Article de Jacques MORISSET

Trente-huit jours après Concorde 001, le prototype 002 de l’avion de transport supersonique franco-britannique a donc effectué le 9 avril son premier vol entre Filton et Fairford : un vol court (22 minutes) mais qui permet maintenant à nos amis britanniques de se sentir rassurés : « leur avion vole bien, leur chef-pilote s’est montré à la hauteur de sa tâche, et il ne reste plus qu’à aller jusqu’au bout », c’est-à-dire mettre au point l’appareil en vol supersonique permanant, lancer la fabrication en série, vendre les avions, et le mettre en service, en 1973-1974. Un lourd programme, qui exigera encore près de cinq années d’efforts, 4500 heures de vol, et une étude soignée des problèmes posés par le ”bang sonique », le bruit des moteurs et la pollution atmosphérique.

Dans le poste de pilotage du Concorde 002 : il reste encore de la place pour les équipements à venir

Car les problèmes de bruit sont déjà apparus : la presse britannique n’en a pas fait mystère, notons simplement que les silencieux n’étaient pas en action. Par contre, la postcombustion (à 8%) fut utilisée, chaque moteur fournissant ainsi une poussée de 12,8 tonnes (28.500 ibs). Compte tenu du poids modéré de l’avion au décollage : 110 tonnes environ, Concorde 002 accéléra donc rapidement, et décolla en 1500 mètres environ, à la vitesse de 320-330 km/h. La postcombustion fut éteinte vers 500 mètres, et l’appareil continua à grimper rapidement jusqu’à 3000 mètres, à une vitesse modérée (400 km/h).

Après un vol sans histoires, hormis la présence soudaine d’un avion-école égaré dans les parages, Brian Trubshaw procéda à un essai simulé d’atterrissage (en altitude), puis annonça l’approche du terrain de Fairford vers 1000 mètres d’altitude ; l’approche finale eut lieu avec l’automanette, débranchée cependant à quelques dizaines de mètres d’altitude.

Concorde 002 à l’atterrissage à Fairford ; le léger nuage de fumée au droit du train principal gauche indique que cet atterrissage a été quelque peu mouvementé et brutal : mais le pilote, Brian Trubshaw, victime d’une panne de radioaltimètre, dut atterrir au « jugé” : il s’en est d’ailleurs fort bien tiré, grâce à son entraînement sur simulateur
Dès l’atterrissage, l’équipage fut accueilli par André Turcat et diverses personnalités, qui avaient fait le trajet à bord d’un HS 125 : les présidents Henri Ziegler et Sir Georges Edwards, M. Russell, M. Guista et bien entendu le député-ministre Wedgwood Benn.

Quelques petits incidents émaillèrent bien entendu les derniers essais en vol et le vol lui-même ; le dimanche précédent, lors des essais de roulage, un pneumatique brûla alors que l’avion roulait à vitesse modérée : un court-circuit avait entraînait un blocage des freins ; le mercredi 9, l’une des réchauffes s’éteignit, mais redémarra à la première sollicitation : il s’agissait d’un mauvais branchement ; enfin, sans compter la défaillance des radioaltimètres, la centrale anénomètrique et son calculateur avaient dû être contrôlés à la suite d’un essai de roulement. La presse eut évidemment tendance à grossir ces incidents qui n’eurent pas de conséquences et ne mettent pas en cause le matériel.

Après les prototypes, les avions de présérie : à Filton, dans l’usine de British Aircraft Corporation, cette photo montre l’état d’avancement du Concorde 01.
Le deuxième avion de présérie (Concorde 02) est de son côté assemblé à Toulouse, à quelques semaines derrière son frère britannique. Les deux appareils doivent voler en 1971.