Jean-Marie Riche est au premier plan. Derrière lui, Pierre Sparaco. © Famille Riche

Jean-Marie Riche s’est éteint le 18 mars 2018 à l’âge de 97 ans. Une disparition qui ne peut laisser Air & Cosmos indifférent puisqu’il en fut l’éminent fondateur. Le magazine est né en mars 1963 sous son impulsion mais aussi celles d’Albert Ducrocq et de Jacques Morisset. ”Au début des années soixante, alors que l’industrie aérospatiale était en pleine renaissance, le manque d’un journal d’information – en langue française – sur ce secteur était ressenti dans toute la profession », écrivait Jean-Marie Riche à l’occasion du 50ème anniversaire de la création d’Air & Cosmos.

Mais, Jean-Marie Riche n’a pas été seulement le créateur de cet hebdomadaire qui a vu naître Airbus et bien d’autres grands noms encore de la filière aérospatiale française. Cet homme d’influence a d’abord été un homme de l’ombre. La Seconde Guerre mondiale l’attrape alors qu’il n’a pas encore 20 ans. Parti sur les routes de l’exode avec ses parents, il revient à Soissons au début du mois de juillet 1940 et apprend que l’on cherche un interprète à la gare de Soissons. Il se présente. Il est embauché.

Il a appris l’allemand au Lycée et a passé un mois à Munich en 1938 pour perfectionner la maîtrise de cette langue. Son premier contact avec la réalité nationale-socialiste. En 1942, alors en recherche d’emploi à Paris, il est mis en contact avec l’un des responsables du réseau « Manipule”. Divisé en trois sous-réseaux, ”Manipule » était un réseau de renseignements militaires dépendant des services secrets de la France Libre. Un an plus tard, Jean-Marie Riche est transféré au réseau Roy/mission « Lenoir” chapeauté par l’OSS, l’ancêtre de la CIA.

Sa mission : renseigner les Alliés sur les activités allemandes dans les tunnels de Vierzy et de Margival ainsi que sur tous les mouvements de troupes allemandes passant par Soissons. Son rôle d’interprète à la gare, jusqu’à la fin août 1944, lui permettra d’avoir accès aux renseignements nécessaires à sa mission. A la Libération, il rejoint les FFI de Soissons puis est détaché auprès des forces armées américaines au sein du 724ème bataillon des chemins de fer à Compiègne. En mars 1945, il rejoint la Direction générale des études et des recherches (DGER), l’ancêtre du SDECE, avec le grade de lieutenant.

Démobilisé en octobre 1945, il rejoint ”La Vie des Transports » puis le journal « Combat » en 1950. Viendra aussi le temps de « L’Equipe », puis, pour ce spécialiste des voies ferroviaires et fluviales, et définitivement celui de l’aéronautique chez « Aviation Magazine » et « Les Ailes”. Une ”fibre aéronautique » qui était présente dès 1949 puisqu’il crée cette année-là l’Association des Journalistes Professionnels de l’Aéronautique et de l’Espace (AJPAE) avec trois de ses confrères.

Jean-Marie Riche a cumulé les honneurs. Titulaire de la Médaille de la Résistance et officier dans l’ordre de l’Empire Britannique (OBE), il était aussi chevalier dans l’Ordre de la Légion d’honneur et officier dans l’Ordre national du Mérite. Egalement titulaire de la Médaille de l’Aéronautique et de son équivalent brésilien, la « Santos Dumont”. L’Allemagne a su également reconnaître son rôle éminent dans le rapprochement franco-allemand, notamment sur le plan aérospatial.

Homme d’influence et engagé dans le syndicalisme – il fut conseiller de Force Ouvrière pour les affaires aéronautiques pendant de longues années ; Jean-Marie Riche n’a cessé d’œuvrer à la création d’une Europe de l’aéronautique, soutenant le lancement d’Airbus dès les débuts et de ce qui se révèlera être une ”fantastique aventure ». Jusqu’à son dernier souffle, Jean-Marie Riche aura suivi le devenir d’Airbus avec passion.

Il sera également un indéfectible soutien de René Ravaud, le président de la Snecma, qui jouera la carte d’une alliance stratégique avec General Electric donnant naissance en 1974 à la création d’une filiale conjointe, CFM International, avec le succès que l’on connaît aujourd’hui et sans laquelle le groupe Safran ne serait pas ce qu’il est. Ces deux exemples, et pas des moindres, illustrent à eux seuls le rôle joué par Jean-Marie Riche au cours de sa très longue carrière d’observateur attentif des évolutions et des lignes de force d’une industrie aérospatiale dont l’Europe profite pleinement depuis quelques années déjà.