places (peu d’appareils en service) offert. Comme le succès de Concorde tient en bonne partie au fait que le supersonique américain débouchera cinq années plus tard, les avionneurs, c’est-à-dire l’Aérospatiale (SNIAS, ex Sud Aviation) et la British Aircraft Corporation tiennent à donner satisfaction à leurs clients afin d’occuper le marché le plus vite possible ; il est donc tendance à demander aux motoristes de livrer dès 1973 des Olympus 593 type 621, d’autant plus que le programme a subi déjà un décalage de plus d’un an par rapport aux prévisions de 1966.

Cette demande était à peine formulée qu’un autre phénomène intervenait : l’apparition, sur le papier, d’un type de tuyère améliorée, dit TRA (tuyère à reverse aval). Etudiée à la demande de la BAC et de l’Aérospatiale, cette tuyère n’est pas nouvelle dans son principe, mais elle n’avait pas été retenue il y a 7 ans, car sa réalisation semblait alors peu compatible avec les possibilités pratiques de la métallurgie. Depuis, certain progrès ont
été accomplis, et la TRA a ressurgi de l’ombre ; la SNECMA, avec la collaboration d’une équipe de Nord Aviation, en réétudie le principe et va même plus loin : des essais sont prévus pour cet été.
La tuyère à reverse aval a certains avantages : elle est plus légère, car elle permet une meilleure intégration structurale entre les divers éléments des tuyères et des nacelles, assure un écoulement aérodynamique plus sain autour de l’arrière-corps (diminution de la traînée de culot), et conduit finalement à un gain de poids et de rendement de propulsion. Le bilan se solderait par un gain de 2 et même 3 tonnes sur la charge payante, ce qui est énorme (cette charge, selon les estimations, varie entre 9 et 12 tonnes ; et les avionneurs ont quelque peine à rester dans les limites prévues), ou par un allongement de la distance franchissable.

Autre point délicat de qui n’est plus une simple hypothèse de travail, mais pas encore une réalité : la mise au point et la fabrication de cette nouvelle tuyère pourrait entraîner un décalage dans la livraison des premiers avions de série ; les responsables hésitent donc à envisager son adoption, et ne doivent de toute façon attendre les résultats des premiers essais.

Coupe du moteur Olympus 593 et de la tuyère qui permet d’utiliser au mieux le jet de gaz issu du moteur. La tuyère est aussi longue que le moteur

Sur le plan industriel, l’opération ”Concorde » a atteint un point de non-retour. Depuis novembre 1962, date de démarrage officiel du programme, le coût du programme de « recherches et développements” (c’est-à-dire jusqu’à l’obtention du certificat de navigabilité, ou CDN) s’est élevé par paliers successifs à dix milliards de francs (1000 milliards anciens), dont un peu plus de la moitié a été dépensé, à parts sensiblement égales, dans les deux pays. En 1966, il n’était question que de six milliards de francs, mais il y a depuis la dévaluation de la Livre Sterling, puis celle du Franc, le glissement annuel dû à l’inflation, enfin les inévitables aléas techniques et surtout l’alourdissement de l’appareil, passe de 148 tonnes (prototype) à 175,5 tonnes (avion de série), afin que soit conservée une charge payante transatlantique de 20.000 à 25.000 Livres, c’est-à-dire 9 à 11,3 tonnes.*

Le point de non-retour est dépassé

A ces dépenses élevées, qu’industriels et gouvernements s’efforcent de bloquer au niveau atteint, correspondent : les études et essais préalables ; la fabrication de deux prototypes, de deux avions de présérie, de deux cellules statiques et dynamiques et de 63 moteurs ; les essais au sol et en vol (plus de 4200 heures) jusqu’au CDN ; une partie enfin de l’outillage de base pour la fabrication de série (les trois premiers avions de série seront également utilisés pour les vols d’endurance préludant à la certification).
Ce n’est pas tout. Les recherches effectuées dans les laboratoires gouvernementaux (en particulier, en France, au CEAT, au Centre d’Essais Aéronautiques de Toulouse) ont entraîné, au bénéfice direct de Concorde, des dépenses supplémentaires d’investissements et de fonctionnement évaluées à 800 millions de Francs, mais qui ne sont pas décomptées dans le coût du programme ”Concorde », car elles bénéficient aussi, grâce aux progrès techniques accomplis et aux moyens d’essais mis en place, à toute l’industrie aéronautique. Une somme équivalente est consacrée à l’achat et à la fabrication de machines-outils spéciales (par exemple les fraiseuses à grande capacité et commande numérique).

Mais le lancement de la série proprement dite exigera, dans des délais assez brefs, des moyens financiers très importants dont on aura une idée en sachant que chaque Concorde sera vendu environ 110 millions de Francs. Or, la situation du transport aérien n’est pas très rassurante sur le plan des investissements car, dans les cinq années à venir, les compagnies vont pratiquement devoir renouveler toute leur flotte en achetant, dans l’ordre de leur apparition, un bon millier d’appareils classiques, c’est-à-dire subsoniques : Boeing 747, Lockheed L-1011 Tristar, Mc Donnell-Douglas DC-10, Airbus A300-B, Dassault Mercure… L’achat des Concorde (le marché est estimé à 3000 appareils pour la période de 5 ou 6 années s’étalant de 1973 à 1978, leur posera donc un nouveau problème que seul peut résoudre la création d’un très puissant consortium bancaire capable de financer successivement la fabrication des appareils, puis leur achat par les compagnies avec paiement échelonné sur de nombreuses années.

La garantie des gouvernements est évidemment nécessaire, d’où l’autorisation demandée à ceux-ci par les industriels de débloquer par petites tranches la fabrication des premiers avions de série. Le lancement de cette fabrication, et celui des approvisionnements nécessaires est indispensable afin d’éviter une rupture du plan de charge d’une bonne partie de l’industrie aéronautiques des deux côtés de la Manche – rupture qui serait dramatique et qui aurait des conséquences graves pour l’avenir – et de ne pas manquer le rendez-vous de 1973-1974 (livraison aux premiers utilisateurs). Début 1969, le lancement des trois premiers avions de série a été autorisé ; Concorde n° 1 volera ainsi au début de 1972. Concorde n° 2 vers mars-avril 1973 et Concorde N° 3 vers la mi-1972. En octobre, une deuxième tranche de trois appareils a été débloquée ; en juillet prochain, les industriels demanderont à nouveau le lancement de quatre machines supplémentaires. Telle une mécanique bien huilée, l’opération « Concorde” progresse ainsi, lentement et sans bruit, vers son objectif final : la fabrication à raison de quatre appareils par mois (au moins) de l’avion le plus perfectionné du monde.


La construction du premier Concorde de série (Concorde n° 1), qui volera à Toulouse au début de 1972, est largement avancée. Les trois principales usines de l’Aérospatiale ; Toulouse, Marignane et Nantes-St Nazaire y participent. La photographie ci-dessus, prise en mars dernier à Marignane, montre la sortie d’atelier du tronçon N° 14.
Et cependant, la preuve formelle de la valeur réelle de Concorde n’est pas encore fournie. Car, en juillet, commenceront les vols à Mach 2, au-dessus de la mer d’Irlande, sur des trajectoires rectilignes d’au moins 1500 km ; ces vols permettront aux techniciens de prouver que leurs calculs étaient justes, c’est-à-dire que la traînée aérodynamique et la poussée des moteurs sont bel et bien celles prévues et que la consommation kilométrique ne dépasse pas la valeur maximale admise.
Les 174,5 tonnes de poids total au décollage de Concorde, version série, se décomposeront, en effet, de façon suivante :

  • Poids à vide équipé ; 76,5 tonnes
  • Carburant : (maximum) : 89 tonnes
  • Charge payante (maximum) :9 tonnes
  • Total :174,5 tonnes

Cette répartition des masses est assez différente de celle constatée sur les avions subsoniques, le carburant (réserves comprises) pouvant représenter plus de la moitié du poids de l’avion. Or une augmentation de 1% de la traînée – ou, ce qui revient au même, une diminution de 1% de la poussée réellement disponible – se traduit par une augmentation de la quantité de carburant consommée de 1 tonne environ, dont une diminution égale de la charge payante. La relation finale ; 1% de traînée en plus = 1 tonne de charge payante en moins, (soit environ 10% de cette charge payante) illustre parfaitement cette ultra- sensibilité du rendement commercial de Concorde à ses performances aérodynamiques et thermodynamiques.

Les essais en soufflerie ont pu être menés, grâce à des trésors d’ingéniosité, avec une précision de l’ordre de 1/1000, ce qui est déjà remarquable. Mais la soufflerie ne peut donner des résultats définitifs à cause des phénomènes d’échelle (de nombreux coefficients aérodynamiques varient avec les dimensions) et les extrapolations nécessaires restent entachées d’incertitude. D’où la nécessité d’effectuer des mesures en vol très précises, d’ailleurs délicates à mener et, pour plus de certitude, chaque avion devra recouper les résultats obtenus par l’autre.
Aussi le rapport définitif sur les performances réelles de Concorde ne pourra-t-il être déposé auprès des compagnies et des Gouvernements que dans le courant du dernier trimestre, même si, comme c’est très probable, les chiffres significatifs sont déjà connus dès cet été. C’est alors que pourront être prises les décisions attendues : lancement définitif de la série, choix de la cadence de fabrication et de la date de mise en service, adoption immédiate ou différée d’une nouvelle tuyère.

Y aura-t-il un Super Concorde ?

Les constructeurs restent extrêmement discrets sur ce sujet, et on les comprend : toute publicité donné actuellement au moindre avant-projet risquerait surtout d’inciter les acheteurs hésitants à différer leurs décision. Il faut d’abord vendre Concorde, tel qu’il existe, et en vendre le plus possible ; la fabrication en série ne se justifie que si 150 appareils au moins sortent des chaînes d’assemblage de Toulouse et de Filton, ne serait-ce que pour amortir l’outillage mis en place. Mais si Concorde donne satisfaction – et il est maintenant permis d’être raisonnablement optimiste – il s’en vendra probablement beaucoup plus : 250 à 300 d’ici à 1977-1978, 500 peut-être d’ici à 1980. Tout dépendra aussi de la date de sortie véritable du SST américain.
Un ”Super Concorde » probablement plus grand, plus lourd et un peu plus rapide a donc peu de chances de sortir avant la fin de la décennie. Un accroissement sensible de la capacité de l’avion ne pourrait d’ailleurs être obtenu qu’en élargissant la cabine, c’est-à-dire en accroissant le diamètre du fuselage, ce qui revient, par souci d’optimisation des dimensions de l’avion à le redessiner entièrement.
Par contre, des améliorations non négligeables pourraient être apportées à l’avion actuel, sans toucher à ses dimensions et à son dessin (hormis l’éventuelle adoption de « moustaches” dont l’étude en soufflerie se poursuit afin de vérifier si leur montage se justifierait vraiment.
Le premier type d’amélioration est d’ordre aérodynamique ; les spécialistes considèrent que la bonne retenue Pour la voilure est très près d’être optimale, mais qu’il est encore possible de gagner quelque chose, soit en subsonique (amélioration des conditions de décollage et d’atterrissage ou du vol en attente à basse et moyenne altitude), soit en supersonique (traînée en croisière). Les extrémités d’ailes (à l’extérieur des nacelles motrices) sont démontables, et il sera toujours possible de les changer, ainsi que le bord d’attaque. Des études théoriques sur ordinateur et expérimentales (en soufflerie), très poussées, utilisant les techniques les plus modernes, se poursuivent d’ailleurs, tant en France qu’en Grande-Bretagne. Et dans ce domaine, les Européens ont peu de choses à envier aux Américains.
Viennent ensuite les moteurs. Le potentiel de développement de l’Olympus 593 est difficile à apprécier, car ce moteur amorcera sa carrière sous une forme déjà assez poussée. Cependant des améliorations sont envisageables sur de nombreux points : chambre de combustion, température de fonctionnement des turbines (par amélioration de leur refroidissement), tuyère d’éjection (en particulier au niveau du silencieux), utilisation de matériaux plus résistants ou capables de travailler à de plus hautes températures. Finalement l’Olympus
593 et son système d’éjection peuvent être améliorés sous plusieurs aspects : rendement thermodynamique, niveau de poussée, niveau de bruit, consommation en carburant, durée de marche entre révisions, et poids total. L’Olympus 593 de la seconde moitié de cette décennie a donc de bonnes chances de pousser plus et de consommer moins, sans oublier qu’en cas de besoin, il sera possible d’accroître le taux de postcombustion (actuellement limité à la faible valeur de 16%), c’est-à-dire d’accroître la poussée disponible au décollage et pendant le passage du transsonique. Les améliorations les plus urgentes concernent cependant le niveau sonore.
Enfin, les matériaux utilisés pour la structure de l’avion peuvent eux aussi évoluer. Il n’y a par exemple que 1,5% de titane sur Concorde (contre 2,5% sur le Boeing 747, et un pourcentage beaucoup plus élevé sur le futur SST). Or une utilisation plus intensive du titane et ses alliages est déjà envisageable sur Concorde, car elle permettrait d’alléger la structure de plusieurs centaines de kilos, voire de plusieurs tonnes. A l’heure actuelle, le titane est encore un métal cher, mais son coût baisse régulièrement. Et son utilisation permettrait aussi un gain sue le Mach de vol : en utilisant exclusivement le titane pour les bords d’attaque, il serait, par exemple, possible de gagner 0,1 à 0,2 Mach. Ce résultat serait d’autant plus intéressant qu’à Mach 2,3 au lieu de Mach 2 ou 2,1, le rendement général de l’avion serait un peu meilleur.


En augmentant la vitesse au-delà de Mach 2, on perd un peu sur l’aérodynamique, mais on gagne sur le rendement de propulsion ; le rendement global s’améliore un peu.
Le but final essentiel de toutes ces améliorations sera d’augmenter le rayon d’action réel, qui dépasse actuellement 6000 kilomètres. Avec 7000 kilomètres, Francfort, Genève, Stockholm ou Rome pourraient être reliées directement à New York et le nombre des utilisateurs potentiels serait sensiblement accru tant sur l’Atlantique que sur le Pacifique. La seule inconnue réside dans la date à laquelle un ”Concorde amélioré » sera mis en service.